
Dénoncer les actes racistes pour mieux vivre ensemble
C’est l’essence du message que Abdelilah Hamdache, président de l’Institut des mondes arabes et musulmans de l’Estrie et professeur à l’Université de Sherbrooke, a livré lors de l’audience publique sur la discrimination, le racisme, l’emploi et la diversité dans la région.
L’événement, organisé par Actions interculturelles de l’Estrie, a réuni des représentants estriens d’organisations, d’entreprises, des chercheurs et professionnels qui souhaitaient faire part de leurs réflexions. L’objectif de la consultation « constructive » visait à récolter des témoignages liés au racisme ou à la discrimination vécue dans la région par la population immigrante, inventorier les bonnes pratiques et prendre note des suggestions qui pourraient améliorer l’intégration et le vivre ensemble.
L’audience avait lieu mercredi à l’Hôtel Times sous la présidence de Pierre Boisvert, avocat à la retraite, ancien conseiller municipal et ancien président du Comité des relations interculturelles et de la diversité (CRID), et Soucila Badaroudine, protectrice des droits des étudiantes et des étudiants de l’Université de Sherbrooke (UdeS) depuis 2006.
Plusieurs situations
M. Hamdache a raconté plusieurs situations prouvant que le racisme et la discrimination existent bel et bien en Estrie. Des femmes qui se font insulter parce qu’elles portent le voile ou celles qui cessent de le porter, car elles ont peur pour leur sécurité. La chambre « subitement louée » lorsque le locateur constate que le locataire potentiel est africain. Et tous les curriculums vitae d’immigrants jetés à la poubelle.
« J’ai postulé pour un poste au Cégep de Sherbrooke. Dans le groupe, on était une dizaine dont trois ou quatre étrangers. Tous les Québécois ont été appelés pour une entrevue et aucun immigrant. J’ai laissé ma candidature pendant dix-douze ans et j’ai jamais été appelé malgré mes excellentes évaluations à l’UdeS. On m’a dit qu’on offrait les postes aux gens avec plus d’expérience. C’est faux, car certains de mes étudiants étaient embauchés », raconte le chargé de cours en mathématiques à l’UdeS, qui ajoute que le meilleur de ses étudiants n’a eu aucune offre de stage parce qu’il était maghrébin.
Mme Badaroudine a à son tour appelé à la dénonciation. « Je fais un parallèle avec le mouvement #moiaussi. Nous devons dénoncer ces agressions et ses violences verbales ou physiques », a-t-elle proposé.
Cas d’exclusion
Pour sa part, la chercheuse Marjorie Vidal a témoigné de situations d’exclusion observées dans le système d’éducation, des situations qui sont appuyées par des recherches.
« Il s’agit de situation où on ne tient pas compte de la diversité linguistique, religieuse ou ethnique des élèves issus de l’immigration. Par exemple, il y a une tendance à surdiagnostiquer les élèves issus de l’immigration. On leur attribue des troubles d’apprentissage alors que les évaluations ou le diagnostic se font en français », souligne la chercheuse, précisant que les immigrants représentent environ 20 pour cent des élèves du système éducatif québécois.
« L’éducation est aussi normée et biaisée culturellement. Par exemple, j’enseigne le texte d’opinion. Je leur apprends à débattre, à argumenter et contrecarrer des opinions. Mais argumenter n’est pas inné. En tant qu’Occidentaux, on est habitué à argumenter, mais dans la culture asiatique, par exemple, le critique est quelque chose de très négatif et ils n’ont pas appris à argumenter », explique Mme Vidal.
En après-midi, des représentants de Dialogue Plus, Agence K.P., la communauté congolaise ont aussi pris la parole ainsi qu’Annie Godbout, conseillère municipale à la Ville de Sherbrooke et présidente du comité des relations interculturelles et de la diversité.
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