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Compilant des heures et des heures de lecture, de répétitions et de jeu, la troupe du Théâtre de l’Insomnie n’a pas lésiné sur la rigueur pour pouvoir livrer une pièce remplie d’émotions de toutes sortes. En effet, les comédiens voguent entre les scènes tantôt cocasses, tantôt dramatiques, sur un paquebot au décor plutôt bien fait.

Ce paquebot élaboré pour la pièce comporte deux zones; le pont supérieur et le salon de la première classe. Le fait de voir deux endroits de l’histoire sans jamais changer les décors marche bien et instaure une certaine routine entre les comédiens et le public : les scènes les plus importantes de l’histoire s’y retrouvent.

Du rire à la réflexion

Le voyage du couronnement, présentée au Théâtre Léonard St-Laurent les 16, 17 et 18 mars prochains, présente plusieurs personnages tous plus différents les uns que les autres qui se côtoient lors d’une traversée de l’océan Atlantique pour aller assister au couronnement de la reine Élisabeth II.

Des classes sociales qui se mélangent, des dilemmes moraux qui entravent la relation d’un père avec ses fils, des drames familiaux qui affectent le ministre et sa femme, les thèmes sont forts et bien interprétés par les comédiens qui se sont approprié les personnalités des personnages. On y croit.

Madame Lavallée, très militaire dans sa façon de contrôler la présentation qu’auront les protagonistes devant la reine et ses nombreux invités, a relevé plusieurs rires dans la salle. Même chose du côté des deux «Élisabeth» qui ont gagné le «concours dans le concours» et qui se sont mérité une place en première classe du paquebot en plus de pouvoir assister au couronnement de la reine simplement parce qu’elles se prénomment Élisabeth. Leurs répliques synchronisées et leur admiration pour la monarchie rendent le récit plus léger.

Mention à Diane Lapointe qui incarne avec brio la femme du ministre, Alice. Les tirades de cette dernière et le ton, parfois enragé d’une mère désespérée en deuil, parfois amusée et hilare, rendent hommage au timbre de la pièce.

Les scènes plus dramatiques de Le voyage du couronnement sont bien rendues par les comédiens, notamment l’histoire du caïd, de ses fils, et du diplomate. La culpabilité du père envers Hyacinthe et Sandro, qui doivent payer pour les crimes qu’il a lui-même commis, donne des frissons. Le dilemme qu’il vit entre s’en sortir ainsi que d’avoir la possibilité de vivre une nouvelle vie dans un autre pays et sacrifier ses fils pour ses crimes vient chercher des cordes sensibles chez le public.

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Le dénouement de la pièce, qu’on ne voit pas nécessairement venir, est bien pensé et élégamment joué. La surprise est là, nous sommes conquis par la façon dont la pièce se termine. La metteure en scène, Emmanuelle Laroche, a su relevé les forces de chacun des comédiens pour les mettre en valeur dans cette pièce, jouée depuis 1994 au Québec. Chaque comédien sied bien le personnage choisi pour lui, tellement qu’on croirait que les protagonistes ont été écrits pour la troupe du Théâtre de l’Insomnie.

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La troupe souhaitait aller complètement ailleurs. «Gloucester était une comédie absurde à grand déploiement», raconte Maxime Tardif, responsable des communications et comédien au Théâtre de l’Insomnie. «On désirait notamment éviter la comparaison entre les deux productions, mais aussi aller là où le public ne nous attend pas.»

Sans s’être fermée à la comédie pour 2023, la troupe est sortie des sentiers battus et a voulu montrer la polyvalence dont elle fait preuve. «On a eu un gros coup de cœur pour le texte dramatique de Michel Marc Bouchard. C’est un texte plus intérieur, même s’il y a des moments plus légers et drôles.»

La pièce présentée au Théâtre Léonard-Saint-Laurent raconte l’histoire de plusieurs personnages sur un paquebot, l’Empress of France, qui quitte le port de Montréal en direction de l’Angleterre quelques jours avant le couronnement d’Élisabeth II. Le texte ne raconte pas le couronnement en tant que tel.

