La banque centrale a annoncé mercredi une hausse d’un quart de point de pourcentage de son taux d’intérêt directeur, le portant ainsi à 4,75 %, son niveau le plus élevé depuis 2001.
La décision de relever les taux fait suite aux spéculations des économistes et des prévisionnistes selon lesquelles la vigueur persistante de l’économie canadienne pousserait la banque centrale à agir de la sorte, même si plusieurs s’attendaient à ce qu’elle attende sa décision de juillet pour appuyer sur la gâchette.
Le directeur général et chef de la stratégie macroéconomique chez Desjardins, Royce Mendes, a affirmé que la hausse des taux n’était pas trop étonnante puisque les indicateurs économiques publiés depuis la dernière annonce sur les taux suggèrent que l’économie est toujours en surchauffe.
«Il est tout à fait logique, si la banque pensait qu’elle devait augmenter ses taux, qu’elle le fasse plus tôt que plus tard», a fait valoir M. Mendes.
La demande excédentaire dans l’économie paraît plus persistante qu’anticipé, a expliqué la banque centrale dans un communiqué, évoquant ainsi les tensions sur le marché du travail, la croissance économique plus forte que prévu au premier trimestre et une progression de la consommation «étonnamment forte et généralisée».
L’inflation a également été plus élevée en avril, a poursuivi la banque centrale, notant que les prix d’un «large éventail» de biens et de services avaient augmenté plus que prévu.
Cependant, M. Mendes a critiqué la banque centrale pour ne pas avoir clairement communiqué ses intentions à l’avance. Notamment, le gouverneur Tiff Macklem n’a pas semblé trop préoccupé par la hausse de l’inflation annuelle en avril, lors d’une conférence de presse le mois dernier, a-t-il estimé.
«La Banque du Canada devrait faire un meilleur travail pour communiquer ses intentions au marché (financier)», a affirmé M. Mendes.
Bien que la Banque du Canada ait eu peu à dire sur ses intentions pour l’avenir, de nombreux prévisionnistes, comme M. Mendes, sont désormais convaincus qu’une autre hausse des taux est à venir en juillet.
«Nous continuons de pencher vers une autre hausse de taux de 25 points de base lors de la prochaine décision sur les taux, uniquement parce que je ne crois pas que la banque aura réalisé suffisamment de progrès vers le rétablissement de la stabilité des prix avant cette date», a-t-il affirmé.
Certains observateurs émettent des doutes
Mais tout le monde n’est pas convaincu qu’une augmentation des taux d’intérêt est la bonne décision.
Stephen Williamson, professeur d’économie à l’Université Western, a souligné qu’il ne s’attendait pas à ce que la banque centrale annonce une hausse des taux mercredi. D’ailleurs, il ne pense pas qu’une hausse des taux en juillet serait logique.
«À leur place, je serais resté à 4,5 % et j’aurais attendu (de) voir plus de données», a-t-il affirmé.
Selon M. Williamson, la Banque du Canada semble prendre des décisions politiques en supposant qu’il existe un compromis entre l’inflation et le taux de chômage. Cependant, l’inflation a réussi à ralentir de manière significative sans que l’emploi ne baisse, a-t-il noté.
«Tout leur récit s’appuie sur le fait que (les taux d’intérêt élevés feront) peut-être augmenter le chômage, mais que cela est l’inconvénient que nous devons supporter pour faire baisser l’inflation», a affirmé M. Williamson.
«Eh bien, l’inflation a beaucoup baissé alors qu’en fait, le taux de chômage était inférieur à ce qu’il était en janvier 2020.»
Statistique Canada doit publier vendredi les chiffres sur le marché du travail pour le mois de mai.
En janvier, la Banque du Canada a annoncé qu’elle mettrait en pause son cycle dynamique de hausse des taux, qui a avait commencé en mars 2022. La banque centrale a montré un optimisme prudent quant à la possibilité que les taux d’intérêt puissent être suffisamment élevés pour étouffer l’inflation, bien qu’elle ait souligné que la pause était conditionnelle au ralentissement de l’inflation et de l’économie.
Depuis lors, les données économiques entrantes ont continué de surprendre les observateurs, qui s’attendaient à voir l’économie stagner. Malgré des taux d’intérêt élevés qui rendent les emprunts plus coûteux pour les consommateurs et les entreprises, les sociétés continuent d’embaucher et les consommateurs continuent de dépenser.
Et même si la population augmente rapidement, les nouveaux travailleurs ont été rapidement absorbés par le marché du travail, ce qui a maintenu le taux de chômage à 5,0 % pendant cinq mois consécutifs. C’est juste au-dessus du creux historique de 4,9 % atteint l’été dernier.
Sur le front de l’inflation, la croissance des prix a considérablement ralenti depuis qu’elle a culminé à 8,1 % l’an dernier. Cependant, le taux annuel a légèrement augmenté en avril à 4,4 %, marquant la première hausse de l’inflation depuis l’été.
La Banque du Canada s’attend toujours à ce que l’inflation annuelle recule à environ 3,0 % au cours de l’été, alors qu’elle était de 4,4 % au mois d’avril, mais puisque l’inflation de base reste élevée, elle s’inquiète de voir l’inflation rester «coincée nettement au-dessus» de sa cible.