La cystoscopie, actuellement utilisée pour détecter et faire le suivi des cancers de la vessie, n’offre pas une perspective emballante pour les patients, convient le Pr François-Michel Boisvert : il s’agit d’une caméra qui doit être insérée dans l’urètre du malade jusqu’à sa vessie pour y voir s’il y a présence de tumeurs.
Mais au-delà de son caractère intrusif, c’est surtout le coût en argent, en temps et en ressources humaines de la cystoscopie qui motive la communauté scientifique à trouver une solution alternative.
« Ce qui amène le plus les gens à consulter pour le dépistage du cancer de la vessie est la présence de sang dans l’urine. Or, seulement 1% des cas de sang dans l’urine sont liés à un cancer de la vessie. Pour cette procédure, on mobilise un urologue et du personnel médical », rappelle le Pr Boisvert, directeur scientifique de l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke.
Et si un cancer de la vessie est détecté, une cystoscopie de suivi doit être faite tous les trois mois. C’est donc dire que les neuf urologues du CIUSSS de l’Estrie-CHUS doivent prioriser ces cystoscopies lorsqu’ils ont accès à une salle d’opération – « deux, trois jours par semaine », note le Pr Boisvert –, ce qui favorise des délais d’attente plus longs pour les patients en attente d’une autre chirurgie.
C’est dans l’optique de réduire ces besoins en personnel et en temps que François-Michel Boisvert et son équipe étudient la possibilité d’utiliser l’urine pour, dans un premier temps, le suivi des cancers de la vessie et, à terme, la détection de ceux-ci.
« On a pris des échantillons d’urine de patients avec le cancer de la vessie et de personnes qui avaient des symptômes, mais pas de cancer. En comparant dans nos spectromètres de masse, on a été capables d’identifier les protéines les quelques protéines capables de nous donner un diagnostic précis », explique le Pr Boisvert.
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Prochaines phases
Cette partie de la recherche est déjà terminée. François-Michel Boisvert et son équipe ont pu identifier quatre protéines qui indiquent si un patient est atteint d’un cancer de la vessie. Ils doivent maintenant valider ces résultats avec des échantillons provenant des quatre coins du monde.
« On a une collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour obtenir ces échantillons, car la population estrienne sur laquelle on a fait nos recherches est assez homogène. Entre nous et quelqu’un au Bangladesh ou en Australie, il peut y avoir des changements, donc il faut s’assurer que notre test fonctionne pour tout le monde », souligne-t-il.
Dès que ces résultats seront validés, le Pr Boisvert passera à l’étape de la création du test. Ce dernier, explique-t-il, ressemblera dans sa forme aux dispositifs de dépistage rapide de la COVID-19, soit une petite plaquette de plastique sur laquelle on déposerait l’échantillon d’urine avant de vérifier l’apparition de différentes « petites lignes » qui indiqueront le résultat.
« Le timing est bon, car beaucoup de compagnies ont déjà développé des tests rapides pour la COVID qui se cherchent désormais de nouveaux produits. [...] La technologie existe déjà d’ailleurs, mais elle n’a jamais vraiment été commercialisée ou approuvée par les instances de santé, car elle ne bat pas la cystoscopie en termes de performance. Les tests existants n’utilisent qu’une seule protéine, alors que le nôtre en utilise quatre, ce qui fait en sorte que l’on peut détecter 100% des cas de cancer », lance-t-il.
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Intérêt mondial
Le projet de François-Michel Boisvert et son équipe fait grand bruit un peu partout sur la planète. La phase de validation des résultats se fait notamment en partenariat avec l’OMS, l’Université de Lyon et l’Université de Berlin et bénéficie d’un financement de 1 million d’euros de la part du Conseil européen.
« L’OMS a un certain mandat d’aider à diagnostiquer le cancer dans les pays en développement. On comprend qu’en Afrique ou en Asie, les gens n’ont peut-être pas accès à des urologues et des hôpitaux uniquement pour du dépistage, donc de pouvoir compter sur un test de ce type-là permettrait aux populations qui n’ont pas un large accès au dépistage de savoir à quoi s’en tenir en cas de symptômes », fait valoir le Pr Boisvert.
Selon les dernières données du Ministère de la Santé et des Services sociaux, le cancer de la vessie avait une incidence de 33 cas par 100 000 habitants au Québec en 2019. Près du quart de ces cas étaient diagnostiqués chez des hommes et la moitié des patients avaient entre 70 et 84 ans.
Le dispositif du Pr Boisvert pourrait être commercialisé « dans quelques années ».