«C’est un beau hasard que, peu de temps après le décès de la reine, on parle de son couronnement de 1953», dit Maxime Tardif. Tout le monde, assure-t-il, y trouvera son compte, adepte de monarchie ou pas.

À bord du transatlantique se trouvent un caïd délateur et ses deux fils en quête d’une nouvelle identité à Londres, un diplomate sans scrupules, un ministre et sa famille qui doivent conjuguer vie politique et blessures du passé... Les personnages seront confrontés à bon nombre de défis. «On y retrouve des rôles plus légers aussi», précise Maxime Tardif.

Des thèmes actuels

L’auteur de la pièce, écrite en 1994, traite de thèmes universels. Ses productions sont d’ailleurs montées à travers le monde.

«Dans Le voyage du couronnement, on aborde entre autres les relations père-fils ou encore l’impuissance devant les drames», affirme Maxime Tardif. Les sacrifices forcés, les dilemmes éthiques, les apparences qui ne reflètent pas la réalité sont d’autres thèmes importants de la pièce.

La symbolique qu’apporte le bateau sert d’ailleurs bien les thèmes. «Le bateau, c’est le lieu idéal pour créer un huis clos pour les personnages, qui en sont prisonniers. Ils ne peuvent pas fuir, ils doivent faire face à leurs démons intérieurs et affronter les conflits avec les autres.»

La hiérarchie entre les classes sociales des protagonistes est montrée dans la symbolique du bateau, les classes ouvrières se retrouvant au premier pont en bas et les premières classes sur les ponts du haut.

La façon mensongère dont les gens présentent le passé figure également dans le propos. «Il est entre autres question du débarquement de Dieppe lors de la Seconde Guerre mondiale, qui a été un échec militaire pour le Canada», ajoute Maxime Tardif, présentant la pièce comme une critique de la façon dont le gouvernement et la monarchie britannique ont exposé la tragédie meurtrière.

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Maxime Tardif incarne le personnage d’un des fils du caïd, pianiste victime de vengeance des criminels dénoncés par son père, l’empêchant de continuer sa carrière.

«C’est complètement différent de ce qu’on a fait l’année dernière. On avait des rôles plus caricaturaux, on était parfois dans le burlesque et c’était très expressif», compare-t-il.

Un texte fort et des défis

Quand Le voyage du couronnement a été présenté pour la première fois, c’était au Théâtre du Nouveau Monde à Montréal. «Les personnages étaient incarnés par de grandes pointures du théâtre québécois. C’est un honneur pour nous de reprendre ça aujourd’hui, on y met tout notre cœur et on veut raconter cette histoire-là du mieux qu’on peut.»

Le comédien ajoute qu’à la lecture du texte, toute l’équipe a été charmée par les mots de Michel Marc Bouchard.

Il évoque également les silences qui sont omniprésents dans la pièce. Les effets dramatiques sont, selon lui, causés par ces silences qu’il trouve nécessaires. Ils représentent un défi pour les acteurs, surtout quand la comparaison avec Gloucester refait surface.

«On se retrouve avec quelque chose qui est plus dans l’intériorité, et non pas dans les expressions faciales déjantées. On est dirigés de main de maître par Emmanuelle Laroche, qui assure la mise en scène pour une huitième année. Elle nous connaît, nous et nos forces. Elle nous met en valeur et tous ensemble, on travaille de concert pour ce spectacle.»

Autre défi : le directeur artistique du Théâtre de l’Insomnie, Richard Lacroix, doit sélectionner les textes d’année en année, qui vont servir les huit membres de la compagnie, contrairement à une troupe de théâtre professionnelle qui choisit d’abord un texte pour ensuite compléter la distribution.

«C’est un défi parce que ça prend huit rôles avec des âges bien précis. Pour Le voyage du couronnement, on est allés chercher quatre comédiens à l’externe.»

Vous voulez y aller?

Le voyage du couronnement

Théâtre de l’Insomnie

10, 11, 16, 17 et 18 mars à 19 h 30, 12 mars à 14 h

Théâtre Léonard St-Laurent

Entrée : 25 $ (étudiants : 15 $)

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