Alors que TVA a récemment annoncé une vague massive de coupes, qui verra sa station estrienne amputée de près de 60 employés, et que les médias des Coops de l’information ont tenu dernièrement un programme de départs volontaires, la communauté sherbrookoise a voulu rappeler qu’elle avait à coeur ses médias régionaux.
Des maires, conseillers municipaux, députées, professeurs, représentants d’organismes communautaires et de syndicats, journalistes et gens d’affaires se sont réunis au Siboire Jacques-Cartier pour envoyer ce message fort de soutien. L’initiative est née après l’annonce des coupes à la station de TVA Sherbrooke.
« C’est important, cette information régionale de qualité et diversifiée », a lancé d’emblée Marie-Ève Lacas, journaliste à Radio-Canada Estrie et ex-présidente de la FPJQ-Estrie.
Même son de cloche chez Annick Charette, présidente de la Fédération nationale de la culture et des communications, pour qui « chaque fois qu’on perd la diversité des voix dans l’information régionale, la démocratie meurt petit à petit », faisant référence à la situation chez TVA Sherbrooke.
« Notre industrie est arrivée à un tournant très important. À quoi va-t-elle ressembler dans 5, 10, 15 ans ? C’est une question que je me pose très souvent et à laquelle je n’ai pas la réponse. Il y a une chose qui est claire et certaine pour moi, cependant : dans 5, 10, 15 ans, l’information régionale sera toujours aussi pertinente, nécessaire et essentielle à la vie démocratique », a pour sa part affirmé la journaliste Amélie Paquette de TVA Sherbrooke.
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Présent sur place, le professeur Emmanuel Choquette, qui enseigne la communication stratégique à l’Université de Sherbrooke, a abondé dans le même sens, parlant de l’information régionale comme étant un « facteur de développement » des communautés.
« Les actrices et les acteurs de l’information locale sont essentiels, non seulement car elles et ils nous expliquent ce qui se passe chez nous, mais aussi car elles et ils présentent des contenus qui tantôt nous concernent, tantôt nous ressemblent et tantôt, surtout, contribuent à nous définir », a-t-il évoqué.
« Quand il y a moins de journalistes pour couvrir un territoire, on risque de manquer de gens pour couvrir ce qui se passe à plus petite échelle et c’est un problème démocratique. Plus on s’éloigne de Sherbrooke, plus les gens vont être touchés », a de son côté déclaré la députée provinciale de Sherbrooke, Christine Labrie.
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Solutions
Lors d’un discours impromptu donné sur place, l’ancien chef d’antenne de TVA Sherbrooke et ex-animateur de la quotidienne matinale du 107,7 Estrie, Stéphane Lévesque, y est allé d’un coup de gueule à l’endroit de son ancien patron, Pierre Karl Péladeau, qui aurait selon lui pris plusieurs décisions au fil des années qui allaient inévitablement mener aux mises à pied actuelles.
« Quand j’ai entendu la nouvelle, je n’ai pas été surpris, j’ai été détruit », a témoigné M. Lévesque, appelant du même souffle les politiciens à agir et les médias à continuer de se serrer les coudes.
« On le savait qu’il voulait faire ça, a-t-il continué, et on l’a laissé faire. »
Le nouveau président national de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Éric-Pierre Champagne, constate lui aussi que l’ancien modèle médiatique, celui où les entreprises de presse étaient qualifiées par certains de « machines à imprimer de l’argent », est révolu.
« Ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle », a-t-il ajouté, plaidant pour que les différents médias s’adaptent à la nouvelle réalité.
« Le modèle de rentabilité, je ne crois pas qu’on va revenir vers ça. [...]L’information est un bien public important dans la société et la question en ce moment, c’est comment va-t-on la financer. La Presse, Les Coops de l’info et Le Devoir, notamment, ont tous leur propre structure, mais, en ce moment, on se bat tous contre les géants du web. Ça devient un enjeu de société », a poursuivi celui qui est journaliste à La Presse.
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Selon M. Champagne, le modèle de la gratuité des nouvelles imposé, en quelque sorte, par la compétition avec ces géants du web nuit à certains médias qui tentent d’instaurer une culture de l’abonnement pour assurer leur survie.
« En même temps, les citoyens sont sensibles aux discours intelligents, donc je pense que si on explique cette réalité de la bonne façon, ils vont comprendre tout l’impact que les médias régionaux ont dans la société », a-t-il jugé.
La députée fédérale libérale de Sherbrooke, Élisabeth Brière, et la députée bloquiste de Shefford, Andréanne Larouche, ont aussi pris la parole lors de l’événement. Les deux élues ont évidemment abordé la question du projet de loi C-18, avec lequel le gouvernement canadien souhaite obliger les géants du web à redonner certaines sommes aux médias.
En réponse à ce projet de loi, rappelons-le, Meta a entrepris plus tôt cette année un blocage des nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instagram au Canada.
Mme Brière a exprimé le souhait de voir ses collègues au gouvernement « continuer à livrer le combat » pour faire adopter le projet de loi, alors que Mme Larouche a rappelé que le Bloc québécois a comme « priorité » la mise sur pied d’un fonds d’urgence pour les médias.