
De parrain à ami pour la vie
Le parrainage de celui qui s’est établi au Canada s’est fait sous l’égide d’Entraide universitaire mondiale Canada (EUMC), la même organisation avec laquelle le Cégep de Sherbrooke a collaboré afin de faire venir à Sherbrooke une jeune femme africaine.
Le parrainage d’Augustin Mangapi a non seulement changé le cours de sa vie, il a aussi jeté les bases d’une amitié qui dure depuis 1981.
« Aujourd’hui, on est comme des frères. C’est moi qui ne suis pas de la bonne couleur. On était toujours ensemble à l’université », raconte Claude Dallaire, bien connu pour son ancien rôle de coordonnateur de la Coalition SOS Orford.
« On était sept ou huit étudiants qui avons décidé de parrainer un réfugié politique. On avait choisi dans un catalogue et c’était Gus (Augustin) qui avait été choisi. La vie a fait que ça a été lui, ça aurait pu être n’importe quel homme ou femme de différents pays. Il fallait mettre en garantie 10 000 $.
C’était énorme. Il a fallu faire plein d’activités (...) Le gouvernement canadien a accepté via le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations Unies. Il a été sorti de prison et il est arrivé au Canada », raconte M. Dallaire, en soulignant que l’UdeS avait notamment prêté une chambre de résidence. Plusieurs personnes à l’UdeS se sont impliquées dans le dossier, dont le recteur de l’époque Yves Martin et Georges Allard, directeur aux services aux étudiants.
« Il avait fallu l’habiller au complet pour l’hiver, acheter toutes sortes de choses pour la résidence », se remémore M. Dallaire.
Pour M. Mangapi, ce fut le début de sa vie au Canada. Aujourd’hui président et chef de direction d’Investissement Wiseman, il n’est jamais retourné en Afrique à la suite de son départ, même s’il a encore de la famille là-bas.
Militantisme
Ce sont les activités politiques de M. Mangapi alors qu’il était étudiant au Burundi qui lui ont fait perdre sa liberté. Il était alors dans la jeune vingtaine.
« À l’Université, nous avions des groupes de lecture, des textes de revendications pour les droits de l’homme, qui prônaient la justice. Nous combattions avec nos camarades le gouvernement du Zaïre (devenu la République démocratique du Congo) à l’époque. Ça a inquiété les autorités du Zaïre. Comme ils ont des services de renseignement, j’ai été fiché comme leader de ce groupe-là. (...) Nous luttions contre les injustices qui se passaient au Zaïre à l’époque, comme le détournement de fonds, les arrestations arbitraires, tout ce qui était mauvais. » M. Mangapi avait alors été extradé en Tanzanie, où il a été emprisonné trois mois.
Il a finalement été libéré sous certaines conditions, en collaboration avec le HCR.
Après l’arrivée du jeune réfugié, les deux amis se sont entre autres impliqués pour militer contre l’apartheid en Afrique du Sud. « Nous n’étions pas nombreux, on était deux, mais nous avions fait beaucoup de bruit ! »
C’est sans doute durant cette période de sa vie que Claude Dallaire est devenu allergique au racisme.
« Ça a changé ma vie, c’est sûr », lance M. Dallaire, en mimant sa réaction épidermique face au racisme. Claude Dallaire insiste sur l’importance de l’éducation pour lutter contre ce phénomène.
« C’est un perpétuel recommencement. »
La reconnaissance transpire toujours dans les propos d’Augustin Mangapi, 38 ans après son arrivée.
« Ils ont réussi à me sortir de là-bas et à faire de moi ce que je suis aujourd’hui », commente-t-il. « On t’a donné des outils pour que tu t’épanouisses », répond son ami depuis près de 40 ans.
« Je ne sais pas ce que je serais devenu si j’étais resté là-bas. »