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Le déclin de l’empire américain... numérique!

CHRONIQUE / Plusieurs empires numériques font actuellement face à une véritable tempête, devant l’imminence d’une récession qui n’a rien pour rassurer les investisseurs. Profitant de la pandémie pour engraisser leur bilan, les géants de l’Internet procèdent maintenant à une cure d’amaigrissement des effectifs. L’idéalisme de rendre le monde meilleur véhiculé par les bonzes de la Silicon Valley n’est qu’une supercherie au nom du capitalisme pur et dur. Assistons-nous au déclin de l’empire américain numérique ?


Signe que l’économie va mal, d’après le New York Times, Amazon se prépare à licencier environ 10 000 personnes. Même si l’empire de Jeff Bezos est reconnu un peu partout comme étant un employeur plutôt médiocre, il n’en demeure pas moins qu’une annonce du genre, tout juste avant la période la plus achalandée de l’année, est signe que le pire est à venir. Le retour à la vie post-pandémique rime avec une diminution de la courbe de croissance d’Amazon et cette réduction des effectifs touche moins de 1 % de la masse salariale, laquelle comptait 1,54 million d’employés en septembre dernier. Le fondateur d’Amazon, Jeff Bezos, a annoncé qu’il fera don de son vivant de la majeure partie de sa fortune, estimée actuellement à 124 milliards de dollars, le jour même où l’on apprenait le licenciement de 10 000 salariés…

Facebook : l’acharnement de Mark Zuckerberg

Meta, société mère de Facebook, a pour sa part annoncé la mise à pied de 11 000 salariés, soit 13 % de ses effectifs. Jadis une plateforme pour les jeunes branchés, Facebook est désormais un refuge gériatrique et j’exagère à peine ! Les jeunes préfèrent de loin l’abrutissement du réseau chinois TikTok et son algorithme addictif. Le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, obnubilé par le métavers, ce monde virtuel supposément révolutionnaire, a vu sa fortune fondre de 103 milliards $ en un an. Cet acharnement de Zuckerberg pour le métavers fait en sorte que Facebook, vache à lait du groupe Meta, risque de mordre la poussière d’ici quelques années s’il n’est pas en mesure de renouveler sa clientèle. Le métavers Zuckerberg est un flop, pour le moment, mais les investisseurs auront-ils la patience nécessaire pour en faire un succès ?

Elon Musk : le roi des tweets !

L’homme le plus riche de la planète est un « Tweet-holic » reconnu, mais de là à acheter la compagnie pour 44 milliards $, c’est quelque chose de complètement fou. Même si la fortune d’Elon Musk est estimée à plus de 200 milliards de dollars, le montage financier lié à cette transaction est complexe et l’investissement de Musk est de l’ordre de 27 milliards de dollars. Fait à noter, pour compléter la transaction, Musk a contracté, au nom de Twitter, pour 13 milliards de dollars de prêts via plusieurs banques, dont RBC et CIBC au Canada. Cependant, la charge financière de ces prêts devra être assurée par Twitter, ce qui place le réseau social en situation précaire avant même le premier jour du règne de Musk, qui a débuté le 27 octobre dernier.

Ce montage financier explique en partie la décision draconienne prise par Musk de licencier la moitié du personnel dès ses premières heures à la barre du réseau social. Par contre, tu ne peux pas virer autant de gens sans préavis sans qu’il y ait des répercussions sur le fonctionnement d’une entreprise, mais ça, Musk semble s’en foutre. Libertarien notoire, Musk veut faire de Tweeter le réseau social incarnant la liberté d’expression. Pour plusieurs, liberté d’expression est synonyme de liberté d’agression. Twitter est devenu au fil des ans un fief d’enragés, et ce, même si le réseau social avait un protocole de modération des utilisateurs. La pérennité de Twitter est selon moi impossible sans la modération de la haine et de la désinformation, mais Musk va à contresens et ses décisions, comme celle de certifier n’importe lequel compte en échange d’un abonnement mensuel payant, en est un bel exemple.

Sur Twitter, les comptes certifiés d’un crochet bleu servaient justement à identifier les personnalités publiques, membres des médias et entreprises. Mais en permettant à quiconque d’obtenir une certification, c’était écrit dans le ciel qu’il y aurait dérapage et, en quelques minutes seulement, on a vu apparaître de faux comptes certifiés de sportifs professionnels, personnalités publiques et entreprises. Actuellement, l’abonnement à la certification des comptes est suspendu et Twitter travaille sur une version améliorée qui sera disponible dès le 29 novembre.

Au diable les ressources humaines

Ce qui est le plus frappant dans toute cette histoire est la manière dont Musk gère le personnel de Twitter. Nous sommes à des années-lumière du modèle détendu si propre aux entreprises technologiques. À la demande d’Elon Musk lui-même, les employés restants de Twitter avaient jusqu’au jeudi 17 novembre, 17 h, pour se donner à fond sans quoi ils allaient devoir quitter leur emploi avec une indemnité de trois mois de salaire. Cette manière plutôt cavalière de gérer les cerveaux de l’entreprise est un pari risqué, certes, mais personne ne pourra reprocher à Musk de ne pas se donner à fond dans sa nouvelle entreprise. J’ose espérer que l’homme le plus riche du monde a un plan d’affaires précis pour Twitter, car son premier mois de règne ressemble plus à une improvisation de mauvais goût. Le réseau Twitter perd 4 millions $ par jour et je comprends le sentiment d’urgence de redresser la situation. Chose certaine, le réseau Twitter sera bouleversé à jamais... pour le meilleur ou pour le pire.