Agression au couteau au Shaker: «Je ne l’enverrai pas en prison», assure la juge Côté

Fait inusité : l'avocate de Tommy Gordon, Me Morgane Laloum, a prêté sa toge à son client afin qu'il déjoue les caméras à sa sortie de la salle d'audience.

L’auteur d’agressions au couteau au Shaker de Sherbrooke en août 2021, Tommy Gordon, n’ira pas derrière les barreaux.


«Je n’enverrai pas quelqu’un de 20 ans, réhabilité, en prison. Tous les acquis qu’on a là, je ne les détruirai pas en l’envoyant en détention», a fermement mentionné la juge Danielle Côté à l’occasion de la représentation sur la sentence du délinquant.

La magistrate a tenu à s’adresser aux victimes des coups de couteau de Gordon qui étaient présents dans la salle. «Clairement, je n’ai pas l’intention de lui donner de la prison ferme. Je dois essayer de trouver la sentence qui va reconnaître à quel point vous avez été blessées. C’est épouvantable ce que vous avez eu à vivre. Personne ne doit vivre ça. Mais je dois aussi évaluer si on l’a récupéré et s’il deviendra un actif pour la société. S’il va en dedans trois ans, c’est terminé, on l’échappe. Personne ne va gagner là-dessus», a-t-elle expliqué.



Le jour de son 20e anniversaire lundi, Gordon était présent au palais de justice de Sherbrooke. Son avocate, Me Morgane Laloum, a estimé que son client mériterait une sentence suspendue et une probation avec un suivi ainsi que des travaux communautaires. «Si vous trouvez que ce n’est pas assez, je pense qu’avec le profil de mon client, [il y a] la prison dans la collectivité. Je pense qu’on a devant nous quelqu’un qui a complètement changé. Je ne pense pas qu’il soit un candidat pour l’emprisonnement ferme», a-t-elle soumis à la juge Côté.

La procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Florence Fortier, a suggéré que le contrevenant purge deux ans moins un jour de prison dans la collectivité. Elle suggère également que Gordon effectue 240 heures de travaux communautaires et qu’il poursuive ses démarches thérapeutiques.

Tommy Gordon était accusé de voies de fait armées, de voies de fait graves, de voies de fait causant des lésions, de menaces et d’avoir eu en sa possession une arme prohibée.

Réhabilitation

Dans le cadre des représentations sur sa sentence, Gordon a tenu à s’adresser au tribunal. Il a entre autres remercié la juge Côté de l’avoir envoyé en thérapie à la place de le placer derrière les barreaux en attendant la suite des procédures judiciaires.



«Les dernières années m’ont permis de m’introspecter, surtout sur ce qui est arrivé le 21 août au soir. Ç'a été un énorme tournant dans ma vie. Ça m’a fait prendre conscience sur la réalité de ce qu’est la vie. Mon temps en détention m’a permis de faire plusieurs prises de conscience sur les gestes que j’ai posés», a-t-il plaidé, ajoutant que sa thérapie l’aide toujours.

«Toute ma vie, je me suis autosaboté quand j’allais bien. J’ai travaillé là-dessus. Je vous remercie dans un sens de m’avoir envoyé là-bas [en thérapie]. Je suis une personne différente, ça a changé complètement ma personne de fond en comble», a décrit le jeune homme.

Il a également souligné l’aide que lui apporte son entourage.

Excuses

Très posé, le jeune homme a tenu à s’excuser quant aux gestes qu’il a commis au Shaker. «Ça ne pourrait pas se reproduire. Je suis rendu à l’opposé de la personne que j’étais. Quand vous m’avez dit qu’un jeune pouvait se revirer sur une dix cennes, je l’ai pris à cœur. J’ai construit de belles choses et je suis très fier de ça», a-t-il adressé à la juge saisie du dossier.

«J’ai un gros problème d’impulsivité et d’agressivité, a-t-il admis. Ce n’est pas terminé, je travaille encore sur moi tous les jours.»

«Si j’avais quelque chose à dire à mes victimes, c’est que je suis vraiment désolé. Jamais à ce jour je ne referais quelque chose du genre», a dit celui qui s’excuse également à l’entourage des plaignants.



Qui plus est, Gordon a complètement cessé de consommer alcool et drogues. Avant l’agression, il avait bu quelque 52 onces d’alcool fort, avait pris une clé de cocaïne et plusieurs rasades, estime Me Laloum.

Victimes

Aucune des victimes n’a désiré témoigner pour les représentations sur la sentence de Gordon. Cependant, Me Fortier a énuméré quelques conséquences que subissent les plaignants.

L’un d’entre eux a vécu avec beaucoup de douleur. Encore aujourd’hui, il a parfois mal. «Il est beaucoup plus craintif. […] Il a eu de la difficulté pour uriner à la suite de l’opération. On parle également de symptômes de dépression et d’idées suicidaires. Il n’a eu aucun revenu durant neuf mois», a décrit Me Fortier.

Un autre n’a pas de conséquence physique. «Ce qui l’a le plus touché, c’est le fait que ses amis se soient fait poignarder plus gravement», a-t-elle expliqué, ajoutant que ce plaignant est plus prudent aujourd’hui.

Elle a noté que la gravité des lésions physiques, émotionnelles et psychologiques est des facteurs aggravants. Elle rappelle également que Gordon a fui après son crime. Me Fortier reconnaît également les nombreux facteurs atténuants.

La juge Côté rendra sa décision le 14 juillet.