«La défense allègue une violation à la charte et demande à la cour de déclarer inadmissible notre preuve», commente l’avocate de la couronne en mêlée de presse. La défense demanderait d’exclure la totalité de la preuve puisqu’elle aurait des doutes sur la façon dont celle-ci a été recueillie. Cependant, la juge Hélène Fabi de la Cour du Québec pourrait décider de n’en exclure qu’une partie ou ne pas en exclure du tout.
Si la preuve n’est pas admise, «ça pourrait en quelque sorte compromettre la culpabilité de Guillaume Corriveau, explique Me Guillemette. Nous ne sommes pas rendus là. [...] Nous sommes confiants.»
L’avocate de Corriveau, Emmanuelle Rheault, n’a pas souhaité s’entretenir avec La Tribune.
C’est l’ex-femme de Guillaume Corriveau qui aurait retrouvé des conversations à caractère sexuel entre le notaire déchu et de nombreuses présumées victimes mineures. Le notaire, qui aurait personnifié un jeune homme sur les réseaux sociaux, serait entré en contact avec plusieurs dizaines d’adolescentes par Messenger.
À un certain moment, plus de 300 victimes alléguées figuraient au dossier de l’ancien chargé de cours à l’Université de Sherbrooke et au Collégial du Séminaire de Sherbrooke. Ce nombre a cependant été révisé, mais est plutôt flou pour le moment.
Découverte scabreuse
Dans son témoignage à l’occasion de cette requête, l’ex-femme de Corriveau a raconté au tribunal qu’elle a fouillé dans la tablette de son conjoint de l’époque puisqu’elle entendait des sons de notifications qui en émanaient alors que celui-ci dormait. Comme elle soupçonnait son mari d’être infidèle, elle aurait décidé d’y jeter un œil.
En ouvrant l’application Snapchat sur la tablette de son mari, elle aurait remarqué que le nom d’utilisateur du profil est Taylor Marsh. De fil en aiguille, elle se serait rendue à une boîte de courriels appartenant à l’accusé où se seraient succédé des messages destinés à Guillaume Corriveau et à Taylor Marsh. Puis elle aurait découvert un compte Facebook à ce même nom.
Elle aurait ensuite décidé de réinitialiser le mot de passe de ce compte Facebook pour y avoir accès. «Je vois que la photo de profil n’est pas celle de mon conjoint, a-t-elle déclaré devant la juge. Ça semble être un adolescent. Dans la section « À propos », l’année de naissance est 2003. Il avait donc 16 ou 17 ans [au moment de la découverte en 2020]. Ce qui m’intéresse, c’est depuis quand ça dure. Est-ce qu’il y a des conversations récentes?»
En défilant dans les conversations, elle serait remontée aux messages les plus récents qui dataient de la veille.
L’ancienne femme de Corriveau rapporte que dans ses conversations avec les adolescentes, son ex-mari, alias Marsh, aurait écrit qu’il était «nu dans ses couvertures». Elle n’aurait pas reconnu le jeune homme sur la photo du faux profil présumé de Corriveau. En fouillant dans la boîte de messagerie instantanée, elle n’aurait pas reconnu d’adolescente ni aperçu de photos osées.
«Ce que j’en comprends, c’est que Taylor Marsh et Guillaume Corriveau, ça fait juste un», lance l’ex-conjointe de Corriveau au tribunal.
Avant de se réfugier chez une amie, l’ex-femme de Corriveau aurait pris quatre photos de la tablette de l’accusé. Elle se serait ensuite connectée à nouveau au compte de Marsh à l’aide de sa tablette rendue à destination. À son tour, son amie prend des clichés des conversations de Corriveau avec ses victimes présumées.
Demande de la police
À leur arrivée, les policiers auraient demandé à la femme de prendre d’autres captures d’écran. Contre-interrogés par l’avocate de la défense, ces deux constables qui sont intervenus ce soir-là avouent qu’ils n’ont pris aucune note dans leur calepin. Ils admettent également qu’ils n’ont pas fait de demande ni pour un mandat ni pour un télémandat.
«Je commence par regarder s’il y a effectivement un motif raisonnable de croire à la commission d’une infraction», explique l’agent Philippe Hetherington au tribunal.
Son coéquipier Bruno Larochelle aurait appelé son supérieur pour le mettre au courant de la situation. «Le supérieur va prendre des décisions par la suite. Nous sommes avec madame, qui vit des événements stressants, on veut la rassurer», plaide-t-il lorsque Me Emmanuelle Rheault lui demande s’il croit avoir des motifs raisonnables pour arrêter Guillaume Corriveau.
«On voulait recueillir et préserver la preuve. [...] Je ne suis pas un expert informatique, mais les courriels de Taylor Marsh et de Guillaume Corriveau sont liés ensemble», décrit le policier.
Le sergent de patrouille Jean-Philippe Landry, un policier du Service de police de Sherbrooke assigné par la défense, n’est pas intervenu sur les lieux, mais a donné quelques conseils au duo qui se dirigeait sur les lieux.
«J’ai déjà été sensibilisé avec les façons de faire au Service de police de Sherbrooke, a-t-il indiqué en cour. Il ne faut pas perdre de temps, car on peut perdre la preuve. Je ne savais pas quelle était la preuve ni quelles étaient les circonstances de l’intervention. [...] Les conversations sont sur des serveurs, mais ne sont pas enregistrées sur des appareils physiques. Ça me sonne une cloche : ça peut se faire effacer par n’importe quel appareil dans un délai extrêmement court.»
Les plaidoiries concernant cette requête s’effectueront le 3 juillet. Par la suite, le procès se poursuivra à la fin du mois d’août avant de prendre une pause et se poursuivre au mois d’octobre.