Le centre-ville de Coaticook reprend vie

Le centre-ville de Coaticook avait plusieurs locaux vacants jusqu'à récemment, alors qu'une nouvelle vague d'ouverture de commerces revitalise l'endroit.

Après de nombreuses fermetures de commerces à Coaticook pendant la pandémie, une vague d’ouvertures redonne vie au centre-ville.


Le quartier commercial de la petite ville de 9000 personnes était devenu bien tranquille jusqu’à cette année, alors que les locaux vides se font désormais de plus en plus rares. Restaurants, boutiques, services, un vent de renouveau souffle sur le rues Child et Main.

Pour Julie Favreau, directrice générale de Rues Principales Coaticook, cet intérêt soudain pour le centre-ville témoigne entre autres de nombreuses années d’efforts de l’organisme paramunicipal qu’elle dirige pour embellir le secteur.

Selon Mme Favreau, la vague de fermetures de commerces et restaurants pendant la pandémie n’était pas signe que l’emplacement ne convenait pas. Elle croit que les règles associées à la pandémie ont précipité des fermetures. « Il y a beaucoup de départs à la retraite dans le lot. Est-ce qu’ils fermaient parce que ce n’était pas rentable, ou plutôt parce qu’ils étaient rendus là dans leur vie? Est-ce que la pandémie a un peu précipité les choses? Peut-être... », soulève-t-elle.

Contraintes reliées aux denrées périssables, pénurie de main-d’œuvre, les restaurants en particulier ont vécu des défis critiques, ajoute Mme Favreau. « Ce n’est pas parce que les clients ne sont pas au rendez-vous, on cherche même encore un restaurant à déjeuner, le marché est là. »

En 15 ans à la barre de Rues Principales Coaticook, Julie Favreau constate aussi que la vitalité économique connait des vagues, et que ce n’est pas la première qu’elle voit passer.

La rue Child est de plus en plus animée, alors que ses emplacements commerciaux trouvent preneurs et contribuent à une offre qui gagne en variété.

Quand des commerces ont fermé leurs portes, elle raconte qu’il a fallu être créatif pour maintenir les services à Coaticook. « On est allés sonner aux portes des commerces qui pouvaient reprendre une partie de l’offre. Le milieu s’est retroussé les manches. Maintenant, chez Home Hardware, par exemple, on vend des meubles et des électroménagers.»

Jean-Pierre Lefebvre, le propriétaire de la place J. R. Lefebvre, travaille excessivement fort pour combler ses espaces commerciaux. «On approche tous des commerces. On lance des lignes à l’eau, on rencontre des promoteurs... c’est du travail de longue haleine. »

Julie Favreau ajoute que « ça fait mal quand ça ferme, mais ça crée de l’espace pour du nouveau ». La directrice de Rues Principales Coaticook n’imagine pas attirer les grandes chaînes dans sa municipalité d’un peu plus de 9000 habitants, mais croit qu’il faut miser sur de plus petites bannières ou des commerces indépendants. « Il faudrait que la population double, triple, quadruple, même, pour qu’on puisse ravoir un Canadian Tire ou pour attirer un Walmart. Mais on a la possibilité d’avoir autre chose, un peu de tout. »

Le Café central fait partie des commerces qui ont fermé leurs portes pendant la pandémie. Il s'agit de l'un des derniers locaux vacants sur la rue Child.

Des efforts qui portent fruit

C’est plus d’une dizaine de nouveaux commerces, services et restaurants qui ont vu le jour au cours des derniers mois à Coaticook. « Ça nous fait vraiment plaisir de voir la diversité », souligne Julie Favreau.

« C’est l’apport de Rues Principales Coaticook, Tourisme Coaticook, la MRC, c’est aussi le travail qu’on fait tous en vantant le milieu de vie, la promotion pour le milieu... avec l’addition de tous les efforts, ça donne des résultats », continue-t-elle.

Le centre-ville, qui a fait peau neuve en 2013 avec le pavage de la rue Child, a aussi été l’objet d’un programme de revitalisation depuis 2008. « Il y a eu un effort pour revitaliser les façades des commerces. Il y a 72 façades restaurées depuis 2008, ç'a un impact majeur », soutient Mme Favreau. Selon elle, la beauté des lieux compte beaucoup pour attirer à la fois les commerçants et les visiteurs.

