Un détour de 12 km pour de l’asphalte recyclé

Jacques Lamontagne a reçu un avis de non-conformité pour avoir mis de l’asphalte recyclé sur un chemin d’accès.

Parce qu’il a utilisé de l’asphalte recyclé sur un chemin d’accès sur sa ferme de Magog, l’agriculteur Jacques Lamontagne devra retirer ce matériau sous peine d’amende du ministère de l’Environnement… et faire un détour de 12 km en milieu urbain. Puisqu’il ne sera plus en mesure d’utiliser cette voie, il prévoit aussi fermer l’accès aux motoneiges qui passent sur ses terres cet hiver.


Le producteur de volaille, de bœuf et de foin a acquis l’asphalte recyclé en 2019. Le règlement en lien avec son utilisation, lui, a été changé à la fin de 2020.

M. Lamontagne a utilisé différentes options pour circuler sur une pente très prononcée, mais c’est ce produit qui s’est avéré efficace pour ses tracteurs de ferme.

« Quand on a 25 tonnes en arrière d’un tracteur, ce n’est pas le temps de manquer d’adhérence. »

« Je voulais me sortir des chemins de la ville de Magog, parce qu’avec les réservoirs de fumier et les véhicules de ferme, c’était rendu problématique. Les gens n’aimaient pas qu’on passe dans le secteur résidentiel et scolaire. Je me suis fait un chemin à ma propre ferme de 1 km de long, comparativement à 12 km quand je pars de chez nous, je passe par la ville pour rejoindre mon autre ferme. »

Un conseiller lui a alors proposé de l’asphalte recyclé, notamment pour l’adhérence et parce que ce produit ne se lessive pas à l’eau. « C’est ma troisième année, et c’est merveilleux », fait-il valoir.

Jacques Lamontagne a reçu un avis de non-conformité du ministère de l'Environnement pour avoir mis de l’asphalte recyclé sur un chemin d’accès de sa ferme. Il retirera le matériau d'ici le 1er novembre afin de se conformer à la Loi sur la qualité de l'environnement.

À la fin juin, M. Lamontagne a reçu un avis de non-conformité du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), puisqu’il ne peut utiliser ce produit sur des terres agricoles.

Il a jusqu’au 1er novembre pour retirer le matériau, date à laquelle le Ministère doit faire une inspection.

Il a demandé un délai pour se conformer, étant donné que sa saison bat son plein, ce qui lui a été accordé. S’il ne le fait pas, il s’expose à une amende de quelques milliers de dollars.

« Comme je ne suis pas un bandit, je vais le retirer. Je vais réévaluer ma situation de producteur agricole. Au pire, les gens devront accepter que je passe avec des remorques qui sentent plus mauvais… Il faudra une surveillance accrue […] », dit-il en faisant allusion à la présence d’un CPE dans le secteur.

« Je n’ai jamais eu de contravention dans ma vie, ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. »

—  Jacques Lamontagne

En outre, il ne peut circuler le soir en raison de la réglementation. Plutôt que de faire quatre ou cinq voyages à l’heure, il risque d’en faire un seul, illustre-t-il en soulignant que cela allait augmenter les coûts de production.

L’agriculteur remarque qu’il a accordé une servitude à la Ville de Magog pour une piste cyclable, qui a été asphaltée. Le Ministère lui a répondu qu’il s’agit de deux choses distinctes, ce qu’il a aussi fait valoir par courriel à La Tribune.

Le Ministère note que les résidus d’asphalte recyclé sont considérés comme une matière résiduelle au sens de la Loi sur la qualité de l’environnement. Il souligne que les concentrations en contaminants organiques peuvent être élevées.

« Lorsque l’asphalte est utilisé pour le revêtement de la chaussée, ce matériel est consolidé, ce qui limite la mobilité des composés organiques. Par contre, la mobilité et la disponibilité pour l’écosystème de ces composés augmentent lorsque les particules de revêtement ne sont plus liées, ce qui est précisément le cas pour les utilisations envisagées, car les résidus d’asphalte remplaceront des granulats. »

D’autres avis de non-conformité ont été signifiés ailleurs en région au cours de la dernière année pour le manquement aux articles 22 al.1 (8) et/ou 66 al.2 de la Loi sur la qualité de l’environnement, précise le Ministère. Ces manquements sont liés à « des activités d’entreposage ou de valorisation de résidus d’asphalte, de béton ou de briques sans autorisation ».

Jacques Lamontagne fermera l'accès de ses terres aux motoneigistes. Le chemin d'accès qu'il doit refaire servait notamment aux adeptes de motoneige.

Sentiers de motoneige fermés

Jacques Lamontagne permettait l’accès aux motoneigistes sur ses terres, ce qui représente quelques kilomètres de tronçon à Magog (jusqu’à 10 km environ), mais il a revu sa décision. Les motoneigistes se servaient du chemin d’accès.

« On a beau vouloir, les agriculteurs, mais quand c’est rendu qu’on ne peut pas pratiquer notre métier […] Je ne serai pas le cocu foncier des gouvernements. Je ne peux même plus m’en servir, pourquoi les autres pourraient le faire? » lance-t-il en disant avoir fait part de sa décision au Club des motoneigistes du Memphrémagog. Ces derniers ont été désolés d’apprendre cette nouvelle, fait-il valoir, mais comprenaient sa décision.

« C’est un très gros morceau pour Magog », a de son côté commenté le président du club, Patrick Côté. Les gens qui arrivent de Coaticook ou qui s’en vont dans cette direction seront bloqués, observe-t-il en indiquant qu’il s’agit de la Trans-Québec 55.

« On fait beaucoup de millage sur ses terres », note M. Côté, en soulignant que le club compte au total environ 80 km à Magog. Le territoire du club touche également Sainte-Catherine-de-Hatley et Eastman, notamment.