S’il reconnaît que tenir un caucus, un congrès ou un conseil national dans une région visée relaie un certain message de la part d’une formation politique, le professeur Jean-François Daoust estime que l’impact de ce message est minime au sein de l’électorat.
« On est presque dans la symbolique. Au mieux, ça peut aider par la visibilité. Par exemple, on s’en parle aujourd’hui, car ils sont là. Néanmoins, il n’est pas évident que cette légère visibilité additionnelle ait un impact positif net », nuance celui qui est professeur adjoint à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.
Ce caucus présessionnel, qui s’étendre mercredi et une partie de la journée jeudi, s’ouvre avec en trame de fond les déclarations d’Yves-François Blanchet faites plus tôt cette semaine sur la volonté du Bloc a ravir les sièges libéraux de Sherbrooke (Élisabeth Brière), Compton-Stanstead (Marie-Claude Bibeau) et Brome-Missisquoi (Pascale St-Onge).
Lors des élections de 2021, le Bloc avait terminé deuxième derrière les libéraux dans ces trois circonscriptions, l’écart le plus faible étant dans Brome-Missisquoi (197 voix) et le plus fort dans Sherbrooke (4 982 voix). L’agrégateur de sondage 338Canada place quant à lui les bloquistes favoris pour remporter Brome-Missisquoi et Compton-Stanstead en date du 10 septembre.
« Ça fait partie des scénarios possibles, surtout si trois ou quatre partis sont compétitifs en région. [...] Disons que les conservateurs vont voler des votes aux libéraux, ce qui est complètement envisageable, mais que la base électorale du Bloc reste fidèle. Ça se peut que, dans certaines circonscriptions où le Parti libéral et le Bloc étaient en lutte, que le parti de M. Blanchet arrive à gagner », évoque Jean-François Daoust.
Cette éventualité, qui n’est pas propre à l’Estrie, pourrait bénéficier au Parti conservateur à l’échelle nationale, selon l’analyste.
« Théoriquement, les conservateurs ont intérêt à ce que le Bloc soit plus fort relativement aux libéraux dans des circonscriptions où le PCC n’a pas de chance de gagner », note-t-il.
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Nationalistes et indépendantistes
Selon le professeur Daoust, « la nature même du Bloc québécois, qui est indépendantiste, mais qui ne fera pas l’indépendance du Québec », permet de rallier un plus grand nombre d’électeurs qu’un parti souverainiste provincial dans les régions à propension plus fédéraliste.
Au palier provincial, l’Estrie n’envoie pas régulièrement de députés souverainistes à l’Assemblée nationale.
Pour la circonscription de Sherbrooke, dans les quarante dernières années, on compte Raynald Fréchette (1981-1985), Marie Malavoy (1994-1998), Serge Cardin (2012-2014) et Christine Labrie (2018-maintenant). Dans Saint-François, on note Réal Rancourt (1976-1985) et Réjean Hébert (2012-2014), alors qu’Orford, par exemple, n’a jamais compté de député d’un parti indépendantiste, comme Mégantic et Richmond.
« Quelqu’un de purement fédéraliste peut voter pour le Bloc québécois sans sentir qu’il fait avancer la cause indépendantiste. Ce vote peut signifier un appui à l’autonomisme des provinces ou au nationalisme québécois au sein de la fédération canadienne », indique l’expert.
« Yves-François Blanchet, essentiellement, son pitch n’est pas de faire la promotion de l’indépendance du Québec, mais de défendre les intérêts du Québec, continue-t-il. Ça ratisse beaucoup plus large.»
Par ailleurs, Jean-François Daoust affirme que la position d’un électeur sur l’indépendance du Québec est encore un facteur déterminant sur son vote aux élections fédérales.
Une étude à laquelle il a participé et qui a été publiée en juillet montre que, même si elle n’a pas l’importance qu’elle avait au coeur des années 80 et 90, la question nationale « joue de façon très importante encore à ce jour », malgré ce qu’il qualifie de croyance populaire qui pourrait véhiculer le contraire.
« Ce facteur reste plus fort que beaucoup d’autres qu’on considère comme importants, comme l’économie. [...] Si je prends l’élection de 2021, 26 ans après le dernier référendum, l’étude montre qu’être indépendantiste est liée à 41% plus de chances de voter pour le Bloc. Ça reste énorme. En 2000, cela se situait à 63%. La baisse est là, mais ça reste énorme », dit-il.