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Née en République dominicaine, puis adoptée toute jeune par un couple de Sherbrookois, Magaly Brodeur a fait son bout de chemin en s’intéressant à tout. Inspirée par ses deux parents qui étaient impliqués socialement dans la région, elle s’est spontanément tournée d’abord vers le programme sciences, lettres et arts du Cégep de Sherbrooke. «À ce moment, le plan de carrière de mes amis semblait si clair. Moi, tout me tentait», se rappelle-t-elle.

Magaly Brodeur s’est finalement spécialisée en économie à l’Université de Sherbrooke (UdeS) où elle s’est mise à s’intéresser aux sociétés d’État. Son projet de fin de baccalauréat portait notamment sur la privatisation de la Société des alcools du Québec (SAQ). «J’aimais ce que je faisais et vers où je m’en allais, mais c’était très quantitatif, avec beaucoup de chiffres. Il me manquait de l’information, du qualitatif, le vécu des gens.»

C’est pourquoi elle a poursuivi ses études en histoire politique, toujours à l’UdeS, sous la direction du professeur Peter Gossage. Ce dernier l’a dirigée vers la Société des loteries du Québec, plus communément appelée Loto-Québec.

«Il n’y avait presque rien sur l’histoire et la création de cette société d’État. Je m’y suis intéressée à l’époque où le jeu était illégal au Canada. Ça m’a donné une belle exposition puisque mon mémoire a finalement été publié sous forme de livre», raconte celle qui espère aujourd’hui réduire les méfaits associés aux dépendances comportementales, en particulier le trouble lié aux jeux de hasard et d’argent.

Toujours aussi désireuse d’apprendre, Magaly Brodeur s’est inscrite au doctorat en sciences humaines appliquées à l’Université de Montréal, puis au doctorat en médecine à l’UdeS. «J’ai un long parcours académique», convient-elle en riant.

Accélérateur de carrière

Un moment-clé l’a néanmoins propulsée. En 2009, Magaly Brodeur a reçu 180 000 $ de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, l’une des bourses les plus prestigieuses au pays en sciences humaines et sociales. «C’était un gros processus de sélection avec des entrevues, se remémore-t-elle. C’est un événement marquant dans ma vie. Il y a l’avant et le après. Cette bourse, c’est un accélérateur de carrière. Ça m’a permis de me faire connaître et de développer un bon réseau», décrit celle qui a gardé d’ailleurs de bons liens avec la Fondation ayant été sur le comité de nomination dans le passé et faisant maintenant partie du comité sur la diversité. «On m’a beaucoup outillée.»

La médecine est apparue comme une option quelques années plus tard, après que Magaly Brodeur ait notamment enseigné à l’Université Quisqueya en Haïti. «Là-bas, j’ai rencontré un étudiant qui était médecin sans frontières. Évidemment, j’étais interpellée par ce qu’il faisait. C’est bien beau l’économie, l’histoire et la politique, il y a des gens sur le terrain qui ont des besoins et j’avais envie d’aider. J’ai donc tenté ma chance en médecine sachant que je voulais poursuivre ma carrière en recherche.»

Son intérêt pour les dépendances comportementales est demeuré tout au long de son parcours. «La médecine a occupé 100 % de mon temps lors de cette période, mais dès que j’avais une chance de plonger dans cette thématique-là, j’en profitais, dit-elle. Mes travaux de recherche au fil du temps m’ont permis de voir et de comprendre tous les méfaits du jeu pathologique et l’impact considérable sur la vie des gens. Dépression, anxiété, suicide : certaines personnes sont fragiles. Le jeu n’est pas toujours considéré comme un loisir», met en garde celle qui pratique la médecine auprès des étudiants de l’Université Bishop’s en plus d’enseigner la recherche au Groupe de médecine familiale Jacques-Cartier, affilié à l’UdeS.

Défis de la pandémie

Fièrement diplômée en médecine de famille depuis 2020, Magaly Brodeur se consacre d’ailleurs à la rédaction d’un guide afin d’orienter la pratique des médecins canadiens pour la prise en charge du trouble lié aux jeux de hasard et d’argent. Avec son équipe, elle mène également des travaux en collaboration avec Loto-Québec et l’organisme Jeu : aide et référence, afin de mieux encadrer les habitudes de jeu en ligne.

«Avec la pandémie, on s’est fait dire de faire nos activités en ligne. Indéniablement, les jeux en ligne ont eux aussi beaucoup augmenté, tant au Québec qu’au Canada. C’est une préoccupation», mentionne celle dont deux projets de recherche s’intéressent à l’impact de la pandémie sur la pratique du jeu. L’un sur les habitudes de jeux de la population en général, l’autre sur les habitudes de jeux des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre.

«La communauté LGBTQ+ est négligée dans beaucoup de travaux de recherche, notamment dans le domaine du jeu, alors que c’est une communauté à risque de développer des problèmes de santé mentale et de dépendances. C’est important de s’y intéresser», juge celle qui s’implique par ailleurs au sein de la Fondation Jasmin Roy et Sophie Desmarais, dont la mission consiste à «créer des milieux positifs et bienveillants».

Équilibre et gratitude

À travers tout ça, Magaly Brodeur s’assure également de trouver du temps pour son conjoint et sa petite fille. «On forme une super équipe et on peut compter sur nos proches», confie celle qui admet avoir un horaire assez chargé.

«Quand on a du plaisir dans ce qu’on fait, on trouve un équilibre et on en profite. Les moments qu’on passe en famille en sont de qualité. On les vit à 100 %.»

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C’est bien beau l’économie, l’histoire et la politique, il y a des gens sur le terrain qui ont des besoins et j’avais envie d’aider. J’ai donc tenté ma chance en médecine sachant que je voulais poursuivre ma carrière en recherche.

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Magaly Brodeur accueille ainsi sa nomination parmi les 100 femmes noires les plus prometteuses au Canada en 2022 avec beaucoup de gratitude. «Le racisme est encore très présent de nos jours. Souvent sous la forme de micro-agressions ou de commentaires déplaisants. Partout, même dans les milieux professionnels», observe-t-elle.

«Les gens pensent parfois que je me trouve à une table pour respecter un quota en matière de diversité alors que j’ai travaillé très fort pour me rendre où je suis rendue. Tout ça tend à s’amenuiser, mais il faut continuer à parler de racisme et surtout ne pas fermer les yeux.»

Elle retient néanmoins que tout est possible dans la vie. «Il faut simplement croire en soi.»

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