Chronique|

Belfast et la mémoire du Titanic

Commercial Court est une ruelle animée très populaire pour prendre un verre.

CHRONIQUE / Entre Dublin et Belfast, on passe de l’Irlande à l’Irlande du Nord, de l’Europe au Royaume-Uni. C’est là aussi, quelque part, que la connexion cellulaire s’arrête, là, quand on passe d’un territoire à l’autre et qu’on a oublié de se prévaloir de la couverture d’un réseau international.


Le train qui franchit la distance, bien qu’il permette un joli coup d’œil sur la campagne verdoyante, n’a pas la réputation d’être ponctuel. 

Il m’a mis en retard, le train, alors que je tentais de rallier mon auberge avant son couvre-feu. Courir les rues résidentielles désertes de Belfast, à la nuit tombée, un bagage gros comme ça sur le dos, ne permet certes pas d’assurer une première impression digne de ce nom. Je me donnais 24 heures pour me faire une réelle opinion. 

Pour se faire pardonner, peut-être, Belfast s’est ensoleillée le temps de mon séjour. La capitale de l’Irlande du Nord se la joue souvent dans les tons de gris, mais elle se fait particulièrement ravissante sous une lumière étincelante. 

Du sud de la ville, où je logeais, le campus de l’université et le jardin botanique offrent des promenades parfaites pour les flâneurs. Les vélos libre-service, qu’on déverrouille à l’aide d’une application mobile, permettent quant à eux de traverser toute la ville en un rien de temps. Il faut néanmoins porter attention aux pistes cyclables, qui sont nombreuses mais parfois un peu discrètes, pour éviter de se retrouver en plein cœur de la circulation par la plus pure inadvertance.

À pied, du sud jusqu’au populaire quartier du Titanic, il faut prévoir environ une heure si on limite les arrêts. Il est pourtant tentant de s’offrir une bouchée au Crown Liquor Store, sur la rue Great Victoria, un saloon décoré dans le style victorien où le doré prend l’ascendant sur tout le reste. Un peu plus loin, l’hôtel de ville est pour sa part flanqué d’un monument et d’un jardin commémoratifs pour les victimes du Titanic.

Le Titanic Belfast est un musée ouvert en 2012 qui racontre l’histoire de la construction du célèbre paquebot.

Quasi... insubmersible

Le fameux paquebot, qui a sombré dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, est bien entendu à l’honneur dans cette ville qui l’a vu prendre forme. Un guide touristique, avec un humour bien de l’endroit, nous recommandait d’ailleurs le musée Titanic Belfast, bâtiment extravagant sur le site du chantier où le mythique bateau a été construit : « Ici, nous sommes fiers d’avoir construit un bateau qui a coulé... »

Le musée, ouvert en 2012, a coûté plus de 100 millions de livres à construire. Ayant la forme de la proue d’un bateau, il compte neuf galeries, allant de l’histoire de Belfast et de ses industries au récit du naufrage, en passant par les mythes et légendes entourant la disparition du Titanic. 

Il faut plusieurs heures pour faire le tour de l’énorme bâtiment. Au moins trois. Si, au début, on s’attarde à lire chacun des panneaux interactifs placés le long du parcours, on finit par sélectionner les thèmes qui nous font envie. 

Gros coup de cœur pour les plans du navire, qu’on peut consulter étage par étage sur un grand écran, de même que pour la capacité, à travers le parcours, à nous faire vivre l’ambiance d’un chantier. La courte promenade dans une nacelle suspendue, bien qu’intrigante et offerte en plusieurs langues, n’apporte quant à elle aucune valeur ajoutée. 

Plus loin, on nous entraîne, à l’aide d’écrans et de projections, à l’intérieur du navire avant de nous initier au code morse pour signaler notre détresse. 

En fin de parcours, une salle de cinéma nous plonge sous la mer pour explorer les vestiges du Titanic. On quitte la salle par un escalier qui nous amène un étage en dessous, un peu comme si on marchait au fond de l’océan. Et il y a bien ce quiz qui nous permet de départager le vrai du faux, nous rappelant par exemple que le mastodonte n’a jamais été qualifié d’insubmersible. On le disait plutôt quasi... insubmersible. Une nuance de grande importance...

On en ressort avec beaucoup d’information en tête et la certitude qu’on n’aurait probablement pas pu mieux documenter l’histoire du Titanic avant la catastrophe. 

L’art de rue est partout à Belfast et il vaut la peine de se garder une demi-journée pour le contempler.

Game of Thrones et murales

Question d’assimiler — ou d’oublier — toute cette information nouvelle, les amateurs de la série Game of Thrones peuvent se lancer sur la trace de six vitraux à l’effigie de la populaire série. La majorité d’entre eux, y compris celui du fameux trône, se trouvent dans le quartier du Titanic, tout près d’un studio où ont été tournées des scènes de la série. 

Dans le domaine de l’art et de la fantaisie, on peut aussi s’aventurer dans le quartier de la cathédrale pour admirer les murales qui nous happent à presque tous les coins de rue. Il y a de quoi s’en donner des torticolis. Je regrette un peu de ne pas y avoir passé un après-midi complet pour explorer les moindres recoins. 

Gros coup de cœur, néanmoins, pour Commercial Court, une ruelle bordée de parapluies, de panneaux lumineux et d’enseignes disparates. On s’y rassemble assurément pour prendre un bain de foule et pour une incursion au populaire Duke of York, un bar aux allures de musée tellement on y expose des bouteilles et des objets d’antan. 

De l’autre côté de la rue, le Dark Horse compte une des dix portes en bois à l’effigie de Game of Thrones, des portes sculptées à même le bois des hêtres tordus qu’on peut apercevoir dans la série. 

Après une seule journée, on découvre une Belfast petite et lumineuse. Malgré l’étrange impression d’en avoir fait le tour, il serait bête de ne pas s’offrir au moins une deuxième journée pour l’explorer encore un peu, lentement, et pour réaliser que cette capitale n’a d’étourdissant que son troisième... ou quatrième verre de Guinness.