Chronique|

La traversée du sud au nord du Québec accomplie pour deux aventuriers

Samuel Lalande-Markon et Simon-Pierre Goneau lors de leur arrivée au cap Wolstenholme, le point le plus au nord du Québec.

CHRONIQUE/ Près de 3000 km plus tard, les aventuriers Samuel Lalande-Markon et Simon-Pierre Goneau ont réussi la première traversée intégrale du Québec du point le plus au sud, en Montérégie, jusqu’au point le plus au nord, au cap Wolstenholme.


Samuel Lalande-Markon est parti en vélo d’hiver le 1er février dernier, alors que le Québec connaissait des températures glaciales. Son partenaire l’a rejoint dans la communauté crie de Chisasibi, dans la partie nord de la Baie-James. Ils ont ensuite pris la direction de Ivujivik, pour atteindre le cap Wolstenholme, un territoire qu’ils ont parcouru en ski. Il était aussi prévu qu’une équipe de tournage aille les rejoindre. Simon-Pierre Goneau avait pour sa part fait le même tronçon en vélo en 2020.

« Le gros défi, c’est l’endurance, la durée de l’expédition, des conditions hivernales qui sont difficiles de manière répétée… Même dans les arrêts, synchroniser les ravitaillements, l’équipe (de tournage) qui vient nous rejoindre… Au niveau de ce qu’on avait identifié comme étant plus à risque ou plus difficile, il n’y a rien qui s’est avéré comme dans un scénario catastrophe », résume Samuel Lalande-Markon, qui parle de cette expédition comme d’une première, tout en rappelant qu’elle a été réalisée dans un contexte très spécifique.



Avant le grand départ, le duo anticipait plusieurs défis, comme la présence d’ours polaires, l’état incertain des glaces et les conditions hivernales difficiles.

Le duo a bien aperçu des traces de l’emblématique animal pendant deux jours, de façon régulière. Pas de doute, les ours polaires étaient nombreux dans le secteur… mais les deux aventuriers n’ont jamais fait leur rencontre, contrairement à l’équipe de tournage qui en a vu quatre.

« Pour les conditions de froid, on n’a pas été dans les extrêmes que l’on aurait pu anticiper », souligne l’auteur de La Quête du retour, qui s’est tout de même fait surprendre par une vague de froid dans les premiers jours de son départ.

Une distance de près de 3000 km a été parcourue en vélo d’hiver et en skis lors de l’expédition Transboréale 2023, qui s’est terminée le 28 avril dernier.

La cohabitation vélo-auto, sur la route 117, ne s’est pas avérée de tout repos, raconte le musicien natif de Sherbrooke.



« Tout ça va se traduire par une réflexion, mais on voit qu’un automobiliste sur le chemin de Val-d’Or n’est pas là pour apprécier le parc de La Vérendrye ou le paysage. Il est là pour rouler le plus vite possible. C’est sûr que ça paraît dans la cohabitation avec des vélos. J’ai quand même eu des coups de klaxon, des fois des commentaires pas toujours super dans des stations-service... Ça n’a pas été un problème, mais plus je montais vers le nord, plus ça s’améliorait. Les communautés autochtones sont souvent les plus bienveillantes par rapport à ça […] On a peut-être quelque chose à apprendre de notre rapport au territoire des communautés autochtones et inuites… »

Le duo revient imprégné de paysages spectaculaires et de multiples rencontres avec les communautés inuites et autochtones faites au cours de ces 88 jours. Les deux aventuriers se sont notamment arrêtés dans des écoles afin de partager les moments de leur périple avec des élèves.

« Des fois, des expéditions, ça va juste bien. Dans ce cas-là, tout a été selon le plan et mieux encore », observe l’explorateur moderne.

« Ça a été un beau quotidien, avec des moments d’émerveillement. Évidemment, il peut y avoir des moments qui sont très difficiles… Mais dans l’ensemble, je trouve que ça a tellement bien été, ce n’est pas une impression de difficulté que je vais garder de ça […] On le remet en perspectives : la préparation était quand même très élevée : physique, mentale, logistique… Tout ça a fait en sorte que lorsqu’on était sur le terrain, on en a bien profité. »

Les cent jours prévus initialement ont d’ailleurs été moindres.

« On était constamment en avance sur cet horaire-là, surtout à partir de la moitié du parcours. On a dû ralentir un peu pour ne pas trop devancer la rencontre avec l’équipe de tournage », dit-il en soulignant qu’il s’agissait d’un estimé conservateur.



Dans les prochains mois, Samuel Lalande-Markon travaillera à la scénarisation d’un film sur cette aventure. Elle nourrira aussi un autre projet d’écriture, après la parution de La Quête du retour en 2021, qui racontait son expédition Transtaïga de Montréal à Kuujjuaq, en vélo et en canot aux côtés de David Désilets.

Il y a déjà longtemps que Samuel Lalande-Markon réfléchit au territoire, un thème qui l’habite.

« On se rend compte que notre Québec nordique, il n’est pas intégré à notre identité collective. Quand on creuse un peu et qu’on interroge les gens sur c’est quoi le nord, ils vont parler de l’Abitibi, la Côte-Nord, du Lac-Saint-Jean, mais ce n’est même pas le tiers inférieur du Québec […] En faisant ça, on aimerait approfondir les liens qu’il y a entre le sud et le nord, pour que cet ensemble existe un peu plus, pas juste en théorie et pour les ressources que l’on sort, qu’on puisse entretenir un lien affectif et intime… »

Suggestions, questions, commentaires? Écrivez-moi à isabelle.pion@latribune.qc.ca

Suivez-moi sur Instagram : isabelle.pion