
S’engager sur la route du rétablissement
Maintenant que les vaccins font poindre une lueur au bout du tunnel, Dre Mélissa Généreux invite à s’engager sans plus tarder sur la route du rétablissement.
« Ce serait une grave erreur de penser qu’avec le vaccin et l’immunité collective, que tranquillement on va relâcher les mesures de distanciation et d’isolement et que tout va rentrer dans l’ordre », dit la professeure-chercheuse à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke qui a pris le pouls des Québécois à quatre reprises depuis avril.
« Ça va faire un an, peut-être que ça va prendre encore six mois, peut-être plus. Mais un an et demi de pertes de repères, de stress chronique, de perturbations, de gens qui ont changé leur trajectoire de vie, c’est énorme, ça fait mal et ça ne va pas disparaître d’un coup », plaide-t-elle.
« C’est peut-être même quand tout sera terminé que des gens vont constater tout ce qu’on a perdu. »

Pour elle il importe donc d’amorcer en douceur ce rétablissement qui pourrait durer des mois, voire des années si l’on en croit l’expérience vécue dans d’autres catastrophes comme Lac-Mégantic ou Fort McMurray.
Il faudra sans doute se construire une nouvelle normalité, avec des gens échaudés, qui auront pour certains développé de la méfiance envers les autorités.
Il faudra délaisser le mode « militaire », qui convenait devant l’urgence précise-t-elle, mais qui devra faire place à une approche plus sociale et collaborative, où l’humain est au centre des décisions.
Du même souffle, elle salue l’enveloppe de 100 M$ supplémentaires dédiés aux services en santé mentale, mais craint qu’elle ne soit pas suffisante pour agir en prévention.
« Je rêve un peu d’un tableau de bord où on ne voit pas juste le nombre de cas, de décès et d’hospitalisations pour juger si on prend les bonnes décisions, confie-t-elle. Pourquoi on n’aurait pas des indicateurs du nombre de jeunes qui abandonnent leurs études, qui demandent des services psychosociaux ou qui vivent une crise suicidaire? En ce moment on n’a pas cette vision d’ensemble. On est moins informé des dommages collatéraux. »
Et surtout, Dre Généreux prescrit à chacun de faire son bilan. De se raconter 2020 à voix haute ou par écrit, en solo ou en duo. De prendre le temps de relater chronologiquement les faits et les émotions, pour mesurer le chemin parcouru et en sortir plus fort.
« On est passé au travers, dit-elle, on a appris plein de choses, alors on n’est pas des victimes. On est des héros. Et on mérite une tape sur l’épaule parce qu’on est encore là. »