C’est ce que craignent deux des plus importants promoteurs immobiliers sherbrookois à qui La Tribune a demandé leur avis au sujet du Plan adopté par le conseil municipal, mardi soir.
Sans être opposé à ce que la Ville se dote d’un Plan nature, Roland Mongeau, des Entreprises Bimon, voit dans la version adoptée mardi « une autre entrave au développement » après l’adoption du règlement 1204, adopté il y a un an, et qui impose un partage des coûts dans la construction de certaines infrastructures entre la Ville et les promoteurs.
Selon lui, en réduisant la superficie du territoire destinée à l’habitation, le Plan nature aura pour effet d’augmenter considérablement le prix des terrains sur lesquels il sera permis de construire.
« À l’heure actuelle, à Sherbrooke, les terrains se vendent autour de 20 $ le pied carré. Une fois le Plan nature implanté, avec tous les terrains sur lesquels on ne pourra plus construire, je ne serais pas surpris de voir les prix augmenter à 30 $ ou 35 $ du pied carré d’ici quelques années, dit-il. On va rejoindre les prix de la Rive-Sud dans pas long », prédit l’entrepreneur derrière le développement du Carré Belvédère et du Carré Watson.
Une opinion que partage Patrick Lachance, des Entreprises Lachance, en rappelant que Sherbrooke vit une crise importante du logement compte tenu que l’offre reste inférieure à la demande.
« Il manque actuellement 2800 logements à Sherbrooke. Pour atteindre un point d’équilibre entre l’offre et la demande, il faudrait en construire environ 2000 par année. Or, avec ce qui est proposé dans le Plan nature, on va passer au travers (des terrains disponibles) dans quelques années. »
Selon les deux promoteurs, l’augmentation de la valeur des terrains touchera aussi les propriétaires actuels.
« Ce qu’on voit depuis habituellement, c’est que lorsque le prix du neuf augmente, le prix de l’usager ou de l’existant suit quelques temps après. »
Alors que le Plan nature vise à prévenir l’étalement urbain, celui-ci risque plutôt d’entraîner « un étalement interurbain », croient les deux promoteurs. Une fois tous les terrains vendus, Patrick Lachance prévoit un intérêt marqué pour les terrains situés en périphérie, notamment à Windsor, East Angus et Waterville.
Selon lui, l’impact du Plan nature visant à protéger l’environnement pourrait du même coup s’en trouver amoindri.
« Je comprends que la Ville veut densifier son territoire, mais ce n’est pas tout le monde qui est prêt à vivre dans une tour de six ou sept étages », précise Roland Mongeau.
« Les arbres qu’on ne coupera pas à Sherbrooke, on va les couper à Windsor, à Waterville et à East Angus, ajoute Patrick Lachance. Et les gens vont devoir utiliser leur voiture pour venir à Sherbrooke, avec ce que ça implique de gaz à effet de serre, d’usure et d’accidents et ainsi de suite… ». Malgré la grogne, le président de l’Association professionnelle des constructeurs d’habitations du Québec section Estrie (APCHQ-Estrie), François Lajeunesse, se dit « content » de pouvoir enfin travailler avec une version finale du Plan nature, après le rejet d’une première mouture, ce qui avait entraîné des délais pour de nombreux projets.
L’APCHQ-Estrie prône le dialogue
L’APCHQ-Estrie estime que les promoteurs immobiliers ont maintenant tout intérêt à s’entendre avec la Ville dans la mise en place du nouveau Plan.
Selon son président, M. Lajeunesse, les intérêts de la Ville et ceux des promoteurs ne sont pas incompatibles en tenant compte du Plan nature.
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« Les promoteurs, ce ne sont pas des gens qui veulent détruire la nature à tout prix. Et je ne pense pas que les villes veulent conserver la nature à tout prix. Il faut apprendre à cohabiter. Que ce soit avec la nature ou avec les résidents, il y a assurément un équilibre à trouver. »
Concernant de possibles poursuites judiciaires, François Lajeunesse reconnaît le droit des promoteurs de défendre leurs intérêts. Mais l’organisme invite d’abord les promoteurs à explorer la voie du dialogue avec la Ville, qu’il préfère voir comme « une alliée » des promoteurs.
Chaque promoteur a le droit, s’il estime avoir subi des préjudices, d’intenter une poursuite, convient-il.
« Mais ce n’est pas en s’envoyant des poursuites qu’on va mettre en place un climat de discussion pour en arriver à une façon de faire. Les poursuites, c’est ultime. »
— François Lajeunesse, président de l'APCHQ-Estrie
François Lajeunesse tient aussi à rappeler que « c’est le gouvernement provincial qui a imposé aux villes de faire un Plan nature ». Par contre, en ce qui concerne la proportion de 45 % du territoire protégé, il reconnaît que celle-ci devrait faire l’objet d’une analyse plus approfondie.
« Si la Ville a décidé d’être plus conservatrice que ce qui lui était imposé, c’est correct. Mais on va devoir faire la part des choses. On va devoir valider si c’est excessif, déraisonnable ou irréalisable. Il y a des discussions à avoir là-dessus, c’est clair. »