Les 17 employés du Mélodia perdent leur emploi

Demain, les résidants du Mélodia se lèveront entourés de nouveaux visages.

Les 17 employés du Mélodia, cette ressource intermédiaire qui loge des personnes vivant avec des déficiences intellectuelles, ont perdu leur emploi jeudi. La résidence passe aux mains du CIUSSS de l’Estrie-CHUS et déjà, le manque de communication se fait sentir, estime la sœur d’un résidant.


Carole Lemieux est curatrice de son frère qui vit avec la trisomie. Celui-ci réside à cette résidence depuis le 6 décembre dernier. « Il adore le personnel. Depuis qu’il est à cette résidence, les accompagnatrices m’appellent régulièrement pour que je puisse lui parler, raconte-t-elle. C’est la première fois de ma vie, parmi tous les établissements dans lesquels il est passé, que j’ai des nouvelles de lui régulièrement. »

Mme Lemieux a su il y a un mois que l’aventure avec le Groupe de santé Arbec – l’entreprise qui possède actuellement le Mélodia – tirait à sa fin.



Les démarches pour avoir des informations ont été longues pour Carole Lemieux. Celle-ci a tenté d’entrer en contact avec le CIUSSS durant trois semaines. Elle a finalement reçu un coup de fil mercredi matin... un peu plus de 24 heures avant que la ressource change de main. « On m’a dit que mon frère allait résider là temporairement et qu’un traiteur allait s’occuper de la nourriture durant la transition », décrit-elle en entrevue téléphonique à La Tribune jeudi matin.

« C’est épouvantable. Il n’y a pas de stabilité. Mon frère commençait à être stable à cet endroit. »

—  Carole Lemieux

Julie Pearson, directrice adjointe des programmes en déficience physique, déficience intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme au CIUSSS de l’Estrie-CHUS, assure que la quinzaine d’usagers du Mélodia y demeurera... pour un an. À moins qu’une ressource leur convienne mieux.

« On a signé un bail d’un an avec le propriétaire de la bâtisse pour voir la suite avec ces usagers, explique-t-elle. On va refaire des appels d’offres pour pouvoir trouver des promoteurs qui aimeraient s’investir auprès de cette clientèle. Mais l’idée est de s’assurer que les usagers soient au bon endroit pour répondre à leurs besoins ».

Est-ce que la ressource intermédiaire existera encore dans un an? « Il y a des besoins. On veut développer cette offre. On est certains de refaire des appels d’offres », répond Mme Pearson.



Impacts

Le frère de Carole Lemieux, qui a l’âge mental d’un bambin, sera déboussolé lorsqu’il se réveillera entouré de nouvelles personnes vendredi, croit Carole Lemieux. « Je n’ai pas hâte de voir sa réaction », s’attriste-t-elle.

Mme Pearson ne peut pas garantir qu’il n’y aura pas d’impacts, concède-t-elle. « On essaie de les diminuer le plus possible. C’est certain que nos usagers ont besoin de stabilité. On a pensé mettre certains visages connus pour la fin de semaine pour assurer cette transition. Cependant, c’est vrai qu’il y aura de nouveaux visages. C’est pourquoi nous sommes en train de tout mettre en place pour que [les employés] connaissent ces usagers et soient en mesure de connaître ce qui fonctionne bien avec eux pour que les gens qui en prennent soin soient adaptés », décrit la directrice adjointe.

Mme Pearson avoue également que le CIUSSS a connu « quelques enjeux » de communication avec les proches des usagers. « On a eu des absences de personnel qui devaient faire les appels, explique-t-elle. Mais les appels ont tous été complétés, les familles ont été rejointes. Aussi, on fait de grands changements dans une période de vacances, ce qui n’est pas facile. »

Fin d’un chapitre

Une actuelle employée du Mélodia, qui désire taire son identité par risque de représailles, a perdu son emploi dans les dernières heures. Elle a été surprise de lire l’article de La Tribune la semaine dernière où le CIUSSS indiquait que la transition allait se passer en douceur.

« C’est zéro vrai, témoigne-t-elle. Je termine le 31 août à minuit et le lendemain, les résidents vont se lever avec du nouveau personnel. Il y aura peut-être une ou deux personnes du CIUSSS qu’ils connaissent, mais sinon, ce sera des nouveaux visages. »

« Ces personnes ont des difficultés d’adaptation et d’attachement », note l’employée.



« Moi, perdre mon emploi, c’est correct. Je fais avec. Mais j’ai à cœur le bien-être de mes résidants. Et ça me touche de voir qu’ils seront encore une fois dans cette situation. »

—  Employée du Mélodia

L’employée s’attriste de n’avoir eu aucune proposition du CIUSSS pour garder son emploi. « De toute façon, ce n’est pas tout le monde qui a le cours complet de préposé aux bénéficiaires. Mais nous avons tous nos formations de RCR, PDSB et sur la loi 90 pour donner les médicaments. Ça fait un an qu’on s’occupe de nos résidants, mais selon le CIUSSS, on n’a pas les compétences pour travailler pour eux », dit celle qui cherche actuellement un emploi.

De son côté, Julie Pearson affirme que le CIUSSS « a toujours des besoins » en ressources humaines. « On a passé le message à notre partenaire que si jamais ces employés ne pouvaient pas se retrouver un emploi avec eux, les candidatures de ces employés étaient les bienvenues », confirme-t-elle.

Cependant, ces candidats n’auraient pas la garantie de travailler au Mélodia. « On va regarder leurs profils et les besoins de l’organisation. Mais je peux dire qu’il y a des besoins au Mélodia pour compléter les équipes », dit Mme Pearson, assurant cependant avoir l’effectif nécessaire « pour assurer la sécurité des usagers ».

Et le cours officiel de préposé aux bénéficiaires n’est pas nécessaire, car « plusieurs types d’emploi » sont recherchés.

Christine Labrie interpellée

La députée de Sherbrooke, Christine Labrie, a été interpellée par Mme Lemieux au sujet des problèmes de communications de l’institution avec les familles d’usagers. « Nous l’avons orientée vers une plainte, puisque ce n’est pas normal qu’un proche aidant ne soit pas capable d’avoir de l’information », réagit-elle, ajoutant que c’est la seule façon de documenter ce problème et de s’assurer d’un suivi par le CIUSSS.

Mme Labrie n’est pas inquiète par la qualité des soins et des services qui seront livrés par le CIUSSS. « C’est certain que ça va prendre une stabilité à plus long terme [du côté du personnel] », met-elle en garde.

« [Les employés actuels] peuvent tout à fait postuler. Ce serait préférable, comme ils connaissent les locaux et les résidents, de les prioriser pour les embaucher dans cette ressource-là. Malheureusement, l’employeur est le CIUSSS et est tentaculaire. La crainte que j’ai, c’est qu’ils doivent postuler pour des postes génériques qui ne seront pas spécifiquement dans cette ressource », dit-elle, ajoutant que cette situation est « déplorable » pour les membres du personnel.

« On doit cette situation au mode de gestion et d’organisation du réseau de la santé qui n’est pas prêt à se simplifier avec le projet de loi 15, dénonce Christine Labrie. [...] S’il y avait une autonomie locale dans l’organisation de chaque ressource, ça aurait été plus facile de garder les mêmes personnes en place. »