
Sherbrooke
« Ça démontre que des dossiers prennent une ampleur disproportionnée parce qu’on veut plaire à tout le monde. On cherche trop souvent l’unanimité alors qu’une majorité suffit. On aurait pu simplement passer au vote », croit Vincent Boutin.
Le conseiller du district des Quatre-Saisons soulève l’hypothèse que les élus ne sont pas habitués que des amendements soient proposés au moment d’adopter une résolution. « La procédure n’est pas si claire. Personnellement, je ne sentais pas qu’on avait besoin d’aller à huis clos pour ça. Ça envoie le message qu’on n’est pas capables de s’entendre en public. On était rendus dans un degré de détails trop pointu. Arriver du jour au lendemain pour changer la vitesse dans une rue sans consulter nos fonctionnaires serait un désaveu pour eux. On ne peut pas se gouverner sur du senti. »

M. Boutin, initialement favorable à la résolution de réduction de vitesse, a inscrit sa dissidence après le huis clos. « J’avais un problème avec la notion de précédent que ça créait d’accorder la priorité à ce dossier. »
Danielle Berthold, qui avait la première soulevé le risque de créer un précédent, juge que Nicole Bergeron a pris la bonne décision d’interrompre la séance pour que les élus reprennent leurs esprits. « Elle a très bien fait, Nicole, sinon tout le monde aurait continué de parler en même temps. On s’en allait nulle part. »
Mme Berthold maintient néanmoins sa position. « On vient de créer deux classes de citoyens : ceux qui chialent et qui veulent court-circuiter les politiques en place et ceux qui acceptent qu’il y un ordre et un processus à suivre. Là, les arrondissements vont tous adopter des résolutions en désignant leurs dossiers comme prioritaires. Je ne sais pas comment nos services vont gérer ça. On enlève de la crédibilité à notre administration. »
La conseillère du district de Desranleau dit qu’elle n’aurait jamais osé ajouter le mot « prioritaire » à une résolution concernant un de ses projets. « Sinon, on aura un système à deux vitesses. Ce sera à celui qui crie le plus fort.
« Et même si on veut changer la limite rapidement, les nouveaux panneaux ne peuvent pas être posés avant un mois parce qu’il faut d’abord une signalisation pour prévenir de nos intentions », précise Mme Berthold.

Microgestion
Marc Denault avait dénoncé lundi que le conseil donnait dans la microgestion. « On doit améliorer notre efficacité. On devrait pouvoir gérer une assemblée en deux ou trois heures. » Lundi, comme le conseil précédent, la séance a duré plus de quatre heures.
« Si le dossier avait été dans un arrondissement qui n’est pas présidé par la présidente du conseil, je ne suis pas certain que ça se serait passé de la même manière. Je ne prête pas de mauvaises intentions à Mme Bergeron, mais il y a des gens plus susceptibles que d’autres. Il aurait été plus approprié de dire qu’il y a urgence d’agir plutôt que de demander de traiter le dossier en priorité. »
M. Denault estime que certains dossiers devraient être traités ailleurs qu’au conseil municipal. « Je ne crois pas que nous étions obligés d’amener ce débat au conseil municipal. Pourquoi traitons-nous chaque dossier trois, quatre fois? Je ne crois pas que les gens ont envie d’entendre parler de problèmes d’arrêts au conseil. C’est vraiment de la microgestion. »

La personne qui parle le plus fort
Évelyne Beaudin y voit un symptôme d’un dysfonctionnement général à la Ville. « Il existe des situations où le huis clos est justifié. Cette fois-ci, ce n’était pas un dossier de nature confidentielle. Si le conseil avait été en personne, je ne pense pas qu’on aurait suspendu la séance. Ça ne fait que s’ajouter aux entorses démocratiques provoquées par la pandémie. La seule et unique motivation pour suspendre la séance était de sauver la face. »
Mme Beaudin, qui semblait en voie d’inscrire sa dissidence lundi s’est finalement ralliée. « Tout le monde était rendu trop loin dans ses émotions. Dans le chaos, c’est la personne qui parle le plus fort qui gagne. C’est ce qui arrive quand on n’a pas de règles communes claires. J’ai assisté à plusieurs débats qui se sont terminés avec l’argument qu’il était tard et que tout le monde était fatigué. Comme on ne veut pas remettre en question nos façons de faire, j’ai seulement lâché prise. C’est une démonstration typique de l’inefficacité de nos prises de décision. »

Claude Charron a inscrit sa dissidence dans le dossier pour éviter de créer un précédent. « J’ai bien aimé le fait qu’on ait pris une pause. Il y a des choses qui ne se disent pas quand on est en public. On s’éduque à huis clos. En ce moment, on s’enfarge dans les procédures. »
Enfin, Pierre Avard trouve « assez particulière » la façon de gérer les contrepropositions au conseil. « Comme ça n’arrive pas souvent, c’était chaotique. Il faut arrêter de trébucher sur les mots. Il ne faut pas que les dossiers se règlent à celui qui crie le plus fort. »
