L’Espace quantique de Sherbrooke séduit les plus grands cerveaux

Le mandat de Richard St-Pierre, directeur général de la Zone d’innovation quantique, a débuté le 9 septembre dernier.

Les entrepreneurs s’activent depuis quelques semaines sur la rue Roy dans le bâtiment qui a hébergé le quotidien La Tribune pendant 44 ans. L’Espace quantique, nouveau locataire, devrait ouvrir ses portes en juin 2023, mais déjà tout l’espace est réservé.


«On a 21 entreprises qui nous ont confirmé qu’elles voulaient venir et on est en train de négocier les baux avec 12 d’entre elles, indique Richard St-Pierre, directeur général de la Zone d’innovation quantique. Avec les demandes qu’on a, on va remplir l’immeuble à 100 %.»

L’Espace regroupera une vingtaine d’entreprises d’un peu partout dans le monde issues des technologies quantiques. On y retrouvera notamment des espaces communs, une cafétéria et même une agora extérieure.

«C’est une industrie qui émerge et les entreprises ont besoin d’être ensemble pour partager des connaissances, des technologies et des idées, explique M. St-Pierre lors d’une visite du chantier en compagnie de La Tribune. Les entreprises sont encore petites, il n’y a pas de Bombardier ou d’Air Canada dans le quantique. Beaucoup d’entre elles commencent à peine à générer des revenus et elles ne peuvent pas se payer des locaux, de l’équipement ou du marketing international. On crée un espace où les entreprises pourront partager ces coûts.»

De nombreux outils, dont des réfrigérateurs à dilutions et des ordinateurs de calculs ultra-puissants, seront d’ailleurs mis à la disposition des entreprises.

«Souvent, ces outils sont limités aux centres de recherche parce qu’ils sont très chers. Une start-up de trois personnes à la Steve Job dans son garage ne pourra pas acheter de l’équipement à trois millions de dollars. Leur idée est peut-être bonne, mais elle n’arrivera jamais. On veut enlever cette barrière. On achète les instruments à la place des entreprises et on les loue.»



L’ancien espace réservé aux presses accueillera quatre réfrigérateurs à dilution.

Un prix Nobel à Sherbrooke

L’Académie royale des sciences de Suède a décidé d’attribuer en octobre dernier le prix Nobel de physique à Alain Aspect, John F. Clauser et Anton Zeilinger pour leurs expériences sur les photons intriqués. M. Aspect est le cofondateur de la start-up PASQAL qui s’installera dans l’Espace quantique sur la rue Roy.

«C’est l’une des seules entreprises qui fabriquent des machines quantiques dans le monde à l’heure actuelle», admet fièrement M. St-Pierre.

PASQAL s’associera aussi avec Exaion, qui se spécialise dans des projets de grande ampleur dans le Web3, c’est-à-dire un Internet décentralisé et basé sur la technologie de chaîne de bloc, pour la création d’un centre d’excellence d’algorithmes ouverts. Pour vulgariser, la combinaison d’ordinateurs de calcul ultra-puissant et d’ordinateurs quantiques permettra de résoudre des calculs qui étaient auparavant impossibles.

Le 1950 rue Roy a hébergé les bureaux de <em>La Tribune</em> de 1976 à 2020.

Déjà des idées d’agrandissement

Les travaux sont à peine commencés que M. St-Pierre parle déjà d’agrandissement possible du bâtiment et même d’un Espace quantique 2 ailleurs en ville. C’est que la croissance des entreprises dans le quantique est exponentielle.

«On a une firme de Sherbrooke qui a démarré à trois personnes il y a 18 mois, donne-t-il en exemple. Aujourd’hui, ils sont 16 et ils ont réservé des locaux pour 45 personnes.»

C’est aussi que le modèle sherbrookois commence à s’ébruiter un peu partout dans le monde.

«Cette entreprise est financée par des gens de Boston et Paris, ajoute le directeur général. Eux, quand ils ont appris qu’elle s’en venait ici et qu’ils ont vu l’immeuble, ils ont dit que c’était justement un terrain fertile pour de l’investissement. Résultat, trois autres entreprises de ces financiers-là, qui n’avaient rien à voir avec Sherbrooke, vont déménager ici.»

M. St-Pierre confirme également qu’une douzaine de projets sont en cours plus largement dans la Zone d’innovation quantique. Il donne en exemple l’Usine 5, un projet entre le Cégep de Sherbrooke, le Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke et le Centre 24-Juin, qui veulent un nouveau bâtiment consacré à tous les nouveaux services professionnels.

«L’assemblage des ordinateurs quantiques, ça va prendre quelqu’un pour le faire, résume M. St-Pierre. On va avoir besoin de techniciens pour les ordinateurs quantiques. Il faut maintenir les réfrigérateurs à dilution et il y a des pompes des compresseurs, de l’électricité et de l’électronique. Ça brise et il faut remplacer des pièces. Ce ne sont pas les PHD qui font ça. On travaille avec ce projet pour former des gens pour supporter ces technologies.»

Les travaux devraient se terminer en juin 2023.