Une clinique virtuelle d’autosoins en santé mentale se développe en Estrie

Une personne sur cinq vit des troubles dépressifs ou anxieux chaque année. La clinique virtuelle d'autosoins ēquilia vise à s'attaquer à cette problématique.

Avec en trame de fond des listes d’attente toujours plus longues en santé mentale, un nouveau projet de recherche visant à développer une clinique virtuelle gratuite d’autosoins en santé mentale a récemment vu le jour en Estrie. La plateforme ēquilia est présentement utilisée par une centaine d’Estriens, mais l’objectif, à terme, est d’en faire bénéficier des patients aux quatre coins du Canada.


À la tête de l’équipe qui développe la clinique virtuelle, qui n’est à ce stade pas un nouveau service offert par le CIUSSS de l’Estrie-CHUS, mais bien un projet de recherche, la professeure de l’Université de Sherbrooke Pasquale Roberge ne cache pas son enthousiasme par rapport à ēquilia.

Cette plateforme, explique-t-elle, est une adaptation de la clinique virtuelle australienne This way up, créée en 1998 par une équipe de l’hôpital St-Vincent’s, à Sydney.



« Les programmes d’ēquilia sont basés sur la thérapie cognitive comportementale, qui est une approche de psychothérapie dont les bienfaits sont bien documentés depuis plusieurs années pour l’anxiété et la dépression. Comme on le sait, ça peut être difficile d’accéder à de tels services dans le réseau de la santé actuellement, donc ce qui est intéressant avec ēquilia, c’est qu’en un seul clic les gens peuvent se connecter à la plateforme et bénéficier de soins de qualité », indique la Pre Roberge.

La plateforme propose des programmes s’étirant sur trois mois et divisés en six leçons chacun. Les patients suivent deux personnages fictifs à travers leur utilisation de stratégies de thérapie cognitive comportementale. Le tout est donc assez simple à comprendre pour l’ensemble des usagers, fait valoir la professeure. Après les leçons, des plans d’action, des devoirs et des suivis sous forme de sondages sont proposés aux utilisateurs.

La clinique ēquilia se retrouve donc, depuis novembre 2022, dans sa première phase d’implantation. « Plus d’une centaine de personnes » se sont inscrites en Estrie, relate Pasquale Roberge. En ce moment, un seul programme, qui vise les troubles anxio-dépressifs, est disponible et l’accès à la plateforme est limité aux résidents de l’Estrie qui se sont inscrits au projet de recherche.

Sans pouvoir s’avancer sur les résultats concrets du projet de recherche actuel, du fait de sa courte durée de vie, la Pre Roberge souligne que tout se déroule très bien jusqu’à maintenant.



Lors du déploiement à plus large échelle d’ēquilia, un partenariat avec l’hôpital Montfort, en Ontario, permettra aux communautés francophones de cette province de bénéficier de la clinique virtuelle. L’objectif de la Pre Roberge et son équipe est néanmoins de déployer la plateforme partout au Canada, en français et en anglais. Aucun échéancier n’est toutefois connu pour un tel déploiement.

La professeure Pasquale Roberge chapeaute le projet de recherche de la clinique virtuelle.

Une approche intéressante

Pasquale Roberge n’a pas la prétention que la clinique virtuelle ēquilia pourra régler tous les problèmes relatifs aux troubles de santé mentale. Elle croit toutefois que cette approche d’autosoins peut être particulièrement utile, que ce soit pour traiter des symptômes légers ou en complément à des traitements conventionnels pour des cas un peu plus graves.

« Ce qu’on voit dans la littérature, c’est qu’une personne qui a des symptômes légers à modérés peut réaliser un programme comme ça de manière autonome et en tirer de grands bénéfices. Pour quelqu’un qui a des symptômes plus graves, ce serait préférable de l’utiliser avec un accompagnement d’un clinicien qui va soutenir l’engagement au programme et aider le patient à réaliser certains exercices », précise la professeure.

Car en plus des usagers, la plateforme ēquilia permettra aussi à des professionnels de la santé de s’inscrire à la clinique pour y recommander des patients et les y inscrire afin de suivre leur cheminement. Une formation est même offerte à ces cliniciens pour bien accompagner leurs patients sur ēquilia.

« Ce qu’on veut, c’est offrir une valeur ajoutée, un complément à ce qui existe déjà. Environ une personne sur cinq vit des troubles anxieux ou dépressifs chaque année. C’est énorme et c’est pourquoi il est important d’agir tôt. C’est donc l’un de nos objectifs : d’être là en complément à une intervention pharmacologique ou de soutenir une personne qui est sur une liste d’attente en soins psychologiques », maintient Pasquale Roberge.

« Il y a des gens, poursuit-elle, qui préfèrent les autosoins à une approche avec un clinicien. La facilité d’accès et l’utilisation au moment qui nous convient le mieux font partie des avantages de cette approche. »



Au 25 mars 2023, selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, près de 1500 personnes étaient sur la liste d’attente en santé mentale du CIUSSS de l’Estrie-CHUS. La Tribune relatait d’ailleurs l’automne dernier les difficultés auxquelles font face les employés de ce secteur devant l’aggravation et la multiplication des cas.

Près de 1500 personnes sont sur la liste d'attente en santé mentale du CIUSSS de l'Estrie-CHUS.

Plusieurs sources de financement

Si un seul programme est offert en ce moment pour le projet de recherche, plusieurs autres sont dans les cartons, ciblant notamment les troubles périnataux et d’anxiété sociale, note Pasquale Roberge.

Quatre modules de la plateforme This way up ont par ailleurs été acquis par l’Université de Sherbrooke pour ēquilia au coût de 240 000$. La professeure explique que la traduction et l’adaptation d’un programme en français peuvent durer de deux à trois mois.

Pour financer la clinique virtuelle, l’équipe de la Pre Roberge peut compter sur l’appui de plusieurs sources de financement, notamment la Fondation du CHUS et les Instituts de recherche en santé du Canada. La Fondation du CHUS a par exemple donné, en partenariat avec d’autres fondations, plus d’un demi-million de dollars à ēquilia depuis l’idéation de la plateforme en 2018, selon les chiffres disponibles sur le site de la clinique virtuelle.

« Je voulais vraiment souligner leur appui. Ils nous soutiennent depuis le début, ce qui facilite notre implantation », reconnaît la professeure.

Elle souligne par ailleurs que les personnes intéressées à suivre le développement d’ēquilia pour pouvoir s’y inscrire lorsqu’elle sera déployée à grande échelle peuvent le faire en s’inscrivant à l’infolettre disponible sur le site web de la plateforme.