Voies de fait graves sur son bébé naissant: 11 médecins témoigneront pour la Couronne

Le bébé présentait de multiples fractures et hémorragies à la tête. Il a lutté pour sa vie aux soins intensifs.

Le procès d’un Sherbrookois accusé de voies de fait graves sur son enfant de 11 jours s’entame avec le défilement d’un cortège de 11 médecins devant le tribunal, un nombre «exceptionnel», selon la procureure de la couronne Me Marilène Laviolette.


Ces médecins ont été conviés par le ministère public dans le but de convaincre la juge Julie Beauchesne de la Cour du Québec de la culpabilité de cet homme de 30 ans. Trois témoins civils et deux policiers seront également appelés à la barre par le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

«L’enfant est entré à l’hôpital à 11 jours de vie, a expliqué Me Laviolette en mêlée de presse. On parle en termes médicaux d’un traumatisme crânien non accidentel, donc de la maltraitance.»

Si l’état de santé de l’enfant n’a toujours pas été révélé devant le tribunal, celui-ci est toujours en vie. Cependant, quelques jours après sa naissance, il se serait retrouvé aux soins intensifs où il aurait lutté pour survivre, confirment les premiers médecins qui ont témoigné lundi matin au palais de justice de Sherbrooke.

Le bébé aurait subi des fractures au fémur gauche et aux côtes, des hémorragies au cerveau et à la tête puis aurait présenté des ecchymoses.

Arrivée à l’hôpital

Les parents et leur bébé sont arrivés à l’urgence de l’Hôpital Fleurimont en mars 2022. L’infirmière du triage, inquiète de l’état du nourrisson, aurait installé la famille dans une salle où se retrouvent les patients qui sont à risque. Sur place, la médecin d’urgence Dre Véronique Verrier-Fréchette s’est occupée de l’enfant.

«Il n’avait pas l’air réveillé ni actif. Il avait certains mouvements inhabituels de son corps. [...] Il avait par moment un membre qui devenait raide, mais sans faire de mouvement clair de convulsion. Il avait un mouvement de l’œil droit, ce qui n’est pas normal. La maman l’avait remarqué dans la journée», a-t-elle raconté.

La jambe gauche et la jambe droite du nourrisson se raidissaient en alternance avant de revenir à la normale et ses mains tremblaient durant quelques secondes avant de revenir à la normale, a rapporté Dre Verrier-Fréchette, ajoutant que plusieurs signes étaient normaux comme le taux de sucre, la pression, la température et la forme de la tête du bébé.

Les parents ont expliqué à la docteure que leur enfant avait commencé à mal aller lorsqu’il s’est étouffé avec le lait du biberon. «Ils m’ont dit qu’ils avaient changé la tétine pour qu’elle coule un peu plus, a cité la médecin en consultant ses notes. Il s’est étouffé, il s’est mis à tousser beaucoup. Il a fait un arrêt respiratoire, donc il n’a pas respiré pendant environ 10 secondes. Il n’est pas devenu bleu et n’a pas perdu conscience, mais papa lui a donné des tapes dans le dos et lui a tourné un peu la tête vers le bas. Il a vomi. Depuis ce temps, il a moins de périodes d’éveil. Il dort plus, ne pleure pas et chigne peu. Il boit peu, moins de 50% de la quantité normale.»

La professionnelle de la santé aurait surtout interagi avec la mère de l’enfant, alors que l’accusé serait plutôt resté en retrait en hochant de la tête.

La docteure a été au chevet de l’enfant entre 5h55 et 6h55, jusqu’à ce que ce dernier parte aux scans puis aux soins intensifs. «C’était clair que ce patient avait besoin d’un scan», a lancé la médecin, précisant qu’elle a décidé de ne pas l’intuber pour ne pas avoir à l’endormir.

Nombreuses blessures

Le pédiatre intensiviste Dr Jean-Sébastien Tremblay-Roy aurait alors pris le flambeau aux soins intensifs. Il a également constaté des mouvements anormaux et «des saignements à plusieurs endroits tant au cerveau qu’à l’extérieur». Pour expliquer ces saignements, il a soulevé six hypothèses allant de l’anomalie génétique jusqu’à la maltraitance. C’est finalement cette dernière qui a été mise de l’avant.

«Même s’il n’y avait pas eu de saignements, cet enfant avait besoin des soins intensifs pour voir si on avait besoin de le suivre de très près. Il faisait des mouvements anormaux et il avait un état de conscience qui n’était pas normal. On avait une crainte sur une défaillance neurologique.»

«En plus, il y avait des saignements au niveau cérébral. On sait que des complications peuvent survenir», renchérit-il, précisant que les saignements ne sont pas «seulement à un petit endroit».

Par ailleurs, selon lui, le bébé effectuait «des pauses respiratoires». «La quantité d’oxygène dans son sang diminuait. Juste en le stimulant, soit en le touchant en lui parlant, il recommençait à respirer», a dit celui qui a également remarqué des ecchymoses au dos et aux mains de l’enfant.

En contre-interrogatoire, Dr Tremblay-Roy a admis que les saignements au cerveau ou les médicaments administrés au bébé pourraient avoir causé ces pauses.

Naissance normale

La gynécologue-obstétricienne Dre Amélie Bertrand était au chevet de la mère de l’enfant lorsqu’elle a accouché. Elle se souvient très bien de cette naissance, puisqu’elle connaît la mère. Une minute après sa naissance, soit onze jours avant qu’il ne subisse ses lésions alléguées, le bébé allait «très bien», selon elle.

Au premier test après une minute de vie, le bébé aurait eu une note de 9 selon le souvenir de la médecin. «Un bébé à une minute de vie n’a jamais 10. Le 9 est la plus belle note qu’un bébé puisse avoir à une minute de vie», a-t-elle déclaré.

Elle n’avait aucune inquiétude quant à l’état de santé du bébé lors de l’accouchement, même si la mère a subi une césarienne. «C’est un bébé qui est né en bon état général. Mon niveau d’inquiétude pour l’enfant était bas», a-t-elle assuré à la juge Beauchesne.

À sa connaissance, elle n’a jamais causé de trauma aux jambes d’un bébé.

Le procès du géniteur sherbrookois se poursuivra mardi. Les témoins devraient se succéder au cours des deux prochaines semaines.

D’ailleurs, comme une ordonnance de non-publication empêche les médias de donner quelconque information sur l’identité de l’enfant, La Tribune a préféré taire le nom des parents.