Défaite dans Jean-Talon: la CAQ devra « revoir sa vision de Québec »

François Legault a admis que la défaite dans Jean-Talon lancera un processus de réflexion pour la CAQ dans la région de Québec.

La victoire de Pascal Paradis dans Jean-Talon est peut-être historique pour le Parti québécois, mais pour le Coalition avenir Québec, elle suscitera de profondes réflexions sur la manière dont le parti gère les dossiers de la Capitale-Nationale. Le Soleil a discuté des répercussions de cette défaite électorale avec Philippe Dubois, professeur en communication publique et politique à l’École nationale d’administration publique.


Q La population a envoyé un signal clair à la CAQ. À quel point cette défaite pourrait peser lourd dans les décisions du parti au cours des prochains mois? Est-ce que ça en dit long sur le traitement de la région de Québec par la CAQ?

R Le premier ministre François Legault a été clair, il y a un examen de conscience à faire. Que la CAQ perde à Québec, c’est symboliquement très dur pour le parti. La CAQ sera peut-être tentée de faire les beaux yeux à la région de Québec pour regagner l’électorat. À l’époque du maire Régis Labeaume, la Ville avait une plus grande influence sur le gouvernement. Depuis l’arrivée de la CAQ, c’est elle qui décide et les villes sont partenaires. [...] Cela pourrait bel et bien changer.

Q Avant même le début officiel de la campagne, la CAQ a attaqué la candidature de Pascal Paradis. En mettant les projecteurs autant sur le candidat péquiste, est-ce que la CAQ a creusé sa propre tombe pour cette partielle?

R Ils ont attaqué, mais ils se sont un peu brûlés en attaquant. En remettant en cause la transparence et l’authenticité du candidat péquiste, et bien cela a permis au PQ de répliquer avec une stratégie axée sur la transparence qui lui a été profitable.

Q Est-ce qu’on pourrait croire que les électeurs caquistes déçus trouvent davantage une voix au sein du Parti québécois, plutôt que chez le Parti conservateur du Québec?

R Visiblement, c’est ce qui s’est passé hier. Depuis 2018, la CAQ est sortie grande vainqueur du réalignement politique. Mais l’alternative à la CAQ est encore à émerger. Cependant, QS et le PQ tentent de se positionner comme tel. Dans l’électorat, essentiellement, le deuxième choix le plus populaire, c’est le PQ. Le défi pour le parti sera d’incarner cette alternative d’ici les élections générales de 2026.

Q Jean-Talon est au cœur du tracé du tramway. Les appuis au projet sont en chute libre, et pourtant les deux partis qui sont opposés ouvertement au projet (Parti conservateur et Climat Québec) ont terminé dans les deux dernières places. Est-ce que le tramway est réellement un enjeu important pour les gens dans Jean-Talon?

R Ça montre du moins que ce n’était pas la question de l’urne. Une partielle, c’est avant tout un référendum sur le parti au pouvoir. Je pense que c’est davantage le bilan global de la CAQ dont il a été question, plus qu’un projet en particulier.

Q Que doit faire la CAQ pour éviter que cette défaite ne soit le début d’une tendance défavorable pour le parti d’ici les prochaines élections en 2026?

R La CAQ devra regarder empiriquement les résultats des élections. Elle est encore en bonne position en général au Québec. À Québec, il ne faudra pas tomber dans la panique et changer du tout au tout. L’idée de deuxième métropole ne raisonne pas chez les gens de Québec, le gouvernement pourrait revoir sa vision de Québec et comment il compte l’aider à se développer.

Q Est-ce qu’on peut attribuer cette défaite principalement à la gestion du troisième lien ou bien c’est symptomatique d’une fatigue envers le parti au pouvoir depuis 5 ans?

R La CAQ est un parti livreur de promesses. Ils ont brisé une promesse phare jusqu’à maintenant et c’est le troisième lien. Et c’est ça qui est devenu le caillou dans leur bottine. Peu importe qu’on soit pour ou contre le projet, la manière dont ç'a été géré peut laisser un gout amer à plusieurs personnes. La relation de confiance est essentielle en politique.

Pascal Paradis, du Parti québécois, a remporté l'élection partielle dans Jean-Talon.

Q En 2017, la victoire de Geneviève Guilbault dans Louis-Hébert avait été le début de la lancée de la CAQ vers le pouvoir. Est-il trop tôt pour faire le même parallèle avec le PQ?

R Le parallèle ne peut pas se faire, car le contexte est complètement différent. Mais politiquement, c’est intéressant de faire le parallèle, mais empiriquement, c’est trop tôt pour faire le jeu des comparaisons.

Q On parle beaucoup de la défaite de la CAQ, mais peu de la victoire de Pascal Paradis. Quelle place occupera-t-il au sein du caucus et aussi en importance dans les dossiers de la région de Québec?

R Pour le PQ, d’avoir un joueur sur le terrain à Québec, alors que la tendance est favorable au parti dans la région, c’est un atout indéniable. C’est un soldat de plus qui pourra être en contact avec les gens d’affaires, le milieu communautaire, les étudiants. Il pourra tenter de fédérer cette tendance en faveur du PQ.