Des stages universitaires dispendieux pour les étudiants

Bien souvent non-rémunérés, les étudiants universitaires doivent payer des centaines de dollars à leur institution pour leurs stages crédités. Une pratique dénoncée par des associations étudiantes.    


«Plusieurs associations s’opposent à cette réalité», affirme James Boudreau, vice-président aux affaires externes de la Confédération des associations d’étudiants et étudiantes de l’Université Laval (CADEUL).

Dans les faits, les stages crédités à l’université sont facturés à la même hauteur qu’un cours magistral, selon le nombre de crédits qui leur sont associés. Pour un étudiant québécois, le prix d’un crédit est d’environ 100$. Ainsi, un stage qui vaut trois crédits, par exemple, va coûter environ 300$.

«Les tarifs universitaires sont réglementés au niveau des autorités ministérielles», explique Cathia Bergeron, vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes à l’Université Laval. «On n’a pas toute la latitude et ça c’est vrai pour toutes les universités québécoises.»

Des milliers de dollars

Le Soleil a échangé avec une dizaine d’étudiants directement touchés par ces tarifs. Ils peuvent grimper vite, selon Anne-Frédérique Thériault, étudiante au continuum baccalauréat-maîtrise en physiothérapie à l’Université Laval.

Dans ce programme, les étudiants doivent faire cinq stages crédités, ce qui représente des frais d’environ 2800 $, indique-t-elle. Et ils ne sont pas rémunérés.

Comme l’université s’occupe de la recherche et de la pige aléatoire des stages, les étudiants peuvent même être forcés de déménager. «On peut être envoyés jusqu’à Sept-Îles», dit Anne-Frédérique. 

Au baccalauréat en ergothérapie, le stage final de 12 crédits s’échelonne sur 12 semaines. Les étudiants doivent payer une facture d’au moins 1500$ et ne sont pas rémunérés pendant cette période. Plusieurs de ces stages sont donnés en région. 

Mais dans ce cas, il existe de l’aide financière, nuance la vice-rectrice Cathia Bergeron. «Je pense qu’en ergothérapie, ils ont un programme de bourse qui aide justement à supporter les frais qui sont associés aux stages en région», dit-elle.

Cette dernière ajoute que les étudiants ont aussi accès à des bourses philanthropiques et gouvernementales, comme la bourse Perspective, pour les aider.

Des montants offerts aux étudiants en ergothérapie sont toutefois minimes, selon une étudiante du programme. Par crainte de représailles, elle a préféré garder l’anonymat, mais affirme que ces bourses tournent autour de 200$ par étudiant.  

Du soutien insuffisant, selon la CADEUL. 

La santé et l’éducation particulièrement touchés

Les étudiants en éducation réclament une rémunération de leurs stages depuis des années. Shannon Duff, ex-étudiant au baccalauréat en enseignement du préscolaire et enseignement du primaire (BEPEP), dénonce les frais liés à cette formation.

Son stage de quatre crédits, au coût de 400$, s’échelonnait sur deux sessions. «C’était zéro rémunéré», se souvient-il. «De plus, le temps consacré pour la préparation des journées était énorme.»

En médecine, les deux dernières années du doctorat se font en milieu de travail, sans rémunération. Des frais frôlant le 5000 $ par année, selon une étudiante souhaitant demeurer anonyme pour éviter les répercussions dans son milieu de travail.

«On est obligés de faire huit gardes par mois. On ne finit jamais avant 18h le soir donc on ne peut pas travailler en dehors», raconte-t-elle au Soleil.  

Des frais justifiés, disent les universités

Selon Cathia Bergeron de l’Université Laval, «plusieurs volets dans les stages justifient le même coût que pour n’importe quel autre type de formation», comme un cours plus théorique. 

Les services offerts sont d’abord administratifs. «Beaucoup de travail se fait juste pour trouver les milieux de stage, ce qu’on appelle la coordination», explique Mme Bergeron.

À ces tâches s’ajoutent l’élaboration des grilles d’évaluation, les communications avec les élèves et la correction des rapports de stages.

«Dépendamment des stages, il y a des endroits où on va même jusqu’à fournir une certaine formation pour les encadrants, les superviseurs de stages dans les milieux», mentionne Cathia Bergeron. En santé, cette pratique serait de plus en plus courante.

De plus, les étudiants ont accès à du soutien psychologique et à des assurances de la part de leur institution et ce, pendant toute la durée de leur stage, rappelle la vice-rectrice.

«Dans beaucoup de domaines, avoir une formation de stage de qualité, ça bonifie beaucoup la formation», affirme Mme Bergeron. «Mais pour bien la faire vivre, c’est sûr qu’il y a beaucoup de gens qui travaillent derrière ça, ce qui implique qu’on a besoin de ressources, notamment des ressources financières».

Jean-François Hinse, porte-parole de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), justifie également ces tarifs par «les coûts institutionnels associés à la gestion des stages, dont les coûts d’encadrement, les coûts des opérations des systèmes de gestion et encore, les coûts de développement des formations de superviseurs de stages».

Le ministère de l’Enseignement supérieur n’avait pas répondu aux demandes du Soleil au moment d’écrire ces lignes.