La fin des sciences de la religion à l’Université de Sherbrooke surprend et déçoit

L'UdeS met fin à ses programmes en sciences de la religion.

La décision de l’Université de Sherbrooke de mettre fin à ses programmes en sciences de la religion suscite la surprise et de vives déceptions. Le Centre d’études du religieux contemporain (CERC) n’admettra plus d’étudiants à compter de l’hiver 2024. Cette annonce est également décriée par des professeurs d’autres institutions dans une lettre ouverte transmise à La Tribune.


Selon nos informations, la décision s’explique entre autres par un effectif étudiant réduit, de même que des départs à la retraite récents ou à venir. Le centre entrevoit du même coup peu de disponibilités des ressources professorales au cours des prochaines années. Le centre n’admettra donc plus d’étudiants dans le microprogramme en culture religieuse, au certificat en études du religieux contemporain, la maîtrise en études du religieux contemporain de même que le doctorat en études du religieux contemporain à compter de l’hiver 2024.

Frédérique Giguère a commencé il y a trois mois une maîtrise en études du religieux contemporain. Elle croyait ensuite s’inscrire au doctorat, mais ce ne sera pas possible.

« Je suis à trois mois de ma maîtrise et on apprend que le centre allait potentiellement fermer... De l’intérieur, on avait l’impression qu’il était en plein essor », lance-t-elle en se réjouissant toutefois de pouvoir terminer sa maîtrise.

Il n’a pas été question publiquement de fermeture, mais on ignore pour le moment ce qui adviendra lorsque les étudiants actuellement inscrits auront terminé leur programme.

Frédérique Giguère est étudiante en religieux du contemporain à l’UdeS, et elle a appris que l’UdeS fermait tous ses programmes. La Sherbrookoise pourra au moins terminer sa maîtrise.

L’étudiante souligne la très grande interdisciplinarité des programmes offerts, qui touchent une quantité de sujets, de la philosophie en passant par l’éthique. « C’est bouleversant. Je ne vois pas ailleurs où j’aurais pu faire ça. C’est le centre qui permet le plus d’interdisciplinarité », plaide celle qui s’intéresse à l’influence de la spiritualité sur le processus créatif.

Les étudiants inscrits dans ces programmes pourront toutefois poursuivre leur parcours. L’institution a assuré que les activités pédagogiques et leur accompagnement se poursuivent. « On nous a assurés qu’on allait nous faire un plan individuel », note Mme Giguère.

Elle ne comprend toutefois pas cette décision. « Pour moi, c’est un manque de vision. On est en pleine crise climatique », dit-elle avant de rappeler qu’avec la pandémie, le monde connaît plusieurs crises, dont celle de la quête de sens. « L’être humain, c’est dans sa nature de chercher un sens. » Tout le monde reconnaît la pertinence de cette formation, ajoute-t-elle.

« On vit une grande déception par rapport à nos institutions. Voyons, l’UdeS, tu dois voir plus grand », lance-t-elle.

Dans cette optique, le Centre d’études du religieux contemporain poursuivra ses activités; les programmes d’études demeurent sous sa gouverne. Le CERC doit procéder à l’analyse des personnes inscrites au cours des prochaines semaines en lien avec leur parcours et leur diplomation.

Les syndicats pas au courant

Il a été impossible de s’entretenir avec un porte-parole de l’institution, samedi.

Joint par La Tribune, le président du Syndicat des chargées et des chargés de cours de l’UdeS (SCCCUS), Vincent Beaucher, n’était pas au courant de cette décision du centre.

Invité à réagir, il s’est dit surpris par cette annonce.

« On aurait aimé être mis au courant de ce qui s’en venait et s’il y a d’autres plans pour la suite des choses », dit-il en s’interrogeant notamment sur la possibilité de formation continue.

La présidente du Syndicat des professeures et des professeurs de l’UdeS (SPPUS), Julie Myre-Bisaillon, (SPPUS) s’est étonnée de ne pas avoir été mise au courant et prévoyait « aller aux nouvelles » lundi matin.

Frédérique Giguère est étudiante en religieux du contemporain à l’UdeS. Elle vient d'entreprendre sa maîtrise, mais sait d'ores et déjà qu'elle ne pourra pas y faire un doctorat.

Dans une lettre ouverte transmise à La Tribune, des professeurs d’autres institutions (les universités Laval, d’Ottawa, l’UQAM et l’Université de Montréal) invitent la direction de l’UdeS à renoncer à ce projet.

« L’actualité d’hier et d’aujourd’hui ne cesse de rappeler, souvent de manière tragique, combien l’étude de la religion est essentielle à nos sociétés. Sans les sciences des religions, il n’est pas possible de comprendre adéquatement la « guerre sainte » qui fait rage aujourd’hui en Israël et en Palestine. Sans elles, il n’est pas possible de comprendre intimement les ambitions impériales de la « Troisième Rome » russe », ont déploré ces professeurs dans une lettre que La Tribune a reçue.

Les signataires ont également déploré que les professeurs aient été placés « devant le fait accompli, sans signe avant-coureur ou simple consultation ». « Une décision faite dans la hâte, sans évaluation approfondie des programmes, ni analyse des retombées, ni consultation auprès de la population sherbrookoise », déplorent les signataires.

Rappelons qu’en 2015, l’UdeS avait créé le Centre d’études du religieux contemporain, l’instance qui a remplacé la faculté de théologie. L’UdeS était ainsi passée de neuf à huit facultés. La décision avait été contestée, notamment par l’association étudiante de cette faculté.