L’Ordre reste muet à l’appel de l’infirmière de Windsor

Malgré toutes ses démarches visant à dénoncer l'incohérence à laquelle elle et d'autres infirmières font face, Joëlle Cyr n'a reçu aucun retour de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).

Après avoir épuisé tous ses recours, et malgré une sortie médiatique qui a fait le tour du Québec, l’infirmière estrienne Joëlle Cyr continue de se buter à l’intransigeance de l’OIIQ (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec). Aucun permis restreint ne lui a été accordé, comme elle le réclame, malgré le besoin criant de personnel dans le réseau de la santé.


« Je n’ai rien reçu de l’Ordre, aucun appel, aucun courriel, malgré toutes mes démarches et toutes les entrevues médiatiques que j’ai données », soupire au téléphone l’infirmière de Windsor, qui compte 35 ans d’expérience, dont 27 à titre d’enseignante, et à qui l’OIIQ exige de retourner sur les bancs d’école si elle veut obtenir un nouveau permis d’exercice.

À la suite de la publication de notre article, plusieurs infirmières nous ont écrit, se disant outrées par la position de leur ordre professionnel.

« L’OIIQ m’a fait le même coup », indique Geneviève Guay, qui compte elle aussi 35 ans de métier et qui a répondu à l’appel du gouvernement durant la pandémie de COVID-19.

« Moi aussi on me demandait de retourner à l’école au Cégep, écrit-elle. J’ai pourtant travaillé au dépistage, ainsi qu’en CDE (clinique désignée d’évaluation) où nous avions à évaluer les patients et qu’il fallait être infirmière pour ce job. Mais l’OIIQ considère que le travail (plus de 1000 heures) que j’ai effectué pendant la pandémie n’est pas considéré comme du travail d’infirmière », déplore-t-elle.

« Au moment où 50% des étudiantes ne passent pas l’examen d’entrée à la profession - et combien ont passé sur la fesse avec un minimum de connaissances et compétences? -, l’OIIQ prive le réseau d’infirmières compétentes et expérimentées. », ajoute-t-elle en se disant prête à travailler en CLSC ou en CHSLD, ainsi qu’à « faire du remplacement de vacances et des fins de semaines pour aider. »

Désireuse elle aussi d’effectuer un retour à la profession, Tanya F déplore pour sa part les délais qui entourent une telle démarche. Elle dit avoir attendu un an avant d’obtenir ses résultats, pour ensuite connaître les cours d’actualisation qu’elle devra suivre pour obtenir à nouveau son permis d’exercice.

« Tout cela peut me prendre jusqu’à deux ans. Je suis un peu outrée de savoir qu’il manque des infirmières, que je suis diplômée et que c’est si difficile de faire un retour à la profession. Pour être bien honnête, rendue là, je ne suis même plus certaine de vouloir y retourner. Deux ans dans une vie de mère monoparentale, c’est très long. Bref je suis sincèrement déçue de la façon ont l’Ordre gère les choses. Et qu’on s’enfarge dans autant de paperasses et de procédures quand il y a un grand besoin en ce moment. »

« Ça n’a pas de bon sens! »

À la suite de notre article, l’ex-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Régine Laurent, s’est elle aussi portée à la défense de l’infirmière Joëlle Cyr.

« La mission de l’Ordre, on le sait, c’est la protection du public. Je ne remets pas ça en question. Par contre, ce qui me dérange, c’est cette rigidité », a déploré celle qui est aujourd’hui commentatrice à LCN.

« Il y a quelqu’un qui doit allumer des lumières à l’OIIQ. Cette infirmière-là est compétente. Et là on lui dit : ‘Retourne sur les bancs d’école à 65 ans ou va-t’en chez vous!’ Ça n’a pas de bon sens! »

—  Régine Laurent, ex-présidente de la FIQ

À son avis, l’OIIQ pourrait régler la situation de deux façons: soit en reconnaissant les 1000 heures de vaccination effectuées, ce qui permettrait à plusieurs infirmières de conserver leur permis d’exercice. Ou encore, l’OIIQ pourrait délivrer des permis restreints, permettant ainsi à Joëlle Cyr de continuer à travailler en photothérapie au CLSC Belvédère - comme elle le réclame - et où le manque de personnel entraîne des ruptures de services.

 Régine Laurent, ex-présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ).

« J’espère que la sortie de cette infirmière, qui met en lumière une aberration, pourra permettre d’ouvrir une réflexion et que l’OIIQ finira par s’adapter à la réalité d’aujourd’hui. Et si l’Ordre le fait, peut-être que d’autres infirmières, qui ont pris leur retraite au cours des dernières années, penseront à revenir dans le réseau si elles savent que les heures de vaccination seront prises en compte », souhaite-t-elle.

« On est quand même en 2023, le réseau de la santé a besoin de toutes les forces vives pour aujourd’hui et pour quelques années encore, rappelle Régine Laurent. Tant que l’Ordre des infirmières gardera la porte fermée à double tour à ces infirmières compétentes, qui étaient auprès des patients ces dernières années, nous sommes toutes et tous perdants.»

Appelé à réagir à la position de l’OIIQ, le syndicat des infirmières du Québec (la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec - FIQ) nous a répondu que « malgré de nombreux débats, la FIQ ne commentera pas ce dossier ».