Le feu, un élément vital dans la forêt boréale

Les feux de forêts font partie de la dynamique naturelle en forêt boréale.

Le feu est une catastrophe lorsqu’elle touche les infrastructures humaines et pour l’industrie forestière. Il fait toutefois partie de la dynamique naturelle de la forêt boréale depuis des millénaires, alors que certaines espèces ont besoin du feu pour se reproduire ou pour se nourrir. Des feux successifs pourraient toutefois faire mal aux forêts québécoises.


« Les feux ont toujours été présents en forêt boréale et ils fluctuent en fonction du climat », remarque d’emblée Yan Boucher, professeur au département des sciences fondamentales à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Au cours des 50 dernières années, et plus particulièrement au cours des 10 dernières, il y a eu très peu de grands feux, si l’on compare à la fin du 19e siècle ou au début du 20e siècle, selon l’expert de la dynamique forestière. À l’heure actuelle, il y aurait près de 250 000 hectares de forêts brûlées, alors que 900 000 d’hectares ont brûlé en 1915, une des plus grosses années enregistrées.

« Ce n’est pas une saison anormale pour l’instant », ajoute Yan Boucher, en précisant que la saison estivale ne fait que commencer. Selon ce dernier, il faut étudier la dynamique des feux sur une très longue période, à l’échelle du millénaire, pour bien comprendre les dynamiques.

Les feux de forêt font partie de la dynamique naturelle en forêt boréale.

« La composition forestière est régie par les feux », dit-il. Par exemple, si on se promène dans une forêt dominée par le sapin, ça veut dire qu’il n’y a pas eu de feu dans ce secteur depuis longtemps, soit souvent plus de 200 ans. On retrouve notamment de vieilles sapinières qui n’ont pas brûlé depuis 5000 ans sur les monts Valin, remarque l’expert.

Paradoxalement, le feu ravage très peu les secteurs ravagés par tordeuse des bourgeons de l’épinette, remarque pour sa part Hubert Morin, professeur d’écologie forestière à l’UQAC.

« Au printemps, on voit principalement des feux de cime, qui brûlent les aiguilles et les petites branches. Dans une forêt défoliée, il n’y a rien à brûler », affirme-t-il avant d’ajouter que les gros feux ravagent tout sur leur passage. Malgré les débris au sol qui peuvent favoriser l’allumage, les troncs à l’air desséchés demeurent très humides.

Les espèces pyrophiles

Dans les secteurs où un feu a sévi, on verra plutôt beaucoup de pins gris, des épinettes noires et des peupliers faux-trembles, trois espèces bien adaptées aux feux. « Le pin gris a besoin du feu pour se régénérer, note Yan Boucher. Après 200 ans sans feux, l’espèce diminue jusqu’à disparaître ». À peine 5 à 10 ans après un incendie, un pin gris produit déjà des graines viables.

Une vieille forêt dans les monts Valins.

L’épinette noire est pour sa part une espèce polyvalente qui sait s’adapter à plusieurs milieux. « Elle peut occuper des sols secs ou humides, elle pousse sur caps de roches et elle tolère des environnements avec ou sans feux. Elle peut aussi se reproduire par marcottage, alors que les branches basses, enfouies dans le sol, vont créer des clones. Ça fait en sorte que c’est une espèce résiliente qui peut perdurer des milliers d’années sans feu ». Lorsqu’il brûle, l’arbre meurt, mais il libère des milliers de graines qui germent sur le parterre de la forêt.

Cette capacité à s’adapter à différents secteurs fait en sorte que l’on retrouve d’énormes forêts monospécifiques où l’épinette noire domine de l’Ontario jusqu’à Terre-Neuve.

Un danger pour les forêts québécoises

Deux feux rapprochés peuvent toutefois rayer l’épinette noire de la carte, car l’arbre prend de 30 à 50 ans avant de produire des graines viables. « Il peut y avoir un accident de régénération quand deux feux rapprochés surviennent, indique Yan Boucher. Selon certains scénarios, la fréquence des feux sera plus élevée dans le futur ».

Par exemple, le cycle de feu est de 150 ans au Saguenay-Lac-Saint-Jean, soit la période de temps nécessaire pour brûler la superficie de la région. En 2100, le cycle pourrait être de 50 à 60 ans.

« Avec les feux et les coupes forestières, les grands paysages forestiers ont rajeuni avec le temps, ce qui fait en sorte que nos forêts sont plus jeunes, note-t-il. Statistiquement, les prochains feux ont plus de chance de frapper une forêt jeune et de produire des accidents de régénération ». Des secteurs de forêts d’épinette noire seraient alors transformés en landes forestières, où l’on retrouve seulement des arbustes et des éricacées.

L'épinette noire recouvre de vaste secteurs de la forêt boréale.

Certaines variables climatiques du futur sont toutefois difficiles à prédire et c’est notamment le cas pour l’humidité. Certains chercheurs croient que le Québec pourrait être un refuge aux feux, en conservant une plus grande humidité que dans l’Ouest canadien, remarque Yan Boucher.

Reste à voir si la fréquence des feux augmentera réellement. Mais si c’est le cas, il faudra être prêt à intervenir pour régénérer des secteurs si l’on veut garder le couvert forestier actuel.