Originaire d’Alsace, en France, Jonathan est au Québec depuis dix ans. Il est d’abord venu à la suggestion d’une amie, via un permis vacances-travail. Charmé par l’accueil reçu, le jeune homme n’est plus jamais reparti. Conseiller en gestion de dossiers pour un cabinet juridique, Jonathan aura 33 ans à la fin du mois.
Dominic a grandi et vit toujours à Saint-Tite. Ce préposé aux bénéficiaires est en arrêt de travail à la suite d’un accident survenu dans le cadre de ses fonctions. Il aura 40 ans en mai.
«Nous sommes un amour de pandémie», me disent-ils en choeur.
À l’hiver 2020, comme par magie, le profil de Dominic est apparu sur la page Facebook de Jonathan établi à Brossard. Ça a cliqué entre eux, de sorte qu’ils ont rapidement décidé d’habiter sous le même toit pour faire davantage connaissance.
Le Québec venait d’être mis sur pause pour cause de crise sanitaire mondiale. Les frontières régionales étaient sur le point d’être fermées et il y avait rumeur de couvre-feu.
«Au lieu de rester chez moi, tout seul, à faire du télétravail, Dominic m’a proposé de venir vivre chez lui.»
Ce dernier partageait avec ses parents la maison de son enfance, une résidence bâtie sur les terres de son grand-père. Dominic habitait le logement aménagé au sous-sol.
«Jonathan est tombé dans un milieu familial tissé serré», fait remarquer Dominic dont les parents se sont rapidement pris d’affection pour son nouveau chum.
«On vous verrait avec des enfants!», leur ont-ils dit en proposant de changer d’étage. Ils leur laissaient le rez-de-chaussée, plus grand pour passer de deux à trois.
Dès le début de leur relation, les amoureux ont abordé le sujet de fonder une famille.
Dominic rigole en disant que son horloge biologique lui fait savoir que c’est l’heure de devenir papa. Quant à Jonathan, ça fait longtemps qu’il projette d’avoir un enfant. Le jeune homme a d’ailleurs été clair avec Dominic. «J’ai brisé la glace d’emblée. Pour moi, c’était non négociable.»
Mais voilà. Inutile de faire un dessin, on a affaire à deux hommes. Avoir un enfant, c’est possible, mais plus compliqué.
Avant d’envisager la gestation pour autrui, Jonathan et Dominic ont pris le temps d’analyser les autres options sur la table, dont celle d’adopter un nouveau-né au Québec. Ils ont cependant déchanté en prenant connaissance du délai d’attente s’étalant sur plusieurs années.
Le couple a également étudié la possibilité de devenir une famille d’accueil de type banque mixte. On parle ici de prendre sous son aile un jeune enfant à haut risque d’abandon parental, mais qui peut aussi retourner dans sa famille d’origine après un certain temps.
«On nous a clairement dit de garder à l’esprit qu’à tout moment, on pouvait nous retirer l’enfant placé chez nous.»
Jonathan et Dominic ont préféré oublier cette option. Impossible pour eux de concevoir être séparés d’un bambin qu’ils auraient aimé au premier regard.
Adopter à l’international? Ils y ont pensé, mais font remarquer que les couples de même sexe n’ont pas l’embarras du choix. Très peu de pays leur ouvrent les bras et lorsque c’est possible, ils doivent s’attendre à ce qu’on leur confie un enfant plus âgé ou ayant des besoins spécifiques liés à un handicap ou à une maladie.
Pour Jonathan et Dominic, la gestation pour autrui est la seule possibilité d’avoir un enfant bien à eux.
Or, un don d’ovules et une mère porteuse se trouvent rarement dans l’entourage immédiat, pas beaucoup plus en lançant un appel à toutes sur les réseaux sociaux. Parfois oui, mais ça n’a pas été le cas pour Jonathan et Dominic.
Devant la complexité du processus, ils ont décidé de se tourner vers une agence «de maternité de substitution» pour les accompagner dans leurs démarches qui consistent notamment à avoir accès à des banques d’ovules et à faire le lien entre eux et la future mère porteuse.
«Notre mission est de faire en sorte que vos rêves deviennent réalité!», soutient l’une d’elles en rappelant qu’au Canada, «la Loi sur la procréation assistée interdit de rémunérer la mère porteuse, mais que celle-ci peut cependant être remboursée pour les dépenses engagées à la suite de la grossesse»…
Il n’y a rien de gratuit dans la vie.
«Nos familles et nos amis nous soutiennent dans nos démarches, mais malheureusement notre projet est coûteux. Voici des exemples de tarifs...», ont-ils indiqué sur une plateforme de sociofinancement, en y annexant un tableau des tarifs. Selon l’agence, le total varie de 150 000 $ à 220 000 $, en dollars américains.
C’est beaucoup d’argent.
«J’ai l’impression d’être une vache à lait, qu’on exploite notre désir d’avoir un enfant»
— Jonathan
Les deux amoureux gardent néanmoins le cap, conscients des enjeux et persuadés, surtout, de prendre la bonne décision. Ils jouent le tout pour le tout.
Jonathan et Dominic ont finalement l’intention de s’en remettre à une agence du Mexique, ce qui veut dire que la mère porteuse vit là-bas, que les deux futurs papas devront se déplacer sur place pour remettre, chacun, un échantillon de leur sperme.
Le couple renonce à son souhait d’être présent auprès de celle qui, neuf mois plus tard, mettra au monde leur enfant tant espéré. C’est le prix à payer pour réaliser leur rêve qui n’est pas donné.
Les fiancés n’ont pas encore signé le contrat, sachant que cette aventure leur coûtera près de 100 000 $ en tenant compte des allers-retours au Mexique.
Ils ont mis des économies de côté, mais Jonathan et Dominic veulent s’assurer de pouvoir offrir une qualité de vie à cet enfant qu’ils aiment déjà plus que tout, malgré les obstacles.
«Pour nous, notre futur en tant qu’adultes est de devenir des parents… Nous savons que notre projet peut paraître égoïste, mais nous voulons avoir la possibilité de transmettre le surplus d’amour, de tendresse, de bienveillance à un enfant...», ont-ils écrit sur la page GoFundMe .
Nous ne sommes qu’au mois de mars, mais Jonathan et Dominic se projettent déjà en décembre prochain. Officialiser la venue de bébé Heinrich-Normand pour 2024 serait un merveilleux cadeau de Noël à s’offrir et à partager avec leurs proches.