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Charlotte a découvert le rugby il y a environ un an. Elle joue pour l’Avalanche du Collège Mont-Notre-Dame et elle a pratiqué au civil pendant l’été. Ce sport est l’endroit où elle se réalise. «C’est vraiment rassembleur, c’est un sport d’équipe à 100%, et j’aime les sports de contact.»

Quand elle a appris l’intention de l’Université de Sherbrooke de fermer son club de rugby, elle a tout de suite réagi. «J’ai trouvé ça dommage parce que ça rapetisse le monde du rugby à Sherbrooke. C’était dans mes plans de continuer à jouer au cégep. En sachant qu’il n’y aura peut-être plus de programme à l’université, je suis déçue. J’aurais aimé pouvoir continuer de jouer près de chez nous.» L’athlète originaire de Cookshire-Eaton connait déjà ses priorités. S’il n’y a pas de rugby à Sherbrooke, je vais sans doute aller ailleurs, je risque plus de choisir mon université en fonction du sport que des programmes.»

Elle souhaite avant tout se qualifier pour l’équipe collégiale qui vient de voir le jour à Sherbrooke. Selon elle, l’onde de choc se fait déjà sentir auprès de cette relève, dont un membre a lancé une pétition en ligne pour le maintien du rugby à l’université. «Le programme du cégep qui vient d’ouvrir n’a même pas le temps de faire ses preuves. Et pour celles qui ont commencé cette année, ça doit créer des changements de plans par rapport à leur avenir. C’est quand même une équipe sportive reconnue, le Vert & Or. Pour plusieurs, c’est carrément un rêve, de jouer là.»

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Dans une lettre envoyée aux entraîneurs la semaine dernière dont La Tribune a obtenu copie, l’Université de Sherbrooke invoque dans sa décision la situation précaire du rugby aux niveaux régional et provincial, un trop faible nombre de joueurs et une «expérience restreinte ou inexistante pour une forte proportion des personnes étudiantes-athlètes prenant part à ce sport, ce qui n’est pas une pratique acceptable au niveau universitaire.»

Dans la lettre, on conclut que «ces constats nous poussent à craindre pour la sécurité des étudiantes et étudiants-athlètes prenant part à ce sport de contact; un aspect pour lequel nous ne pouvons faire aucun compromis».

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Les entraîneurs-chefs des équipes féminine et masculine, Andi Smith et Francis Raschella, ne comprennent pas quel est le problème invoqué par l’institution. «Oui, il y a eu des blessures, et c’est normal dans le sport, mais on ne nous a pas nommé ce qui faisait en sorte que ce n’était pas sécuritaire. C’est sûr qu’en début de saison, l’une de nos joueuses les plus expérimentées a eu un accident, mais ça n’a rien à voir avec un manque d’expérience, justement», déplore Andi Smith.

C’est un sport de contact, il y aura toujours des risques, c’est sûr, ajoute Francis Raschella. Nos joueurs n’ont en effet pas toujours la même expérience que par exemple en volleyball, parce que c’est un sport plus marginal. On y arrive un peu plus tard. Mais il reste que nos athlètes sont des sportifs. Je ne considère pas qu’il y a un risque exacerbé, d’ailleurs cette démonstration-là n’a pas été faite. Cette année il y a eu des blessures comme à chaque année, mais ça fait partie du rugby.»

Andi Smith mentionne que des joueuses de Sherbrooke ont poursuivi sur la voie professionnelle tant au Canada qu’en France, ce qui démontre l’intérêt du programme. «Sabrina Poulin était dans la Coupe du monde il y a un mois, il y a Marie-Pier Fauteux qui s’est rendue au niveau canadien…»

Difficultés de recrutement réglées

Selon Francis Raschella, «plusieurs programmes du secondaire ont fermé». «On a perdu deux cohortes.»

Andi Smith précise qu’il a été difficile de pratiquer le rugby au cours des deux dernières années. «La pandémie a eu un gros effet sur le rugby, qui a été classé comme un sport de combat, même pas un sport de contact comme le basketball, le football. On avait donc beaucoup plus de restrictions pour pouvoir recommencer. […] L’année passée, c’était loin d’être l’idéal. On avait 18 joueuses et on a fait la saison avec ça, mais notre équipe n’était pas forte comparé aux années précédentes. Par contre, cette année, on a démontré qu’on pouvait se revirer de bord, on avait 28 joueuses. Et on n’a pas fait beaucoup de recrutement, j’ai déjà une liste de 25 athlètes intéressées par le programme pour l’année prochaine.»

Le moral au plus bas

«Hier, j’ai rencontré les gars. Il y en a qui pensent déjà à changer d’école», dit M. Raschella. Andi Smith a elle aussi dû parler à son équipe. «Quand je leur ai annoncé la nouvelle, c’était d’une tristesse inimaginable. Tu te fais dire que tu n’es plus une étudiante-athlète. Elles étaient dévastées.»

Il faut dire que du côté féminin, les impacts sont majeurs, dit Mme Smith. «C’est un gros pas de recul pour le rugby en Estrie et dans les régions autour. Il y a deux cégeps qui ont commencé dans les dernières années, et là on vient enlever aux athlètes le niveau le plus haut auquel ils peuvent jouer, surtout du côté féminin, pour lequel l’université est la porte d’entrée pour le plateau national. On vient de couper le sommet.»

«Elles peuvent continuer dans leur programme éducatif, mais on ne se cachera pas que beaucoup d’entre elles ont choisi l’Université de Sherbrooke pour le rugby. Des athlètes m’ont contactée me demandant quoi faire, parce que le rugby était leur principale motivation à rester à l’école.» Andi Smith précise que trois universités francophones offrent le programme présentement : Sherbrooke, Laval et Montréal.

Le milieu proteste

Une pétition «a été créée par une joueuse du cégep qui avait prévu venir jouer pour nous mais qui remet en question son choix d’université», dit M. Raschella. Dimanche après-midi, le document comptait 5688 signatures. Le club de bientôt trente ans reçoit des appuis du milieu. «Le rugby, c’est une communauté, ça fait 30 ans que ça existe à l’Université de Sherbrooke. On a vu la communauté rugbystique du Québec au complet se lever et on n’est pas surpris. On a ce sport tatoué sur le cœur. Pour moi, le rugby, c’est une communauté, un filet social, c’est bien au-delà du terrain.»

D’ailleurs, ce dernier précise qu’il ne baissera pas les bras tant qu’il aura un accès aux lieux. «Je suis encore en train d’essayer de sauver ce qu’on a ici. Tant que je n’aurai pas remis les clés et décidé ce qu’on fait avec le budget d’équipe qui a été sociofinancé, je ne veux pas dire que c’est terminé. Et même si c’est terminé pour cette année, on va essayer de revenir.»

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