Je vais peut-être en faire sourciller quelques-uns, mais j’ai toujours pensé que lorsqu’il y a du décrochage scolaire, ce n’est pas uniquement l’enfant qui décroche, c’est aussi le parent qui baisse les bras. Évidemment, il y a toutes sortes d’exceptions et d’explications. Reste que de façon générale, l’entourage de l’étudiant a une grosse incidence sur sa réussite scolaire.
Heureusement, la persévérance est une qualité qui s’apprend et les encouragements que l’on reçoit peuvent provenir d’un peu partout. Parfois, c’est le petit mot dans la boîte à lunch lors d’une journée d’examen particulièrement stressante. D’autres fois, c’est juste une phrase dite au hasard qui fait bien les choses.
Comme tout le monde, j’ai eu besoin de persévérer au travers de mes études, dans mon travail ou simplement pour terminer de peindre une toile. Mais je dois dire que ma plus grande expérience de persévérance a été de traverser la soudaine maladie qui m’a laissée avec des amputations aux deux bras et aux deux jambes.
D’abord, il est essentiel d’identifier ses motivations. Guérir pour être de nouveau avec ma petite famille allait de soi pour moi. Être en mesure de peindre, mais aussi de manger par moi-même, m’a poussée à m’exercer suffisamment avec mes prothèses de bras pour y arriver.
Marcher m’a demandé un peu plus d’efforts. C’est très physique. Moi qui suis une artiste peintre et qui n’ai jamais été adepte du gym, j’ai dû apprivoiser le goût à l’entraînement.
À l’hôpital, les séances avec la physiothérapeute m’avaient gardée flexible et en voie de retrouver la force dans mes muscles restants. Avant d’être admise en réadaptation, j’ai continué de pratiquer les exercices de physiothérapie chez moi. Avec un amoureux et deux jeunes garçons tout autant sportifs les uns que les autres, j’ai bénéficié de beaucoup d’encouragements durant tout un été.
Fraîchement débarquée à l’institut de réadaptation, les résultats de mon évaluation physique étaient numéro un. Grâce à mon entraînement, j’étais déjà prête à recevoir des prothèses pour réapprendre à marcher.
Pour persévérer, il est important d’apprécier chaque petite victoire. La première fois que j’ai été debout sur mes jambes artificielles, j’en ai eu les larmes aux yeux. Après huit mois de position horizontale, c’est fou comme la verticale m’a fait du bien. Cette sensation réconfortante et vivifiante m’a donné beaucoup d’énergie pour entrevoir les prochaines étapes avec un esprit positif.
Malgré ma bonne humeur, il y a bien eu un moment où le mélange des émotions m’a fait pleurer. Alors que je venais de marcher mes tout premiers pas à l’institut de Montréal, j’avais eu de la difficulté à gérer ma fierté sans pouvoir la partager immédiatement avec mes trois amours restés à Trois-Rivières. Par bonheur, notre époque moderne m’a permis de leur raconter mes prouesses par vidéoconférence une fois calmée et de retour dans ma chambre.
Lorsqu’on traverse des torrents d’émotions, être bien entourée est un atout et j’ai eu cette grande chance de pouvoir m’appuyer sur ma famille nucléaire. Avoir des gens qu’on aime avec qui on peut partager ses réussites renforce sa détermination pour continuer d’avancer.
À l’inverse, rechercher ce même effet avec d’autres «proches» qui nous démontrent que d’assister à nos récents exploits n’est pas une priorité dans leur vie peut évidemment décourager les plus persévérants. Un ménage dans ses relations s’impose alors de lui-même.
Malgré mon incapacité à passer de la position assise à la position debout sans aide et de façon naturelle, j’ai quitté l’institut de réadaptation avec une technique provisoire pour y arriver. Perdre ses deux genoux a tout pour complexifier la tâche. Je me suis donc débrouillée pendant plusieurs années en me levant de mon fauteuil roulant toujours au même endroit dans notre maison. En effet, il n’y avait qu’en m’agrippant sur le dossier de notre divan que j’y arrivais seule.
J’avais finalement abdiqué, mettant ma difficulté à me lever sur le dos de mes amputations doubles fémorales. Jusqu’au jour où une phrase prononcée de façon anodine par mon prothésiste a réveillé en moi la motivation pour y arriver. En fait, il m’avait simplement appris que son autre patient quadruple amputé était capable de se lever seul en se fiant uniquement à ses prothèses.
J’avoue que je suis compétitive, ça aide assurément à persévérer. Je m’étais alors dit que si lui était capable, il n’y avait pas de raison pour que moi je ne le sois pas. Et je me suis remise à m’exercer. Encore et encore. Aucune difficulté ne peut se dénouer sans travail. C’est la clé du succès.
Et justement, j’y suis arrivée.
C’est la confiance de réussir qui m’a montré le chemin. Ce sont tous les encouragements que j’ai reçus qui m’ont fait avancer. C’est mon travail et ma persévérance qui m’ont permis de me rendre là où je suis maintenant. Car aujourd’hui, je peux me lever de mon fauteuil roulant partout où je veux marcher.
Le plus drôle dans tout ça, c’est que j’ai finalement su que l’autre quadruple amputé avait un genou sur deux pour l’aider...
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Soyez de ceux et celles qui font la différence dans la réussite scolaire des jeunes. Que vous soyez parents, enseignants, entraîneurs ou employeurs, tous les petits gestes, l’écoute et la compréhension envers les difficultés qu’ils ont à traverser sont importants.
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Artiste peintre, conférencière, auteure… et quadruple amputée, Marie-Sol St-Onge partage sa façon de voir les choses qui l’entourent. Un angle de vue différent, mais toujours teinté d’humour et de positivisme.