Budget fédéral: L’équilibre budgétaire, comme un «mirage dans le désert»

Luc Godbout, chercheur principal à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke

Luc Godbout, chercheur principal à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, décrit l’équilibre budgétaire dans le budget fédéral comme le mirage d’une oasis dans le désert. Plus on s’approche, plus l’objectif s’éloigne. Le retour à l’équilibre budgétaire prévu pour l’année financière 2027-2028 n’est en effet plus dans les plans puisque le gouvernement prévoit maintenant un déficit de 14 milliards $.


« On n’est pas pressé de retrouver l’équilibre budgétaire, lance d’emblée le professeur. Ça fait 7 ans qu’ils présentent des budgets et on se dit qu’il va y avoir un équilibre, mais cet équilibre se déplace toujours. »

La situation économique n’explique pas à elle seule le déficit selon M. Godbout. Ce sont plutôt les nouvelles initiatives permanentes comme la mise en place d’un Régime canadien de soins dentaires qui poussent les déficits à la hausse. M. Godbout estime d’ailleurs que le gouvernement a raté dans ce budget une opportunité d’augmenter ses revenus.



« Si j’avais une critique à faire, c’est qu’on a raté une opportunité de dire que pour élargir les services publics, ça prend un élargissement des impôts, mentionne-t-il. On aurait pu par exemple instaurer une cotisation canadienne pour les soins dentaires. Tout le monde aurait payé un petit pourcentage de son revenu pour financer le programme. Ça aurait été accepté. Il y a un principe à mettre en place et c’est au moment où on élargit les services publics qu’on doit le faire et pas après coup. »

En ce sens, le budget propose notamment des modifications législatives visant à porter le taux de l’impôt minimum de remplacement de 15 % à 20,5 % pour garantir que ceux qui ont les revenus les plus élevés ne puissent pas réduire leur facture fiscale de façon disproportionnée en profitant des avantages prévus dans le régime fiscal.

Ces modifications généreraient des recettes estimées à 3 milliards de dollars sur cinq ans, à compter de l’année d’imposition 2024, mais restent relativement marginales selon M. Godbout.

« Les plus riches vont peut-être être frappés un peu plus durement, mais on parle d’environ 31 000 personnes qui devront payer sur à peu près 30 millions de déclarations produites, indique-t-il. Il faut noter aussi que l’impôt qu’on paye à ce titre est récupérable sur sept ans, c’est plus une avance qu’un véritable impôt. »



Ainsi, l’année financière 2022-2023 se soldera par un déficit de 43 milliards, comparativement à 36,4 milliards prévu à l’automne. Pour l’année financière 2023-2024, Ottawa prévoit maintenant un déficit de 40,1 milliards, par rapport à 30,6 milliards prévu à l’automne.

« Ce n’est pas la catastrophe, souligne M. Godbout. Le ratio dette/PIB est encore parmi les plus bas parmi les pays de l’OCDE. Cela dit si une récession survient, on va vouloir stimuler l’économie et en le faisant le déficit va être encore plus grand. C’est ce genre de spirale qu’on veut éviter et c’est pour ça que quand ça va bien il faut essayer de retrouver l’équilibre budgétaire. »