Notez bien, « rassurer ».
Fin août, le triumvirat s’est présenté de nouveau devant la presse, le sourire aux lèvres. Le maire Marchand, tout content, parlait d’une « bonne nouvelle », de données « rassurantes » laissant entrevoir que la qualité de l’air s’était améliorée dans Limoilou. Il y est même allé d’une surprenante profession de foi : « je vais me porter à la défense du Port. »
Évaporé le maire qui fustigeait le gouvernement en février 2022 pour son intention de quintupler le seuil de nickel permis dans l’air.
Tout ça est du passé, le voilà maintenant rassuré.
Les données dont il a été question ce jour-là viennent entre autres de stations d’analyses du Port de Québec analysées d’octobre à décembre 2022. Pendant cette période, Mario Girard a assuré qu’aucun dépassement de la norme de nickel de 70 mg par mètre cube n’y avait été enregistré. Plus rassurant encore, le pdg a ajouté qu’on n’avait rien noté d’anormal depuis un an.
Sauf que.
La semaine passée, Radio-Canada nous apprenait que, pas très longtemps après la période analysée dans le rapport présenté à la fin août, des stations d’analyse de la ville ont capté trois fois une quantité de nickel supérieure à la nouvelle norme, sans compter des dépassements de l’ancienne norme. On a aussi appris que le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, le savait lorsqu’il s’est pointé au point de presse du 29 août.
Il n’a pas jugé pertinent d’en parler.
À ceux qui ont accusé le pdg du port d’avoir menti quand il a assuré qu’il n’y avait pas eu dépassement depuis un an, Mario Girard a répliqué qu’il ne faisait allusion qu’aux stations installées par le Port et que celles-ci n’avaient enregistré aucun dépassement pendant l’année. Benoit Charette, lui, a justifié son silence en arguant qu’on ne lui avait pas posé la question, que « ce n’était plus une nouvelle ».
Le fait est qu’ils ont induit la population en erreur en laissant croire qu’il n’y avait plus aucun dépassement de la norme de nickel.
C’était faux.
Même si le ministre Benoit Charette était au courant depuis des mois que la norme de nickel avait été dépassée, il a fallu la publication de la nouvelle — ça en était une — pour que des avis de non-conformité soient envoyés, même si dans les faits ça ne sert à rien, tous les dépassements des normes étant restés impunis depuis des années.
C’est à se demander pourquoi il y a des normes.
Toujours pour rassurer la population, Mario Girard avait promis au début février qu’il allait faire respecter la nouvelle norme sur le nickel, qu’il n’allait pas badiner avec ça. « Une norme doit être respectée. Les normes seront respectées. Le Port va faire ce qu’il faut pour que les normes soient respectées », avait-il dit à Radio-Canada.
Cette mise en garde s’adressait directement à Glencore, la seule compagnie qui transborde du nickel dans la capitale. « Le Port va faire ce qu’il faut avec notre opérateur pour qu’elles soient respectées. Il y a déjà des investissements qui sont en cours. Alors, les choses progressent bien de ce côté-là », avait-il ajouté.
Et qu’a-t-il dit quand on a su la semaine passée que les normes n’avaient pas été respectées? Des « situations fortuites » et des « bris d’équipements » du côté de Glencore. Il admet, donc, que les seuils ont été dépassés, qu’il y a eu plus de nickel que permis par les règles environnementales dans l’air de Limoilou.
Mais il laisse croire du même souffle que tout serait réglé, que n’eût été ces quelques incidents malheureux, les normes n’auraient pas été dépassées.
Comme par magie.
Et que fait Bruno Marchand? Il boit le Kool-Aid. Il se porte à la défense du Port, mais surtout du ministre de l’Environnement, qui a souvent plus l’air du ministre de l’Économie. L’étude dévoilée le 29 août, « ne portait pas sur l’ensemble des données. […] Elle portait sur la campagne d’échantillonnage de la Ville, pour laquelle on a transmis toutes les données », a-t-il plaidé.
On a regardé par le trou de la serrure, tout est beau.
Le problème de qualité de l’air en basse-ville est loin d’être réglé, la quantité de particules fines qui y flotte y est plus élevée qu’ailleurs. Elles ne viennent pas toutes du Port, évidemment, mais la récurrence des avis de non-conformité, du nickel au sucre, devrait inciter le maire à plus de réserves au lieu de jouer les béni-oui-oui.
Il pourrait, même, être un peu en colère.