
Actualités
« Il y a de la place et suffisamment de ressources au Québec pour répondre à la demande de l’industrie de la microdistillation en matière de cueillette. La province peut aspirer à une renommée internationale grâce à ses aromates boréaux provenant de la forêt », se réjouit Sam Chaib coordonnateur à l’association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux (ACPFNL).
L’ACPFNL représente le milieu des produits forestiers non ligneux. Ces produits d’origine biologique autres que le bois d’œuvre, tirés des forêts et d’autres écosystèmes sont omniprésents dans le processus de distillation afin d’ajouter des aromates aux spiritueux.
Les produits non ligneux recherchés par les microdistilleries sont généralement issus de la cueillette. M. Chaib remarque une importante augmentation de l’intérêt pour ce type de récolte sur l’entièreté du territoire québécois. Toutefois, la cueillette peut représenter des enjeux pour les écosystèmes.
La gestion de la forêt publique, où il est possible de s’adonner à la cueillette, est organisée via des tables de gestion des ressources relevant des entreprises forestières. « Chasseurs, trappeurs, communautés autochtones discutent ensemble des priorités et de l’exploitation de la forêt. Toutefois, les cueilleurs n’y sont pas représentés à l’exception de ceux de la Mauricie et du Bas-Saint-Laurent », explique Sam Chaib.
« Contrairement à la chasse, il n’y a pas de territoires donnés pour la cueillette », poursuit-il. Toujours selon le coordonnateur du ACPFNL, les législations entourant l’activité de cueillette sont absentes à l’exception des quelques produits contrôlés soit : le bleuet, l’if et le thé du Labrador grandement utilisé en distillation.
« Heureusement que tous peuvent cueillir dans la grande forêt québécoise puisque celle-ci appartient à l’ensemble des citoyens. Par contre, les particuliers qui pratiquent la cueillette bénéficieraient de plus d’éducation sur les bonnes pratiques à adopter », déclare M. Chaib.
Dans le processus de la fabrication de spiritueux, une quantité importante d’aromates provenant des produits non ligneux est nécessaire et pourrait porter préjudice à un écosystème. « Ultimement, un cueilleur seul ne causera pas la menace d’une plante, mais il pourrait l’éradiquer d’un secteur s’il n’adopte pas une pratique responsable », prévient-il.
Pour M. Chaib et l’ACPFNL, il s’agit de trouver le juste équilibre entre encourager l’entrepreneuriat et éduquer à la cueillette. « Certains goulots d’étranglement restent à surveiller comme la baie de genièvre très recherché pour la fabrication du gin », précise-t-il.
Et si la cueillette n’était pas viable
Contrairement à l’ACPFNL, Jonathan Roy, président de l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD), croit que le Québec n’est pas prêt à accueillir autant de distillerie. « La croissance rapide de l’industrie requiert un travail de fond afin de légiférer et d’encadrer l’ensemble de la pratique », explique M. Roy, persuadé que les lois actuelles concernant la cueillette sont désuètes ou inexistantes.
Les six dernières années ont été marquées par l’ouverture d’une soixantaine de distilleries selon M. Roy. Cette industrie est naissante et les producteurs ont très peu de références tant pour la fabrication que pour l’approvisionnement. « Si l’on veut préserver une industrie saine, il faut impérativement se questionner sur son système d’approvisionnement », mentionne Jonathan Roy qui est aussi propriétaire de la distillerie Fils du Roy.
« Québec octroie un très grand nombre de permis de distillation en comparaison avec la quantité d’ingrédients disponible dans ses forêts », poursuit-il. Ces produits responsables du goût et des aromates uniques des spiritueux proviennent généralement de la cueillette. Cette méthode d’approvisionnement est préférée à l’agriculture puisqu’elle requiert peu ou pas d’investissement en amont de la part de la jeune industrie.
« Il y a malheureusement des cueilleurs qui sont moins engagés éthiquement dans leur pratique », avise le président de l’UQMD. Il affirme que l’encadrement de la cueillette au Québec devrait être revu afin que les produits et les cueilleurs puissent être certifiés. Pour l’instant, les microdistilleries peuvent seulement compter sur la bonne foi des cueilleurs afin de s’assurer d’une pratique éthique.
Selon Jonathan Roy, la cueillette sauvage est viable seulement pour les distilleries à très petit volume. Celles avec un volume de production plus important devraient se tourner vers l’agriculture. « La cueillette sauvage ne devrait même pas faire partie du plan d’affaire des grandes distilleries », dit-il.
L’agriculture est, selon le propriétaire de la distillerie Fils du Roy, la meilleure avenue pour la production de spiritueux au Québec. Par contre, elle comporte son lot de défis n’étant pas adaptée aux demandes spécifiques et toujours en hausse de l’industrie. « Il y a encore beaucoup de recherche à faire dans ce domaine. Les baies de genièvre, certaines espèces de menthes et bien d’autres plantes sont en extrême demande et représente des enjeux d’approvisionnement qui force les microdistillateurs à s’approvisionner à l’international malheureusement », conclut Jonathan Roy.