Ils ont choisi Coaticook

Le Panache boissons et gourmandises a ouvert ses portes dans le centre commercial Les Perles de l’Estrie pendant la pandémie. Catherine Foucher et Kelly Leblond sont copropriétaires. « J’avais déjà ouvert une boutique de boissons pour emporter pendant la pandémie et je voulais m’ajuster à la demande des clients qui voulaient avoir quelque chose à manger », dit Catherine Foucher. Le bar à jus, boissons faibles en sucre et thés énergisants nommé Velou-Thé a alors changé de nom pour Le Panache boissons et gourmandises et a officiellement ouvert ses portes en avril, avec une offre bonifiée de pâtisseries variées.

Catherine Foucher et Kelly Leblond, Le Panache boissons et gourmandises.

Sur la rue Main, deux commerces partagent le même local. Thé et Bulles chez Daisy, une boutique spécialisée de thé à bulles et bonbons exotiques, accueille les amateurs de curiosités. « On est tout près de la maison des jeunes », soulignent les propriétaires Jessie Fletcher et Marilyne Tremblay. Particulièrement sensibles aux tendances tiktok, elles tiennent en magasin, en plus de leurs bonbons, des cornichons, des nouilles ramen et font aussi des cafés torréfiés localement.

Jessie Fletcher et Marilyne Tremblay Thé et bulles chez Daisy

Au fond du local, un rideau cache l’entrée d’un second commerce, la boutique Chez Porky. Propriété de Jessie Fletcher depuis 2022, le commerce anciennement situé à Compton se spécialise dans les articles pour fumeurs et vapoteurs ainsi que dans les produits érotiques. « On n’avait pas ça dans la région et je voulais démocratiser le milieu du cannabis. On a une SQDC à Coaticook, c’est bien qu’on puisse parler du cannabis. »

L’enseigne de chez Porky a été inspirée par un animal que Jessie Fletcher connaissait bien: « Mon chum et moi on habite sur une ferme porcine, et c’est un petit cochon aux yeux rouges qui nous a donné l’idée pour notre logo », dit-elle. Jessie Fletcher et Maryline Tremblay assurent que les affaires vont bien depuis leur ouverture en juillet et que leur association permet d’amortir les frais de loyer et de commencer à petite échelle.

Jessie Fletcher de la  boutique Chez Porky.

Sur la rue Child, les Loleries ont ouvert en octobre 2022. La boutique d’objets d’arts, de cadeaux, de décoration et d’art de vivre détenu par Laurence Trudel, elle-même artiste, sent bon jusque dans la rue. L’endroit fait aussi office d’atelier. Savons, vitraux, macramé, poterie, bijoux, caramels, les produits tous québécois sont extrêmement variés. « Je faisais un bazar chez moi et ça fonctionnait. Alors quand j’ai vu le local à louer, je me suis dit que c’était pour moi qui rêvais d’avoir une boutique », dit-elle.

Laurence Trudel est agréablement surprise de la réponse des clients à son nouveau commerce. « Je pensais qu’il y aurait plus de touristes, mais finalement c’est vraiment la population locale qui m’encourage. » Laurence Trudel élabore des partenariats avec des artistes de la région pour développer des produits uniques et donne des cours et ateliers. Elle souligne la solidarité entre commerçants dans le centre-ville, alors que chacun réfère ses client aux autres.

Laurence Trudel, Les Loleries

Après la fermeture du magasin Korvette à la place J. R. Lefebvre en 2022, l’espace vacant a été repris par Maison en Gros en mars 2023. Propriété des magasins Hart, la chaîne d’articles de décoration, ameublement et accessoires de maison connait un beau succès, selon sa gérante Lyne Leduc. Celle-ci, ainsi que la majeure partie de son équipe, travaillaient précédemment chez Korvette. « On a une clientèle différente, mais ça fonctionne. Il y a un bel effet de nouveauté qui attire les gens des villages autour », souligne-t-elle. Elle ajoute qu’avec l’ouverture de nombreux commerces à Coaticook, elle constate que son commerce est, lui aussi, de plus en plus vivant.

Lyne Leduc, gérante chez Maison en Gros

La boutique de vêtements pour femme Marise a risqué gros en ouvrant en avril 2022, en plein coeur de la pandémie, alors que les fermetures s’additionnaient autour. Il a fallu que l’équipe soit créative pour faire connaître l’entreprise située au deuxième étage de la place J. R. Lefebvre. Panneaux à la hauteur de la rue, lancement radio, appels aux clients « Il faut montrer qu’on est là, mais depuis le début, j’y crois », dit la gérante Valérie Martiaux. Selon elle, les efforts portent fruit. « Ça avance dans le bon sens. Et maintenant, tout se loue dans le secteur. On avait besoin de ça. »

Valérie Martiaux, boutique chez Marise

Meg-Ann Côté possède un petit restaurant Nommé Lilas & Aïoli sur la rue Child. Au mur trône l’ancienne enseigne d’O’Bagels, en souvenir de ses prédécesseurs qui ont fermé leurs portes avant de lui céder la place. Inspiré par la fleur préférée de sa mère et une mayonnaise à l’ail, le nom du commerce est à l’image de la variété de ce que sert la restauratrice. « Je fais des déjeuners traditionnels, des pâtisseries maison, des sandwichs et j’ai un menu du midi », dit celle qui a grandi à Coaticook et ouvert son restaurant en décembre dernier.

