La Rage climatique est le thème retenu pour cette semaine d’activités de sensibilisation et de revendication pour les luttes contre les changements climatiques.
À Sherbrooke, on a retenu l’idée de la rage pour la semaine de mobilisation, mais Rage climatique n’est pas seulement une idée, c’est en premier lieu un regroupement né des cendres de la Coalition anticapitaliste et écologiste contre la COP15, qui avait lieu l’an dernier à Montréal.
« On a repris le concept de la rage », explique Raphaël Francis, porte-parole de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES) de l’Université de Sherbrooke, « mais on ne se considère pas radical, on veut être inclusif. »
Ce que veut dire le porte-parole étudiant, c’est que le regroupement sherbrookois, qui inclut aussi d’autres organisations étudiantes, communautaires et syndicales, ne prône pas d’actions radicales ou de désobéissance civile. Il n’y a pas d’affiliation entre les deux groupes.
Diffuser un documentaire et organiser une marche, ce n’est pas très radical, en effet.
Les actions sont différentes, mais le regroupement estrien comprend la rage. « C’est normal d’être fâché », souligne Raphaël Francis.
C’est un éternel débat dans la mobilisation citoyenne. Faut-il brasser la cage ou non? Déranger et attirer l’attention ou sensibiliser et ne pas être pris au sérieux? Imposer un débat en dénonçant ou espérer une discussion en suggérant?
Je ne suis pas du tout un fan de la colère, mais le concept de la rage climatique me plait. On se fait niaiser depuis longtemps. Un moment donné, il y a une limite à accepter la bullshit, les belles paroles sans action.
Ça fait des années que c’est l’environnement qui subit les compromis, qui doit patienter, alors que les pratiques et entreprises polluantes se font offrir, au mieux, plusieurs années pour s’adapter à des règlements peu contraignants, ou, au pire, de ne rien changer.
On a tellement attendu, comme société, que maintenant que les effets des changements climatiques ont commencé à bien se faire sentir, une partie de la population se dit qu’il est maintenant trop tard pour changer, que le mal est fait. Une forme d’apathie.
Un peu comme si un passager répétait au conducteur : « attention, là, un mur! » et qu’une fois le mur frappé, le conducteur répondait « je ne l’avais pas vu venir, mais là, trop tard, pas besoin de me dire que tu me l’avais dit! »
De quoi lâcher un juron.
Exiger plus
« Là, je parle pour moi, précise Raphaël Francis, mais il y a un sentiment d’injustice. Comme étudiant, comme citoyen, on fait des efforts, dans nos gestes, dans nos choix, dans notre consommation, mais les gens en situation de pouvoir n’en font pas assez. Les décisions politiques ne sont pas à la hauteur de ce que recommande la science ni à la hauteur des engagements annoncés dans leurs propres discours. »
Oui, il y a des gestes individuels à poser, mais le porte-parole du CEVES rappelle que c’est aussi, voire surtout, un enjeu collectif, un « problème systémique » qui exige des gestes politiques. Raphaël Francis donne un exemple tout bête. Même si une personne veut prendre le transport en commun, s’il n’y en a aucun dans son quartier, il n’y a pas de réel choix individuel possible.
Aux yeux d’une partie de la planète et de l’ONU, le Québec semble pourtant un leader vert. L’étudiant en environnement à l’Université de Sherbrooke ne mâche pas ses mots : « François Legault n’est pas un héros climatique. »
Probablement que personne ne le voit comme ça au Québec non plus, y compris au sein de la CAQ, mais plusieurs croient néanmoins que le Québec en fait assez.
« Nos objectifs ne sont pas à la hauteur de ce que recommande le GIEC, ajoute Raphaël Francis. Oui, on a un plan d’électrification, mais on ne s’enligne pas vers une décarbonisation. La bourse carbone n’a pas encore eu d’effet sur nos émissions de GES. »
Des lacunes dans les politiques québécoises, il y en a plusieurs. Les territoires que le gouvernement souhaite protéger sont trop souvent dans le nord et pas assez dans le sud, là où la pression urbaine est énorme. Le Fonds vert finance des projets dont on ne sait même pas s’ils ont un impact positif sur l’environnement. Le gouvernement fait des campagnes pour que les gens recyclent, compostent ou revalorisent les équipements électroniques, mais permet à des entreprises, comme la Fonderie Horne, de dépasser les normes environnementales. On électrifie les voitures, mais on ne diminue pas la dépendance à l’auto. On ne réussit pas à atteindre les cibles qu’on se donne. Pour ne citer que quelques exemples.
Parmi ses revendications, le regroupement aimerait que l’Université de Sherbrooke cesse son partenariat avec Total Energies. Un bon exemple de l’hypocrisie qui peut fâcher.
Même si Total a des études sur l’impact de ses activités sur l’environnement depuis les années 1970, l’entreprise a délibérément minimisé les changements climatiques pendant des décennies. Comme les compagnies du tabac à l’époque. Pour une université qui aime se vanter d’être un leader en environnement, voilà un partenariat peu cohérent.
« La crise climatique soulève plusieurs émotions, enchaine Raphaël Francis, comme la peur, l’anxiété, le stress, mais aussi la colère. La rage peut mobiliser. On peut la convertir en action, en catalyseur pour le climat. »
Puiser dans l’indignation pour réagir, exiger plus, se reprendre en main. Ou pour aller marcher en groupe, comme le proposent des regroupements, ce vendredi 29 septembre, à Sherbrooke, Québec et Montréal.
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