
Gilles Vigneault au Vieux Clocher de Magog : entre poésie et sagesse
Cinq ans presque et demi après avoir inauguré cette formule de concert-récital dans la même salle, le poète de Natashquan est toujours au rendez-vous, droit comme un chêne qu’il aurait planté au bout de son champ, même s’il aura 91 ans dans deux semaines. Vif, modeste, débordant d’histoires et d’humour, l’artiste n’a d’ailleurs pas manqué de souligner à ses spectateurs l’honneur d’avoir été préféré.
« Un soir de débat! s’est-il exclamé. Ça prend du courage! a-t-il lancé à l’auditoire avec ironie. Remarquez que, pour voir un débat électoral, ça en prend pas mal aussi », a-t-il ajouté, suscitant l’hilarité générale, avant d’expliquer à ses auditeurs qu’après des décennies de tournée, il avait eu envie de cette formule où il pourrait leur donner la parole et avoir une véritable conversation avec eux.
Il faut dire que Gilles Vigneault entretient une relation particulière avec le Vieux Clocher, où il sait qu’une « chorale » l’attend. Il l’a donc gâtée avec des immortelles comme Si les bateaux, Quand vous mourrez de nos amours, J’ai pour toi un lac, Les gens de mon pays…
Mais le plus emballant, c’est que, même s’il aurait pu meubler trois heures avec ses plus grands succès, ce sont les chansons du plus récent album, Vivre debout (2014), qui tiennent le haut du pavé. Toujours tourné vers l’avenir, peu enclin à commenter son parcours de vie, le Nord-Côtier a même livré une nouvelle chanson, Madame L’Eau, interprétée pour la première fois à Montréal la semaine dernière.
CONFIANCE AUX CERVEAUX
On s’en doute, en cinq ans, le spectacle a pris ses aises, le chanteur ayant placé ses repères, la feuille de route se révélant bien établie (malgré l’imprévisible des questions du public), l’animatrice Françoise Guénette étant maintenant parfaitement à l’aise pour diriger les questions et même mener le poète sur le chemin de ses interprétations. Quant à la complicité avec le pianiste Philippe Noireaut, elle se révèle sans faille.
Et de quoi a jasé Gilles Vigneault avec son public? Des mots, évidemment. Ceux de Félix Leclerc. Ceux de Victor Hugo aussi, et de la foi de l’écrivain envers la vie… et envers lui-même. « C’est le commencement de toute foi, c’est de là que part toute action qui peut se répandre. »
Le vénérable aîné s’est évidemment fait poser plusieurs questions sur l’avenir de la planète. « L’homme a tout ce qu’il faut pour pourrir ou embellir l’avenir. Je ne vois pas mieux qu’un autre, mais je vois avec les mêmes yeux que ceux qui pensent un peu plus loin, qui réfléchissent à l’avenir à longueur d’année. Je fais davantage confiance aux cerveaux les plus avancés qu’à ceux qui nous disent que l’humanité s’est toujours arrangée. »
À un spectateur lui demandant si l’environnement pourrait être une raison valable et rassembleuse autour du projet de souveraineté, le poète a vite acquiescé. « Dès que le Québec s’intéresse à quelque chose, on peut être sûr que le Canada pense le contraire », a-t-il martelé, déplorant que des grands pans de l’histoire des francophones ne se trouvent pas dans les manuels d’histoire anglophone.
Soulignant l’importance d’accueillir l’immigrant qui a tout quitté, il a fait une ultime analogie, destinée à un futur papa, en comparant l’enfant à naître à l’ultime immigrant. « Je crois encore à la vie et au fait que l’enfant à venir sera peut-être le prochain Bach, Mozart ou Picasso. »
Finalement, les quelques spectateurs dont c’était l’anniversaire ont eu le privilège de se le faire chanter par l’auteur de la chanson, couplets en prime. Une attention que la salle a rendue à Monsieur Vigneault à la fin de la soirée. Le nonagénaire les a laissés en leur disant : « À l’an prochain! »