Cela signifie que les discussions sont terminées et que des procédures d’expropriation semblent désormais inévitables contre un certain nombre de propriétaires qui n’ont pas encore accepté l’offre d’achat qu’ils ont reçue du fédéral depuis environ un an.
Transports Canada a confirmé sa décision à La Tribune vendredi, après l’avoir communiquée par courriel aux citoyens concernés. Le ministère n’a pas répondu aux questions sur la suite du processus.
«Le gouvernement du Canada communiquera sous peu les prochaines étapes aux propriétaires impactés», s’est limité à écrire dans un courriel le cabinet du ministre des Transports.
«Nous savons que ce sont des étapes délicates qui s’en viennent et nous serons là pour appuyer et accompagner les gens comme nous l’avons fait depuis le début», ajoute-t-il.
Transports Canada avait annoncé la veille aux maires de Lac-Mégantic, Frontenac et Nantes sa décision de ne pas prolonger la période de négociation sans plus élaborer ses intentions pour la suite des choses, rapporte la mairesse de Lac-Mégantic, Julie Morin.
Pour recourir à l’expropriation, il faudra que Services publics et approvisionnement Canada (SPAC) donne un avis d’intention «dans un délai qui n’a pas été précisé», précise-t-elle, et auquel les propriétaires concernés pourront s’opposer.
La mairesse Morin n’était pas surprise que Transports Canada mette fin aux discussions à ce moment-ci.
«Si ça s’était passé en février 2022, j’aurais été la première à protester, mais là ça se fait avec un respect de la communauté», estime-t-elle, en rappelant qu’il y a eu trois prolongations des délais de négociation et plusieurs ressources mises à la disposition des propriétaires par le gouvernement fédéral pour arriver à des ententes de gré à gré depuis un an.
«Il n’y a plus de raison de poursuivre [la négociation]. Les propriétaires ont reçu leur offre entre novembre 2021 et février 2022, ceux qui voulaient s’entendre ont eu toutes les opportunités et le temps pour le faire», croit Mme Morin.
La construction de la voie ferrée de 12,5 kilomètres qui doit permettre de sortir les trains du centre-ville de Lac-Mégantic nécessite que le fédéral devienne propriétaire de plus de 80 lots ou parcelles de lots appartenant à 43 propriétaires de Lac-Mégantic, Frontenac et Nantes.
Une trentaine de propriétaires à exproprier?
Comme maître d’œuvre du projet avec le Canadien Pacifique, Transports Canada a mandaté Services publics et approvisionnement Canada (SPAC) pour procéder à ces acquisitions.
Difficile toutefois de savoir combien de ces propriétaires ont accepté leur offre d’achat jusqu’à maintenant. Le Ministère refuse de donner cette information et plusieurs propriétaires restent eux-mêmes discrets sur leur décision.
À la fin de février dernier, La Tribune écrivait néanmoins de source sûre que sept propriétaires avaient paraphé leur entente. Dix mois plus tard, en novembre, la Ville de Lac-Mégantic, qui est l’un de ces 43 propriétaires touchés, annonçait avoir elle aussi conclu une entente pour la vente de 12 parcelles de terrains requises pour le projet dans son parc industriel.
Pour leur part, l’Union des producteurs agricoles de l’Estrie (UPA-Estrie) et le Syndicat des producteurs forestiers du Sud-du-Québec, qui représentent 33 propriétaires dans cette négociation, croient savoir qu’un seul d’entre eux se serait entendu avec SPAC.
«Il y a beaucoup plus de monde qui n’ont pas signé qu’il y en a qui ont signé», dit l’une de ces propriétaires, Yolande Boulanger, qui se bat avec détermination contre le tracé retenu qui va littéralement éventrer sa terre à Frontenac et qui soulève beaucoup d’inquiétudes pour la nappe phréatique et les puits d’eau potable.
Devant ces constats, les deux organisations syndicales avaient d’ailleurs demandé à Transports Canada, cette semaine, de reporter à nouveau la date limite pour l’acceptation des offres d’achat.
«Nous estimons que les propriétaires doivent avoir tous les éléments d’informations en main avant d’accepter ou non les offres faites par le gouvernement fédéral», ont-ils argumenté. Sans succès.
Et l’OTC?
Leur demande de report arrivait aussi dans le contexte où l’Office des transports du Canada (OTC) n’a toujours pas délivré son autorisation au projet et statuait en décembre que le promoteur de la voie de contournement devait procéder à une mise à jour des évaluations des impacts environnementaux du tracé pour tenir compte des derniers développements.
C’est seulement quand cette mise à jour aura été faite à la satisfaction de l’OTC que son processus de consultation publique et de délibérations pourra s’enclencher, pour un minimum de 85 jours ouvrables.
Avec les acquisitions de terrains, l’autorisation de l’OTC est l’autre étape qui reste à franchir avant de pouvoir lancer la construction de l’infrastructure ferroviaire.
Est-ce qu’il n’est pas prématuré d’envisager d’exproprier des citoyens alors que l’OTC n’a toujours pas délivré son autorisation au projet de voie ferrée?
«Ce n’est pas anormal de faire les choses en parallèle», répond Julie Morin, puisque ces étapes sont longues à franchir et que cela permet de gagner du temps.
De son côté, Transports Canada a précisé qu’il est en voie de remettre les rapports manquants identifiés par l’OTC et qu’il respectera les exigences et les demandes de l’organisme.
«Le gouvernement du Canada souhaite fermement compléter ce projet le plus tôt possible, indique Transports Canada. Et il travaille fort afin que la construction puisse débuter cette année.