Le système scolaire à trois vitesses, une véritable problématique selon Yves Lenoir

Yves Lenoir a fait carrière durant plusieurs années à l’Université de Sherbrooke.

Récemment nommé officier de l’Ordre du Canada par la gouverneure générale Mary Simon, le professeur émérite en éducation à l’Université de Sherbrooke (UdeS), Yves Lenoir, estime que le système scolaire québécois doit se débarrasser de ses trois vitesses afin de diminuer les inégalités.


Le spécialiste, originaire de la Belgique, est sans équivoque et estime que le système scolaire, dans sa forme actuelle, favorise certaines classes sociales. «Je suis pour la suppression [des écoles privées]. Si on veut des écoles privées, qu’on ne les subventionne pas. Je suis tout à fait contre. C’est une éducation à trois vitesses qui maintient une ségrégation sociale en privilégiant les plus riches et qui défavorise les plus pauvres.»

Le système scolaire à trois vitesses est composé des écoles privées, des écoles publiques et des programmes spécifiques.

Son idéal: tous les élèves sur le même pied d’égalité avec des mesures de soutien selon les besoins de chaque clientèle scolaire.

Basculement du rapport de force

Yves Lenoir a de l’«admiration» pour les enseignants de la province alors qu’ils oeuvrent quotidiennement dans des conditions difficiles en plus d’avoir plusieurs élèves à besoins multiples dans leurs classes. Il évoque également que le regard porté envers les enseignants a changé au sein de la société. «En 1960, quand un élève rentrait à la maison, sa maman lui demandait s’il avait été sage avec sa maitresse. Aujourd’hui, elle lui demande si sa maitresse a été bien sage avec lui. C’est toute une différence qui met en évidence la difficulté du travail des enseignantes et des enseignants du primaire.»

«Le problème se situe au niveau des conditions de travail. Ce n’est pas le salaire qui compte. Bien sûr qu’il joue aussi, mais ce sont les conditions qui sont devenues extrêmement difficiles avec une reconnaissance des enseignants qui a fléchi. Autrefois, l’enseignant était une personne respectable. Maintenant, c’est une personne parmi d’autres.»

Selon Yves Lenoir, le système d’éducation doit trouver un meilleur équilibre entre l’éducation et le savoir. «Il y a un autre problème. C’est une caractéristique de l’Amérique du Nord. Ici, on met beaucoup l’accent sur la pédagogie, donc, sur la relation à l’élève, ce qui est très bien. Ce n’est pas le cas en Europe où on met l’accent sur les savoirs. Évidemment, les temps changent, mais c’était une caractéristique très nette. J’ai pu constater ici que la place des savoirs, la maitrise de ce savoir demeurent très relatives chez les enseignants.»

Redonner à l’école sa vocation première

Pour le chercheur, il est essentiel que l’école retrouve sa vocation première: un lieu d’apprentissages et de savoirs. «L’école n’est pas d’abord un lieu d’inculcation de comportements. C’est aussi [ça], mais ce n’est pas le premier objectif.»

«Dans mes entrevues avec les enseignantes, elles ne se définissaient jamais comme enseignantes. Elles se définissaient comme mère, infirmière, policière, etc., mais pas comme enseignantes. Ça témoigne des problèmes qu’elles rencontrent de nos jours, mais aussi d’un courant social qui fait de l’école, d’une certaine manière, un lieu où tous les problèmes de comportement et sociaux devraient être réglés. Mais les enseignants ne sont pas des travailleurs sociaux, des psychologues ou des travailleurs de rue. Ils sont enseignants et on leur demande d’assumer des fonctions pour lesquelles elles et ils ne sont pas préparés», ajoute-t-il.

Des ressources complémentaires en classe sont nécessaires à ses yeux pour permettre aux enseignants de se concentrer sur leur tâche principale. «Il faut que les enseignants soient capables de gérer leur classe, mais s’ils mettent tout leur temps à la gérer, ils n’ont plus de temps pour enseigner.»

Un ministre qui doit comprendre l’école

Yves Lenoir espère que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, comprendra la réalité des écoles au Québec lors de la prochaine année notamment en ce qui concerne les rapports sociaux et la dynamique scolaire. «Il faut une ligne directrice, une vision globale, avec un ensemble d’opérations successives qui conduiront à des modifications substantielles au primaire. Il y a des choix sociaux [à faire].»