Sherbrooke ne veut plus de nouvelles stations d’essence

Sherbrooke compte plusieurs stations d'essence abandonnées. Celle-ci se trouve sur la 12e Avenue Nord.

Les élus siégeant à la commission d’aménagement de la Ville de Sherbrooke ne veulent plus de nouvelles stations d’essence. Au début de l’année, le conseil a dû se pencher sur la demande d’un promoteur qui voulait construire une nouvelle pompe dans l’est de la ville. « On n’a pas recommandé à la personne de poursuivre dans cette direction », indique la conseillère du district d’Ascot et présidente de la Commission de l’aménagement du territoire, Geneviève La Roche.


« La vente d’autos à essence, c’est fini en 2035, commente-t-elle. D’ajouter de l’offre sur notre territoire, à moins qu’il y ait un manque flagrant, ça nous semble manquer de vision. On a commencé à travailler ce dossier en demandant une cartographie de tous les usages qui sont autorisés et des stations-service qui sont effectives sur le territoire pour connaître le portrait. Pour l’instant, on est à cette étape, mais cet automne, on veut entamer un plan d’urbanisme et revoir nos outils. On veut préparer le terrain, quand on va arriver pour prendre nos décisions, qu’on tienne compte que le nombre de stations-service va aller en diminuant. »

« Ça vient avec des problématiques de décontamination. Ce ne sont pas des commerces qui sont verts », estime la conseillère.

La Ville pourra intervenir lorsqu’elle adoptera le fameux règlement quant à l’entretien et à l’occupation des bâtiments. « On veut pouvoir intervenir quand un bâtiment est inoccupé, se donner des leviers pour dire que ça suffit, que ce bâtiment est situé à un endroit où on pourrait faire autre chose », souligne celle qui est également présidente de la Commission de l’aménagement du territoire.

« Ultimement, on souhaite que ces terrains soient utilisés pour d’autres choses et qu’ils soient décontaminés, poursuit-elle. On a intérêt à ce que ça bouge le plus rapidement possible. »

À Sherbrooke, La Tribune a recensé au moins six stations-service qui attendent d’être reconverties. Deux d’entre elles se retrouvent sur la rue King Est, l’une à l’intersection de la 12e Avenue Sud et de la rue Brûlotte, l’une sur le boulevard Queen-Victoria et deux autres se situent sur la rue Galt Ouest.

Sur la rue King Est, deux stations d'essence abandonnées sont côte à côte: les anciennes pompes du Shell et celles du Canadian Tire n'accueillent plus d'automobilistes depuis quelques mois.

Décontamination

Actuellement, un terrain qui comptait autrefois une station-service doit être décontaminé avant toute construction éventuelle. « Un terrain peut se vendre à quelqu’un qui n’a pas déposé de projet. Mais au moment où son projet sera déposé, si celui-ci est accepté, il n’aura pas le choix de faire décontaminer », explique Geneviève La Roche.

Autrement dit, le propriétaire d’un terrain contaminé peut le vendre tel quel pour moins cher ou peut le faire décontaminer et augmenter sa valeur marchande.

Selon le type d’usage, le besoin de décontamination pourrait être plus élevé. Par exemple, le terrain sur lequel sera érigé un Centre de la petite enfance (CPE) ne rencontre pas les mêmes normes qu’un terrain commercial.

Gestionnaire chez Technosol, Joëlle Dufresne confirme que les normes changent selon les usages. « Depuis 2003, c’est le critère le plus sévère permis au zonage qui s’applique », indique-t-elle, estimant que dans 75% des dossiers, une ancienne station-service coûte entre 75 000$ et 300 000$ à décontaminer.

Ce chiffre dépend entre autres des volumes de sol contaminés, de la profondeur et de la distance avec la route, par exemple. « Il y a certains dossiers qui se comptent en millions de dollars », précise-t-elle.

Donc si le terrain de l’ancienne station-service comprend un zonage résidentiel, il faudra le décontaminer selon des exigences plus sévères, peu importe le projet qui y sera ensuite érigé.

Selon Mme Dufresne, beaucoup de grands joueurs du commerce d’essence achètent les plus petits. En repartant à zéro, ils décident de décontaminer leurs terrains. Cependant, il arrive parfois que des petits joueurs fassent faillite. «Le ministère va donc en appel d’offres pour décontaminer la station-service», décrit la gestionnaire chez Technosol.

Celle-ci mentionne qu’environ le tiers de ses contrats impliquent des stations-service, mais que la plupart poursuivent leurs activités.

Comme le Canadian Tire de l'est de Sherbrooke a déménagé, la station d'essence est chose du passé.

Le ministère de l’Environnement précise que « si le terrain s’avère contaminé au-delà des valeurs limites [...], le responsable devra inscrire un avis de contamination au Registre foncier du Québec pour ce terrain ».

« De plus, il devra aussi déposer pour approbation au Ministère, au plus tard trois mois suivant la transmission de l’étude de caractérisation du terrain, un plan de réhabilitation du terrain avec un plan de démantèlement des installations et un calendrier d’exécution. »

Bornes rapides

Par ailleurs, les propriétaires de voitures électriques se plaignent souvent du manque de bornes de recharges rapides sur le territoire. Pour Mme La Roche, cette offre de services est « intimement liée » à la baisse d’intérêt envers les stations-service. « Au moment où on veut regarder comment on diminue tranquillement le nombre de stations-service, il faut regarder aussi quelle est l’offre pour les électro-automobilistes, commente l’élue. On a à faire ces deux mouvements en parallèle. »

En 2020, Détail Québec comptait 470 stations-service en Estrie.

Période de changements

Porte-parole de l’Association des distributeurs d’énergie du Québec, Nancy Marcotte rappelle que ses membres «ont traversé d’autres changements» au cours des années. « Au début, ils étaient dans le charbon », relate-t-elle, ajoutant qu’ils veulent « participer à la transition énergétique ».

« Plusieurs stations-service déploient des bornes de recharge rapide pour les électro-mobilistes. Ça fait partie des solutions », estime Mme Marcotte, qui croit que le réseau de stations-service « est le plus apte à accueillir des bornes de recharge rapide », car ils sont bien situés et connus des automobilistes.

Sans pouvoir quantifier le nombre de stations-service qui ont fermé, Mme Marcotte analyse que plusieurs commerces ont mis la clé sous la porte il y a quelques années lors des guerres de prix. « C’est sûr que certaines vont fermer, admet-elle. Mais certaines ouvrent. Ils vont se renouveler. »