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Conclusion : le chirurgien orthopédiste n’a pas opéré et ses patients font toujours partie des 12 000 Estriens en attente d’une chirurgie au CIUSSS de l’Estrie-CHUS. De ce nombre, 2581 patients sont en attente d’une chirurgie orthopédique.
Les services d’orthopédie de tous les hôpitaux de la province vivent une année difficile avec le délestage qui a eu lieu partout en raison de la pandémie, affirme sans hésiter le Dr Joncas, qui est chirurgien orthopédiste au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et président de l’Association d’orthopédie du Québec.
Il y a 25 chirurgiens orthopédiques œuvrant dans presque tous les hôpitaux du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. Les orthopédistes opèrent énormément. « Nous, en orthopédie, nous sommes les champions du côté des urgences chirurgicales. Il y a beaucoup plus de fractures dans la population que d’appendicites », cite en exemple le Dr Joncas.
Certes, quand une fracture nécessite une chirurgie, le patient va au bloc rapidement. Toutefois, de nombreuses chirurgies orthopédiques ne sont pas urgentes, mais ont de sérieux impacts sur la qualité de vie des patients.
« Avant les Fêtes, j’ai vu une patiente dans la cinquantaine qui s’est fait une très mauvaise fracture avec beaucoup de dommages autour du genou. C’est une femme active, qui travaille encore, et qui marche maintenant avec une canne. Sa vie n’est plus celle d’avant, mais elle est encore fonctionnelle – capable de se débrouiller, d’aller à l’épicerie toute seule –, alors elle est désavantagée sur la liste d’attente. À ce moment-ci, je n’ai aucune idée dans combien de temps je pourrai l’opérer. J’espère qu’elle sera avantagée sur la liste d’attente parce que le temps d’hospitalisation après la chirurgie sera très court et que ses chances de récupération sont élevées », illustre le Dr Joncas.
Et il faut éviter de tomber dans l’âgisme. À 82 ans, on peut être opéré et profiter encore longtemps d’une vie que l’on aime et que l’on savoure.
« J’ai un patient de 82 ans super actif, en bonne forme, qui conduit sa voiture, mais qui ne peut presque plus bouger à cause de la douleur à sa hanche. Lui je l’ai mis plus élevé sur la liste d’attente parce qu’un patient de cet âge se déconditionne plus vite qu’un patient plus jeune. Si on « cote » nos patients trop haut, on perd notre crédibilité quand on a des patients qui sont plus urgents. On ne veut pas être le médecin qui pense tout le temps que ses patients sont pires que ceux des autres. Tout est une question d’équilibre », nuance le Dr Joncas.
L’orthopédiste a aussi un accès réduit aux cliniques externes. Si bien qu’on comptait 4195 patients en attente d’une visite initiale en orthopédie le 1er février dernier, comparativement à 3381 à la même date en 2020.
« À la clinique externe, on nous demande de voir en présence la moitié des patients par rapport à avant », indique-t-il. Or en orthopédie, il est bien difficile d’évaluer une hanche, un genou ou un os sans le voir et le toucher. La télémédecine est fort peu utile dans cette spécialité.
Les patients en attente d’un rendez-vous initial en orthopédie attendent donc longtemps à tous les niveaux.
Pas des patients malades
Le chirurgien se désole pour ces milliers de Québécois qui endurent de la souffrance et ne peuvent plus profiter de leur vie comme ils le voudraient. « Souvent ce ne sont pas des patients qui sont malades, ce sont des patients qui ont un handicap fonctionnel », illustre-t-il.
Le Dr Joncas souligne que même si les hospitalisations liées à la COVID-19 diminuent, il faudra quand même repartir tranquillement les activités en chirurgie. Non pas parce que les patients ne méritent pas leur chirurgie, mais parce que le personnel qui était déjà insuffisant est maintenant épuisé.
Il faut savoir que la formation des infirmières pour travailler au bloc opératoire est d’au moins six mois.
Le défi des ressources humaines dans les blocs opératoires existait avant la pandémie. Même avant la COVID-19, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS n’arrivait jamais à ouvrir 100 % de ses salles d’opération à cause du manque de main-d’œuvre qualifiée.
« Ultimement, pour rattraper un peu du retard, on pourrait augmenter le nombre d’heures d’ouverture des salles d’opération. Moi j’ai déjà opéré de soir durant six mois à l’Hôtel-Dieu. On pourrait aussi opérer les fins de semaine. Mais tout ça doit se faire avec des infirmières et des infirmières auxiliaires pour ouvrir des salles d’opération », mentionne le Dr Joncas.