Meg-Ann Côté, Lilas & Aïoli

Sur la rue Main, une boutique d’antiquités vient d’ouvrir ses portes. Dehors, quelques objets à la porte font office d’accueil. Aucune affiche, pas de nom encore pour un commerce à peine naissant, mais l’antiquaire Jose Maria Garcia ne s’en formalise pas. Entre quelques anecdotes sur son passé de toréador et une histoire abracadabrante sur l’un de ses articles, il affirme qu’il n’a pas trouvé l’endroit pour ouvrir boutique, que c’est l’endroit qui l’a trouvé, lui. Il souligne le contact exceptionnel avec ses clients qui rend ses journées mémorables.

Jose Maria Garcia, antiquaire

Espace de jeux et boutique de consoles, jeux de société, modèles réduits et multiples autres produits de divertissement, la Taverne du gamer située sur la rue Child est la propriété des deux frères Simon et Vincent Proulx. Ceux-ci ont ouvert en mars, et ils ont un autre point de service à Stanstead depuis 2020. « Notre magasin nous représente beaucoup. Pourquoi une taverne? On ne sert pas d’alcool ici. On se sert du terme pour désigner un lieu de rassemblement », dit Vincent Proulx. Les tournois de toupies Beyblade, qui attirent aussi bien des jeunes que des adultes, sont particulièrement rassembleurs, affirment les deux frères qui ont choisi Coaticook pour son achalandage un peu plus fort qu’à Stanstead.

Simon et Vincent Proulx, La Taverne du gamer

Au comptoir de la Rôtisserie Charlie Coq, les menus sont affichés sur des écrans, comme dans les grandes chaînes de poulet rôti. Le propriétaire Charles-Philippe Massé, de Magog, a saisi l’occasion d’ouvrir son restaurant lors de la vague de fermetures. « C’était une occasion, il y avait de la place, ça comble une demande. Le poulet, ça rejoint un peu tout le monde et les gens reprennent l’habitude d’aller au restaurant », croit-il. Les affaires vont bien depuis son ouverture en avril, si bien qu’il songe à ouvrir un second restaurant ailleurs.

Charles-Philippe Massé, Rôtisserie Charlie Coq

Aux Galeries des Cantons, un nouveau restaurant a fait son apparition en avril. Il s’agit de Monsieur Chef, qui a remplacé le buffet asiatique qui occupait les lieux auparavant. Le restaurant garde une spécialité asiatique avec de nouveaux propriétaires, mais cette fois-ci, le service se fait aux tables. La gérante Jing Xu croit que son restaurant a encore du chemin à faire dans le coeur des Coaticookois. « Il faut leur donner le temps pour essayer de nouveaux produits, il n’y a pas beaucoup de restaurants asiatiques par ici », indique-t-elle, confiante que les plats de son chef, Chimig Lai, sauront plaire à ceux qui viennent les essayer.

Jing Xu, gérante chez Monsieur Chef

De retour sur la rue Child, les trois soeurs Verushchka Vera, Lissa Gustave et Maria Vera ont ouvert la galerie d’art CAAZ en octobre. Elles y tiennent des oeuvres d’artistes originaires de partout dans le monde ainsi que de l’artisanat, dont les tricots de leur mère Angela Gonzalez. Ce qui les a fait choisir Coaticook pour ouvrir leur galerie? « C’était tellement beau, l’architecture, l’ambiance, on a eu un coup de foudre! » dit Maria Vera, en précisant que les trois partenaires viennent de Stanstead.

Lissa Gustave, Verushcka Vera et Maria Vera avec les créations de leur mère à la galerie CAAZ

Le 4e lieu est un salon de barbier ouvert par Simon Champagne. La demande est telle qu’il songe à embaucher pour arriver à répondre aux appels. « Ça fait seulement quatre mois que c’est ouvert et je suis toujours complet. J’aimerais fonctionner à deux chaises », dit celui qui espère trouver un second barbier compétent. Selon Simon Champagne, le bouche-à-oreille et le lancement de son commerce ont suffi à garnir ses listes d’attente. « Mes clients allaient à Sherbrooke. »

Simon Champagne au 4e lieu avec son client fidèle Keven Mongeau