Pas plus tard que mercredi, la filiale de la Sollio, auparavant La Coop fédérée, a causé une certaine commotion en annonçant la fermeture de l’usine de Princeville, dans le Centre-du-Québec. Une décision qui frappe de plein fouet 301 employés à qui on vient d’apprendre qu’ils termineront leur dernier quart de travail le 10 novembre.
Cette fermeture vient s’ajouter à celle, prévue le 22 décembre, de l’usine de Vallée-Jonction, dans Chaudière-Appalaches. Cette fois, ce sont 994 travailleurs qui vont se retrouver au chômage à quelques jours de Noël.
Deux grosses fermetures, deux mauvaises nouvelles qui vont faire très mal, on s’en doute bien, à ces deux communautés.
«C’est la vitalité de nos régions qui est affectée, m’a confié le président de la Fédération du commerce (CSN), Alexandre Laviolette. On avait réussi à les revitaliser et là, tout s’écroule.»
C’est tout de même ironique: les travailleurs syndiqués perdent leur emploi après avoir réussi, à coups de négociations ardues, à améliorer leurs conditions de travail et salariales. Souvenons-nous des batailles et des conflits douloureux à Princeville et Vallée-Jonction.
Sur ce point, le leader syndical ne cache pas que les relations avec le géant de l’abattage et de la transformation «ont toujours été difficiles». Il précise néanmoins que le syndicat et la direction parvenaient à «régler les problèmes».
À l’évidence, les «problèmes» ne se seront pas réglés à leur avantage. Pour ces hommes et ces femmes, c’est un retour à la case départ. On les invite maintenant à se trouver un nouvel emploi.
Mince consolation: en raison de la pénurie de main-d’œuvre, des employeurs vont leur faire signe. Il y aurait déjà des postes disponibles dans les chantiers de construction... Mais n’oublions pas que la perte d’un emploi est une source de stress.
D’autres usines touchées
Il y a bien sûr les usines de Princeville et de Vallée-Jonction qui vont fermer d’ici la fin de l’année, mais on oublie que d’autres installations d’Olymel ont cessé leurs activités au cours des derniers mois. Ça s’est passé à Laval, Blainville et Saint-Hyacinthe. En janvier 2024, ce sera au tour du centre de distribution de Saint-Simon. C’est sans parler de l’usine de Paris, en Ontario.
La situation semble toutefois au beau fixe aux usines d’abattage, de découpe et de désossage de Yamachiche, en Mauricie, de Saint-Esprit, dans Lanaudière, et d’Ange-Gardien, en Montérégie Ouest.
Au décompte final, Olymel aura réduit ses effectifs de quelque 1700 employés au Québec. C’est tout de même significatif, étant donné que l’entreprise compte 9000 employés dans la Belle Province.
Au Canada, en incluant le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, la Saskatchewan et l’Alberta, avec son usine de Red Deer, on parle de 13 100 employés.
Mais attention! Ces employés ne travaillent pas tous dans le porc. Olymel, faut-il le préciser, évolue dans quatre secteurs d’activités : le porc frais, le porc transformé, la volaille fraîche, la volaille transformée.
La position d’Olymel
Ces fermetures et ces licenciements sont évidemment un œil au beurre noir au visage d’Olymel, qui contrôle 80 % du marché du porc. Il s’en trouve, dans cette industrie, pour critiquer sa mauvaise gestion et ses nombreuses acquisitions «payées trop cher» pour s’emparer du marché.
L’achat de F. Ménard en 2019, un poids lourd dans le porc, aurait été une très mauvaise décision, selon plusieurs analystes. Certains ont avancé le chiffre mirobolant d’un milliard de dollars.
«C’est bien loin de ce montant», rectifie Paul Beauchamp, premier vice-président chez Olymel.
Mais c’est combien? «On n’a jamais divulgué les chiffres. On a payé le prix du marché à ce moment-là», précise-t-il sans élaborer.
Il le reconnaît d’emblée. Le marché mondial du porc «traverse une période extrêmement difficile» et, conséquemment, l’entreprise qu’il dirige n’y échappe pas.
Il semblerait également que la viande de porc est moins prisée. Les importations, comme c’est le cas pour la Chine, sont en diminution constante.
Concrètement, ça se traduira, pour Olymel, par une importante baisse des volumes d’abattage, tant dans les abattoirs québécois que dans l’ensemble du pays. Au Canada, dès le début de l’an prochain, le nombre de têtes abattues passera de 140 000 à 110 000, sur une base hebdomadaire. Au Québec, ce volume, qui atteint 100 000 têtes actuellement, sera rajusté à 85 000, toujours sur une base hebdomadaire.
Pas nécessairement une bonne nouvelle pour les éleveurs de porcs, qui ont ratifié en avril dernier une nouvelle convention avec les abattoirs d’Olymel, ainsi qu’avec les deux autres abattoirs présents au Québec. Le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, a dit que cette convention était «à l’image d’un secteur en crise», «un dur coup financier pour les éleveurs et les éleveuses».
La volaille
Il est bon de rappeler, avant d’aller plus loin, que la volaille connaît une forte croissance. Ce qui permet à Olymel d’envisager des jours meilleurs, en dépit de ses revers dans le porc.
«Je peux vous dire que c’est très rentable, la volaille fraîche et la volaille transformée», souligne le premier vice-président.
Et il y va d’une prédiction...
«Vous aurez l’occasion de constater, lorsqu’on publiera nos résultats financiers en février 2024, qu’il y a un net redressement.»
Il parle désormais d’une entreprise aux opérations «beaucoup plus efficace».
Est-ce la fin des mises à pied et des fermetures?
«Il pourrait y avoir d’autres cycles de croissance, d’autres cycles de consolidation. Ce qu’on vise, c’est de faire des gains d’efficacité, être plus performants.»
Qu’en pense maintenant le président de la Fédération du commerce?
Appréhende-t-il d’autres fermetures? D’autres rationalisations – une expression fourre-tout utilisée par les entreprises qui mettent leur monde dehors pour redresser leurs finances?
«Je ne pense pas, là, c’t’assez!», lance-t-il avec une pointe d’ironie.