En conférence de presse mardi, la directrice générale adjointe des programmes sociaux et de réadaptation du CIUSSS, Karine Duchaineau, ne l’a pas caché : « cette année, [la modulation] sera plus accentuée que l’été dernier et l’année prochaine, ce sera davantage accentué, selon la projection qu’on a entre les mains ».
Pour l’été 2023, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS doit composer avec 1500 postes vacants. En 2022, on en comptait environ 1300. Reconnaissant que la pénurie de main-d’oeuvre ne se règle pas entre les murs de l’établissement en ce moment, la direction du CIUSSS s’est vue contrainte d’adapter plusieurs de ses services de manière plus agressive que dans les dernières années, à commencer par le nombre de lits disponibles.
Ce seront donc 70 lits de plus qu’en 2022 qui seront fermés cet été. Au total donc, 175 lits d’hospitalisations seront inaccessibles. Tous les lits disponibles pour la clientèle de psychiatrie seront toutefois maintenus, ce qui signifie que des coupures plus importantes ont lieu ailleurs, notamment la fermeture complète des trois lits de soins intensifs durant les fins de semaine à Lac-Mégantic ou le retrait d’au moins 31 lits sur les 132 disponibles en chirurgie à l’Hôpital Fleurimont.
« On a revu la façon de gérer les lits au quotidien avec les gestionnaires sur le terrain. On regarde aussi comment on peut tous s’entraider entre nous », indique la directrice générale adjointe aux programmes santé physique générale et spécialisée du CIUSSS, Annie Boisvert, expliquant notamment que des efforts sont faits pour permettre aux usagers de quitter les milieux hospitaliers le plus vite possible.
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Plusieurs autres services seront offerts au cas par cas, notamment pour les clientèles ayant une déficience intellectuelle ou un trouble de l’autisme. Pour ceux qui fréquentent les centres de jour pour des services de répit, par exemple, une adaptation sera faite pour chaque usager après discussions avec les familles, car ces centres seront fermés. Idem pour les soins à domicile : un plan alternatif pour les usagers sera élaboré.
Les centres de prélèvement sont aussi impactés par les coupures estivales. Celui d’Argyll sera fermé du 19 juin au 20 août. Sept autres centres (Saint-Ludger, Stornoway, Stratford, Lac-Drolet, Notre-Dame-des-Bois, Saint-Augustin-de-Woburn et Saint-Robert) le seront du 25 juin au 19 août. Les autres centres, dont celui de Weedon, conjugueront avec un horaire modifié.
Des centres de dépistage et vaccination, d’arrêt du tabac et des services intégrés de dépistage et de prévention des infections seront aussi fermés durant la période estivale un peu partout en Estrie. Les urgences ne seront quant à elles pas touchées. Vous pouvez consulter la liste complète des services modulés et les détails des différents réseaux locaux de services en cliquant ici.
Pour les RLS de La Pommeraie et de la Haute-Yamaska
Bloc opératoire de Fleurimont
Les blocs opératoires ne sont évidemment pas épargnés par ces modulations de services. Le bloc de l’hôpital de Magog, par exemple, fermera complètement du 23 juillet au 19 août.
Au bloc de l’Hôpital Fleurimont, le plus spécialisé en région, voire au Québec, une salle de plus fermera du 25 juin au 9 septembre. Déjà en ce moment, avec six salles disponibles sur neuf, l’offre de services aux Estriens est loin d’être adéquate, déploraient il y a quelques semaines à La Tribune divers employés de ce bloc. Ils craignaient des dangers pour la population si l’on en venait à réduire encore le nombre de salles.
Questionné à ce sujet par La Tribune, Annie Boisvert note que d’autres pistes de solutions ont été explorées, notamment la réduction à quatre salles durant l’été ou le maintien à six salles. En fin de compte, réduire à cinq salles était la meilleure solution, dit-elle, pour permettre aux équipes de travail de prendre des vacances tout en continuant d’offrir les services urgents aux usagers.
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« J’aimerais vous dire que toutes nos salles seront ouvertes à 100 %, mais le contexte actuel rend ça impossible. [...] Je veux toutefois réaffirmer que tout ce qui est urgent va être fait, il n’y a pas de doute là-dessus. Si, durant l’été, on voit que c’est possible d’augmenter nos services, on va le faire aussi », assure-t-elle.
Mme Boisvert rappelle d’ailleurs que le transfert de certaines chirurgies du bloc de Fleurimont vers d’autres centres, comme l’Hôtel-Dieu ou Magog, est étudié et mis en place dans certains cas, comme le rapportait La Tribune la semaine dernière.
Pour ce qui est des vacances, elles seront concentrées sur des périodes ciblées. Dans le cas de Fleurimont, ce sera la période de dix semaines où cinq salles seront ouvertes.
Vent de face
Le plan estival du CIUSSS s’attire évidemment un lot de critiques. Le président du comité des usagers du CHUS, le Dr Claude Lemoine, se désole de voir que « les usagers paient encore, comme c’est toujours le cas ».
« Le système est fait pour les usagers et pour personne d’autre. En ce moment, ils n’ont pas tous les services nécessaires et, d’après ce que le CIUSSS nous dit aujourd’hui, on ne s’en va pas vers ça », opine le Dr Lemoine, faisant référence au fait que Mme Duchaineau a mentionné que les étés futurs seraient pires.
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Questionnée à savoir comment le réseau estrien pourra même survivre aux prochaines années si, chaque été, l’élastique semble être étiré au maximum, Karine Duchaineau reconnaît que le réseau de la santé ne pourra pas arriver à régler la situation tout seul.
« Il faut gérer nos attentes comme population. Le réseau de la santé est une option pour faire face aux problèmes de santé et plusieurs autres options existent. On peut penser à la prévention. On est appelé, avec les innovations à revoir nos offres de services et ce sera différent de ce qu’on a connu auparavant », expose-t-elle.
« Il y a beaucoup de façons différentes pour répondre aux besoins, poursuit-elle. Aujourd’hui, on peut sortir de l’hôpital en une journée d’une chirurgie du genou. Ces avancées doivent mettre à contribution tout le monde. [...] Ça passe par une participation citoyenne, municipale, du réseau de l’éducation, du communautaire et du réseau de la santé. C’est là qu’on se situe, on est un peu à la croisée des chemins actuellement.»
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Du côté syndical, certaines critiques sont aussi émises. La présidente par intérim du Syndicat des professionnelles en soins des Cantons-de-l’Est (infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes), Stéphanie Goulet, reconnaît que des coupures étaient nécessaires, mais juge que ses membres n’y gagneront pas toujours.
« Au bloc de Fleurimont, par exemple, ça ne marchera pas, cinq salles, avec l’équipe réduite qu’on a présentement et les vacances. Ça va se faire à coup de temps supplémentaire obligatoire, de garde imposée et d’autres mesures coercitives. C’est la même chose au CHSLD Lelclerc, à Granby, où on a 30 % du personnel en poste et à l’urgence de Cowansville », décrit-elle.
Même son de cloche pour la présidente du Syndicat du personnel administratif du CIUSSSS de l’Estrie-CHUS affilié à la CSN, Marianne Émond.
« Ces coupures faciliteront l’octroi de vacances, mais elles signifient que nos membres seront appelés à se déplacer dans d’autres centres pour travailler, ce qui amènera du stress et une charge de travail supplémentaires », estime-t-elle.
L’APTS-Estrie n’a pas voulu commenter la situation, alors que le SCFP-4475 n’a pas répondu aux appels de La Tribune.