PFAS dans l’eau potable : un resserrement des régles réclamé

Des contaminants perfluorés, aussi appelés PFAS, ont été détectés dans la presque totalité des échantillons prélevés dans 376 municipalités de la province.

Les résultats d’une étude de l’Université de Montréal (UdeM) s’avèrent préoccupants, estiment les auteurs : presque la totalité (99,3 %) des échantillons d’eau potable analysés contenaient des contaminants perfluorés (PFAS). Cinq municipalités se retrouvent avec des taux particulièrement élevés, dont Sainte-Cécile-de-Milton, en Estrie, ce qui a poussé la Municipalité à procéder à d’autres tests. Alors que partout dans le monde les pays resserrent la réglementation encadrant ces substances chimiques, Sébastien Sauvé, coauteur principal de l’étude, espère un resserrement des usages de PFAS au Canada et insiste sur le principe de précaution.


L’équipe de recherche en chimie environnementale de l’UdeM a analysé les PFAS dans 463 échantillons d’eau. Ceux-ci ont été prélevés dans 376 municipalités de la province, à travers 17 régions administratives.

Une étude de l'UdeM montre la présence de PFAS dans la presque totalité des échantillons d'eau potable de la province.

Ces substances chimiques, qualifiées d’éternelles, se retrouvent un peu partout : dans les cosmétiques, les textiles, les emballages alimentaires et les mousses anti-incendie. Elles préoccupent la communauté scientifique parce qu’elles ont été associées à des effets néfastes sur la santé, dont une diminution de la croissance foetale et le cancer du rein.

« Une multitude d’études ont démontré que certaines PFAS se bioaccumulent chez l’humain et la faune avec des effets toxiques potentiels », fait aussi valoir l’équipe de recherche.

On estime entre 5000 et 10 000 le nombre total de diverses PFAS conçues en laboratoire.

M. Sauvé et son équipe ont donc voulu savoir à quel point ces produits toxiques avaient contaminé les sources d’eau potable sur le territoire québécois. Quelque 99,3 % des échantillons contenaient assez de ces substances pour que les chercheurs puissent les détecter et puissent les identifier en laboratoire.

Les échantillons de cinq municipalités québécoises, dont Sainte-Cécile-de-Milton, dépassent « la nouvelle proposition d’objectif de Santé Canada, soit une quantité maximale de PFAS de 30 nanogrammes par litre (ng/L) annoncée pour consultation publique le 11 février ». Val-d’Or (Abitibi) et Saint-Donat (dans Lanaudière) se retrouvent en tête de liste.

Dans un communiqué émis par l’UdeM, on note qu’il y a plusieurs normes applicables pour les PFAS dans l’eau potable à travers le monde, mais à ce jour, « aucune norme contraignante sur la concentration maximale de PFAS à ne pas dépasser dans l’eau potable au Québec et au Canada n’a été édictée. »

« Toutes les réglementations partout dans le monde sont en voie d’être resserrées (...) Il serait temps que le Canada restreigne les usages de molécules de PFAS (...) Il y a peut-être quelques usages essentiels que l’on veut conserver, mais est-ce que ça vaut vraiment la peine d’en mettre dans des cosmétiques résistants à l’eau, dans des emballages de fast-food, pour nos poêles anti-adhésives? Il y a beaucoup d’usages pour lesquels c’est pratique, mais est-ce que cette facilité vaut la peine qu’on empoisonne notre eau? » demande le professeur au département de chimie.

« Personnellement, avec les informations scientifiques sur les effets reconnus sur la santé, je pense qu’il faut appliquer le principe de précaution et faire le maximum pour diminuer notre exposition aux PFAS », indique Sébastien Sauvé.

Si on compare avec la recommandation de Santé Canada, il y a cinq municipalités au-dessus du seuil recommandé. Environ 95 % des échantillons sont trop élevés en PFAS si on les compare à la cible de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (0.004 ng/L), qui n’est toutefois pas un critère d’eau potable.

Des données surprenantes

Les résultats ont été accueillis avec surprise à Sainte-Cécile-de-Milton, d’autant qu’on ne connaissait pas les PFAS, commente le maire, Paul Sarrazin, qui explique avoir appris les données par une journaliste d’Enquête.

La petite municipalité de 2200 citoyens a procédé à d’autres tests, la semaine dernière, et elle est en attente des résultats, qui pourraient varier depuis qu’ils ont été pris.

« On a pris contact avec le professeur Sauvé; on voulait comprendre comment ça se fait que Sainte-Cécile-de-Milton s’est retrouvée dans cette liste. »

Fait étonnant, parmi les cinq municipalités les plus touchées, Sainte-Cécile-de-Milton est la seule qui n’est pas branchée à un réseau d’aqueduc; elle compte environ 900 puits individuels. Les échantillonnages ont été faits de façon aléatoire sur son territoire.

Il est encore trop tôt pour expliquer la cause des résultats, note pour sa part M. Sauvé.

Le maire dit avoir été rassuré par le ministère de l’Environnement et la Santé publique, qui estiment qu’il n’y a pas de risque pour les citoyens. Les résultats attendus permettront de voir si les taux sont plus bas ou davantage concentrés à un endroit sur le territoire. Le conseil municipal devait se pencher sur un plan de match lundi soir, en attendant les résultats qui doivent être connus au cours des prochains jours.

Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue scientifique Water Research.