Les étudiants en hausse en sciences des religions, selon le centre d’études de l’UdeS

L'Université de Sherbrooke

Alors que la direction de l’Université de Sherbrooke justifie notamment la fin des programmes des sciences de la religion par un effectif étudiant réduit, le Centre d’études du religieux contemporain (CERC) connaissait plutôt une hausse des demandes d’admission et des inscriptions, selon son directeur, Marc Dumas. C’est aussi l’écho qu’avait l’association étudiante.


En entrevue dimanche, M. Dumas a expliqué qu’il n’est pas question de difficultés financières afin d’expliquer la fin des programmes. Le directeur du centre estime avoir été mis devant le fait accompli. Rappelons que les syndicats contactés par La Tribune n’étaient pas du tout au courant de cette décision annoncée cette semaine.

« Il serait faux de laisser entendre que nous avons une baisse d’étudiants. Je suis directeur depuis trois ans et demi et on peut noter une hausse constante de nos demandes d’admission et de nos inscriptions dans nos programmes. J’ai écrit aux étudiants et je n’ai pas dit qu’il y avait de baisse de clientèle. C’est ce que l’université dit dans sa lettre envoyée aux professeurs. On a une prévision budgétaire pour 2024-2025 et on était positif… »

Le président de l’Association étudiante pour l’étude du religieux contemporain et de la théologie (ARCTUS), Guillaume Gagnon Dugas, abonde dans le même sens. Ce dernier est aussi candidat à la maîtrise et auxiliaire de recherche.

« À peu près tout le monde est surpris. Le centre va très bien. Il génère des retombées pour l’université; ce n’est pas un trou où c’est de l’argent qui se perd. On a une hausse des inscriptions présentement. »

Le CERC attire des étudiants internationaux, ajoute-t-il également. Il compte 85 étudiants, principalement de deuxième et de troisième cycles.

L’enjeu serait plutôt d’ordre administratif.

« Il n’y a pas de manque à gagner important […] Je pense que le cœur de la problématique se situe au niveau du recrutement professoral, avance le directeur du CERC. La structure du centre n’est pas départementale et ce sont des départements qui peuvent faire des représentations pour embaucher de nouvelles ressources professorales. […] C’est un des enjeux pour assurer la pérennité, d’avoir des ressources lorsque des profs partent à la retraite… »

Aux yeux de M. Dumas, ce problème administratif engendre une perte du savoir en sciences des religions.

« Si on n’a plus de ressources investies, on va diluer ou tranquillement faire disparaître la compétence. » C’est également ce que dénonçaient des professeurs d’autres institutions dans une lettre ouverte transmise à La Tribune, qui rappellent du même coup l’expertise développée à l’UdeS. La faculté de théologie avait laissé sa place en 2015 au CERC.

Marc Dumas estime que des solutions existent pour éviter la fin des programmes. Elles passent par une volonté politique et par « sortir de la logique » que seul un département peut solliciter des postes, selon lui.

« Administrativement, l’Université doit trouver des stratégies créatives pour trouver des manières d’embaucher des ressources professorales ou qui vont en partie se consacrer au thème du religieux contemporain. »

« C’est certain que si on avait les nouvelles ressources professorales, la dynamique du recrutement, de l’encadrement et de l’enseignement se poursuivrait aujourd’hui. On ne serait pas là à se parler aujourd’hui. »

Le directeur du Centre d'études du religieux contemporain de l'UdeS, Marc Dumas.

L’avenir du centre

Quant à l’avenir du CERC, l’institution a fait savoir que la structure va demeurer tant et aussi longtemps qu’il y aurait des étudiants. « On peut imaginer que lorsqu’il n’y aura plus d’étudiants, il n’y aura plus de structure », commente M. Dumas.

« Il y a des gens qui ont commencé cet automne. Le processus est de quatre à cinq ans. On peut imaginer que d’ici quatre à cinq ans, on va encore avoir des activités d’encadrement au troisième cycle. »

Les étudiants s’inquiètent que des membres du personnel d’encadrement quittent le bateau avant la fin des programmes.

« S’il y a une chose qui me préoccupe, c’est ça », commente Guillaume Gagnon Dugas, soulignant à quel point il est complexe de remplacer un directeur de thèse, par exemple.

À ce sujet, M. Dumas a voulu se montrer rassurant. « Les professeurs ont déjà traversé plusieurs tempêtes, ils n’ont jamais abandonné le bateau. Il peut y avoir des exceptions, mais globalement, la majorité des collègues est très engagée. »

Guillaume Gagnon Dugas, candidat à la maîtrise-recherche au Centre d'études du religieux contemporain de l’Université de Sherbrooke et également aussi président de l'ARCTUS, l’Association étudiante pour l’étude du religieux contemporain et de la théologie.

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Les sciences humaines délaissées?

Au cours des dernières années, le débat a refait surface en éducation : certains estiment que les universités axent désormais leurs efforts et leur financement sur des formations liées aux besoins pratiques ou ceux de l’entreprise privée.

L’avenir du CERC en est-il un exemple? « C’est certain qu’on fait partie de la grande famille des sciences humaines et sociales, et j’inclus la théologie. Mais nous n’avons pas d’appui de l’industrie privée. L’Université devrait aussi être un rempart contre ça, et c’est là la question qu’il faut se poser. Est-ce que l’université ne devrait pas aussi permettre à tous les sphères du savoir d’être présentes, parce qu’elles offrent des clés de compréhension de la réalité sociale? » répond M. Dumas.

« Je crains que l’Université redevienne une école de métiers comme dans les années 50… » lance le président de l’ARCTUS.

Certaines formations du centre sont directement liées à des professions sur le terrain, dont l’une destinée aux travailleurs en soins spirituels.

« Le pari que nous avons fait, c’est de tenir ensemble des questions de terrain avec une réflexion plus théorique et un souci ensuite de revenir en intervention sur le terrain. Il y a plusieurs thèses qui sont articulées de cette manière-là. La professionnalisation des intervenants en soins spirituels est un des éléments qui est attractif pour les étudiants. À la fin de la formation, ils peuvent être embauchés dans différents secteurs de la santé. »

M. Gagnon Dugas note que l’on retrouve aussi des expertises rares et nécessaires, comme celle de la professeure Lorraine Derocher, qui s’intéresse aux interventions auprès d’enfants vivant au sein de groupes sectaires ou de communautés fermées. Il cite aussi le travail d’une étudiante qui côtoie des enfants en fin de vie à Sainte-Justine.