Chiens de Patrick Houle : « Je ne savais pas comment gérer ça »

Patrick Houle.

Françoise Dubuc conserve toujours de difficiles souvenirs du jour où elle aurait vu ses deux compagnes de marche se débattre contre une meute de chiens, à Val-des-Sources. La retraitée a parlé avec émotion, mardi au palais de justice de Sherbrooke, de ce qu’elle a vu pendant qu’elle était paralysée par la peur en attendant son « tour », qui n’est finalement pas venu.


« Elles se sont prises ensemble, elles sautaient, elles criaient. Elles avaient peur. Quand les chiens ont sauté sur eux autres‚ elles reculaient toujours et il y avait une dénivellation. Elles sont tombées dedans. Je voyais des jambes blanches se débattre et crier. Je ne pouvais pas rien faire. », a raconté la dame à propos de ses amies Jacqueline Sévigny et Micheline Beaulieu, avec qui elle prenait des marches au même endroit depuis trois mois. D’ailleurs, durant cette période, elle aurait entendu japper les chiens de M. Houle presque tous les jours depuis l’autre côté des deux clôtures séparant son entreprise de la piste cyclable.

Certaines des plaies de Micheline Beaulieu après l'attaque des chiens de Patrick Houle. Plusieurs images ont été déposées en preuve par le Ministère public.

En larmes, Mme Dubuc a partagé conserver des séquelles de ce jour-là, bien qu’elle n’ait pas été physiquement blessée pour une raison qu’elle dit ignorer. Elle aurait notamment dû prendre de la médication pour l’aider, et aurait toujours de la difficulté à dormir.



Celle-ci a témoigné que M. Houle se serait approché des dames en marchant, alors que les chiens étaient toujours sur Mmes Sévigny et Beaulieu. Il aurait sifflé à plusieurs reprises, sans succès. Il a dit « assez, assez, assez » pour que les chiens cessent et c’est là que les chiens vont lâcher », s’est-elle souvenue. Mme Dubuc a rapporté que M. Houle aurait aidé les deux dames à se relever et a appelé une ambulance. « Les chiens sont autour de nous autres. On se sent encore menacées », a-t-elle dit. M. Houle serait allé reconduire ses chiens sur son terrain, mais ceux-ci seraient revenus vers les dames, alors assises sur un banc au bord de la piste, quelques minutes plus tard. Il aurait dû aller les reconduire une deuxième fois.

Jacqueline Sévigny et Micheline Beaulieu

Le procès pour négligence criminelle de Patrick Houle se poursuit jusqu’à jeudi.

Patrick Houle a contacté la SPAA

Patrick Houle aurait lui-même téléphoné à la Société protectrice des animaux Arthabaska (SPAA) de Victoriaville, après l’attaque de ses chiens envers Jacqueline Sévigny et Micheline Beaulieu, le 31 août 2021. « Je ne savais pas comment gérer ça. C’était la première fois que ç'a m’arrivait. Je ne comprenais pas les procédures. J’ai appelé [un patrouilleur de la SPAA] et c’est lui qui m’a guidé là-dedans. Je l’avais déjà vu deux fois. Il était venu voir l’usine, comment les chiens vivaient », a-t-il témoigné mardi après-midi.

Si ce témoignage n’a duré que quelques minutes, M. Houle aura cependant l’occasion de témoigner à nouveau d’ici la fin du procès jeudi. Son court passage à la barre de mardi consistait plutôt à appuyer la demande de la défense de rendre inadmissible le caractère libre et volontaire du témoignage d’un policier entendu plus tôt.



Contestation d’une preuve

L’agent de la Sûreté de Québec Alexandre Thibault, qui est intervenu le jour de l’attaque, a en effet affirmé devant la cour s’être rendu à l’entrée de chez MTR avec un collègue, toute de suite après les événements, afin de discuter des événements avec le propriétaire des chiens. Les deux policiers auraient été accueillis par M. Houle, qui aurait collaboré. « On l’a renseigné comme quoi les femmes étaient grièvement blessées. Il nous a mentionné comme quoi il était désolé, que c’était un accident. Il nous a raconté sa version des faits », a indiqué l’agent Thibault. Ce serait également ce que rapporte son rapport des événements soumis en preuve.

Les policiers l’auraient informé qu’il recevrait des constats d’infraction en vertu de règlements municipaux, notamment pour ne pas avoir été en mesure de maîtriser ses animaux en tout temps. Les constats n’auraient été rédigés que plus tard et signifiés par la poste, comme les policiers n’avaient pas encore pris les dépositions des victimes, a-t-il avancé.

Les deux policiers seraient revenus un peu plus tard dans l’avant-midi, vers 11 h, afin d’accompagner la SPAA dans sa saisie des animaux au cas où M. Houle ne coopérait pas.

Or, de son côté, Patrick Houle a maintenu n’avoir eu aucun contact avec les policiers en question cette journée-là. « Je ne comprenais pas qu’ils ne soient pas venus me voir. Je n’ai pas fait de déposition. »

L’ancien patrouilleur pour la SPAA de l’époque, Michel Moreau, a également été appelé par la défense pour témoigner en visioconférence. Il a affirmé qu’au moment où la SPAA était sur les lieux, aucune interaction n’a eu lieu entre les policiers et M. Houle.

Sur la question du caractère libre et éclairé du témoignage de l’agent Thibault, le juge Conrad Chapdelaine a finalement conclu que toute déclaration faite par H. Houle aux policiers Thibault et Massé était bel et bien admissible en preuve, puisqu’il n’y avait pas apparence de menaces, de promesses ou de climat d’oppression. La valeur probante de ce témoignage ne fait pour le moment pas objet de débats.