Chronique|

Solidarité féminine, mythe ou réalité ?

Ensemble, nous sommes clairement plus fortes. Ensemble, nous avons amélioré les conditions de vie des femmes considérablement, et ce, à l’échelle planétaire.

CHRONIQUE / J’ai tellement été inspirée par mon récent voyage en Tunisie, mais ce sont surtout les femmes tunisiennes et béninoises, leur résilience, leur courage et leur détermination à construire des communautés plus inclusives pour les générations futures qui m'a touché. L’implication des femmes de la société civile est remarquable dans plusieurs municipalités partout sur la planète. Elles font avancer des causes comme l’accès des femmes aux espaces publics, le transport collectif sécuritaire, la lutte à la violence politique à l’endroit des femmes et tellement plus.


Ce voyage m’a également permis de passer quelques jours en compagnie de la mairesse adjointe d’une municipalité du Bénin qui en est à son quatrième mandat. Elle a fait ses trois premiers mandats sans aucun revenu associé à ses fonctions! Vous imaginez? Elle travaille maintenant avec un groupe pour qu’il y ait davantage de femmes candidates aux prochaines élections. Par le fait même, elle veut mettre sur pied un réseau de femmes élues en s’inspirant du réseau tunisien. Pour y arriver, les femmes devront se serrer les coudes, faire preuve de solidarité.

Cette solidarité, elle est réelle et permet de déplacer des montagnes lorsqu’il s’agit de se mobiliser pour défendre des causes qui nous tiennent à cœur, comme la violence faite aux femmes. Cette solidarité permet la création de commissions parlementaires non partisanes et donne naissance à des lois d’une importance capitale, comme celle sur l’équité salariale. Elle permet de réduire les inégalités.  

Ensemble, nous sommes clairement plus fortes. Ensemble, nous avons amélioré les conditions de vie des femmes considérablement, et ce, à l’échelle planétaire. Pensez simplement aux mouvements comme #balancetonporc ou #metoo. Le nombre très important de femmes qui se sont greffées à ces mouvements et qui continuent de le faire ont par le fait même manifesté leur soutien, leur sympathie et leur compréhension. L’effet d’entrainement a donné du courage à plusieurs femmes qui n’auraient pas osé sortir de l’ombre. 

Autre démonstration de cette solidarité, alors que j’étais en Haïti où j’assistais au premier forum des femmes élues, on y attendait entre 200 et 300 personnes, mais elles étaient plus de 2000. Je me souviendrai toujours de ce moment magique lorsque le président de la République, qui avait initialement décliné l’invitation, est venu faire une allocution devant une salle bondée de femmes qui ne souhaitaient rien de plus que de construire un monde meilleur, un monde plus inclusif et sécuritaire. L’espoir était palpable et le désir de se faire entendre très clair. Je me souviendrai toujours, le jour de notre départ, elles nous ont dit : « Ne nous abandonnez pas, parce que nous ne baisserons pas les bras et ce, au péril de notre vie! » 

Ça porte à réflexion.

Toutefois, cette solidarité féminine peut être mise à rude épreuve. Les femmes sont compétitives entre elles, tout comme les hommes. Elles peuvent être extrêmement critiques les unes envers les autres; souvent ne se laissant même pas le droit elle-même à l’erreur. C’est particulièrement vrai quand elles évoluent dans un environnement à prédominance masculine. Tout comme les hommes, les femmes ont des divergences d’opinions et s’affrontent professionnellement. Lorsque cela arrive, nous pouvons douter de l’existence même de la solidarité féminine.

Personnellement, je l’ai remise en question lorsque j’ai vécu une situation d’intimidation au travail. Il y a tout un contexte que je ne vais pas étaler sur la place publique. Toutefois, j’ai été davantage soutenue par mes collègues masculins lorsque j’ai enfin eu le courage de dénoncer la situation, alors que certaines collègues féminines sont allées jusqu’à douter de ma version des faits, donnant ainsi le bénéfice du doute à mon agresseur. À cette époque, je m’attendais à une solidarité féminine sans faille afin de régler cette situation et de retrouver un environnement de travail sain et sécuritaire. J’ai compris beaucoup de choses depuis ces événements.

Ce qui m’amène à réfléchir. Dans quelles circonstances pouvons-nous, en tant que femmes, compter sur la bienveillance des autres femmes? À quel moment pouvons-nous être assurées de l’entraide et de la coopération? Entre autres, quand nous menons le même combat! Si les objectifs sont dans l’intérêt collectif, la solidarité sera au rendez-vous. C’est toutefois plus difficile dans un contexte de travail où les femmes cherchent à gravir les échelons ou lorsqu’elles sont en compétition.

Certains milieux offrent un environnement beaucoup plus favorable au développement de cette solidarité féminine, comme c’est le cas au sein des organismes communautaires. Ayant œuvré plus de 10 ans dans ce milieu, j’ai vu naître des organismes et des services grâce à cette solidarité : le Centre des femmes, la Maison de la famille, Femmes et politique municipale, etc. 

D’autres milieux sont tout le contraire, notamment en politique. Les exemples dans l’actualité ne manquent pas. Et pourtant, nous sommes d’accord que nos institutions doivent créer des conditions favorables à l’accès de ces lieux de pouvoir aux femmes. Nous sommes capables de nous unir pour défendre la place des femmes et du même souffle se disputer sur la place publique le lendemain d’une élection. Ne devrions-nous pas nous réjouir du succès des unes et des autres? Ne devrions-nous pas nous serrer les coudes dans la défaite?

Ce n’est qu’ensemble que nous provoquerons les changements sociaux nécessaires!

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