Près d’un élève sur deux n’a pas un cheminement normal, estiment les enseignants

Près d’un élève sur deux n’a pas un cheminement normal, déplore Richard Bergevin, président du Syndicat de l'enseignement de l'Estrie.

Les enseignants des trois centres de services scolaires en Estrie estiment qu’environ un élève du primaire sur deux n’a pas un cheminement normal pour son âge et son niveau scolaire.


Des représentants du Syndicat de l’enseignement de l’Estrie (SEE-CSQ) ont illustré, mardi matin devant les bureaux du Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke (CSSRS), les problèmes reliés à la composition des groupes. Des panneaux verts, jaunes et rouges ont été installés pour simuler une salle de classe afin de montrer les difficultés vécues dans une classe régulière. La proportion d’élèves à besoins normaux (vert), à besoins fréquents (jaune) et à besoins constants (rouge) a été mise en lumière.

En moyenne dans une classe de 26 élèves au CSSRS, on retrouve treize élèves progressant normalement, neuf élèves ayant besoin d’interventions fréquentes et quatre élèves devant constamment avoir du soutien, selon le SEE. De plus, en moyenne, les enseignants doivent travailler quotidiennement avec six élèves avec des plans d’intervention, sept enfants en difficulté et cinq élèves ayant des mesures d’adaptation.



Des représentants du Syndicat de l'enseignement de l'Estrie se sont regroupés devant les bureaux du Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke mardi matin afin d'illustrer les enjeux entourant la composition des classes.

Projets particuliers

La composition des classes est notamment influencée par des projets particuliers comme le programme Santé globale, les concentrations en musique ou les programmes sport-études. « Cela regroupe les élèves plus performants dans une classe. Il y a donc moins de vert (élèves à besoins normaux) et plus de rouge dans les classes régulières. L’organisation scolaire et les projets particuliers apportent cette contrainte. Ce sont des décisions d’écoles. Il faut essayer d’arriver à un équilibre dans les classes régulières », explique Richard Bergevin, président du SEE, en réclamant de l’aide supplémentaire.

Davantage de classes spécialisées devraient aussi voir le jour selon le syndicat. « Certains élèves ne devraient pas nécessairement être dans une classe régulière. Ils ont besoin de services spécialisés et ils apportent une contrainte excessive dans la classe qui fait en sorte que l’enseignant n’est pas capable de se concentrer à enseigner normalement aux autres élèves. »

Il s’agissait de la première action de visibilité du SEE lors des actuelles négociations. D’autres mobilisations auront lieu dans les prochaines semaines. Une manifestation est prévue à Québec le 10 juin.

Daniel Jobin enseigne depuis 28 ans à l’école secondaire La Ruche située à Magog. Depuis janvier, il se concentre à des fonctions syndicales. Depuis ses débuts à titre d’enseignant, il a vu son travail évoluer. Il y a notamment plus de pression, selon lui, pour que tous les élèves réussissent. « Ce n’est pas négatif. C’est beaucoup de travail supplémentaire et de concertation. Les élèves, qui avant on laissait aller en disant c’est la vie, maintenant ça ne se fait plus. Parfois, tu pousses plus que l’élève le veut et même que le parent. Tu as un stress qu’on n’avait pas à l’époque. [...] C’est une différence majeure d’il y a 25 ans. »



Depuis quelques années, M. Jobin ressent une fatigue généralisée chez ses collègues. Il raconte que plusieurs enseignants prennent des allégements de tâche notamment en travaillant à 80 % afin de « travailler l’équivalent d’un 100 % ». « Ils se privent de 20 % de salaire juste pour pouvoir faire leur job à 100 % en matière de temps [...] Ils profitent de leur journée de congé pour se mettre à jour dans leurs affaires à la maison. »

Ce n’est pas une illusion, de nombreux enseignants ont décidé de se réorienter dans les dernières années, soutient-il.

« Le système fait en sorte qu’ils quittent. »

—  L'enseignant et secrétaire-trésorier au SEE, Daniel Jobin

D’autres enseignants partent prématurément vers la retraite, et ce, même s’ils devront essuyer les pénalités pour le reste de leur vie, mentionne l’enseignant d’histoire.

À ses yeux, les négociations stagnent à l’heure actuelle.

Richard Bergevin partage le même avis. « Le sentiment de la partie syndicale est que le gouvernement nous pousse à aller vers des moyens de pression plus lourds pour que le conflit s’envenime. »

Le processus de médiation pour obtenir le droit de grève s’entamera, indique M. Bergevin. « On ne veut pas avoir à faire la grève. Ce qu’on souhaite, c’est un gouvernement qui va négocier avec nous. »



Des actions de visibilité ont aussi été organisées devant les bureaux des Centres de services scolaires des Sommets et des Hauts-Cantons. Elles s’ancraient dans une mobilisation nationale alors que des membres de la Fédération des syndicats de l’enseignement, affiliée à la CSQ, se sont rassemblés à l’Assemblée nationale pour sensibiliser les députés à l’enjeu de la composition des classes.

La convention collection du personnel enseignant est échue depuis le 1er avril.