L’Usine à Spectacles de Lawrenceville : se réinventer de défi en défi

Jocelyn Poitras est président du comité des loisirs de Lawrenceville. Il est aussi bénévole pour l’Usine à Spectacles, une petite salle de 54 places qui se réinvente constamment depuis sa mise sur pied en 2018.

L’Usine à Spectacles de Lawrenceville diffuse des spectacles à grands coups de bénévolat, de mobilisation citoyenne et d’engagement personnel. Mais devant la perte imminente de ses locaux actuels, la petite salle d’une cinquantaine de places pourrait connaitre une période nomade avant de migrer vers l’église quand celle-ci sera rénovée.


Jocelyn Poitras, bénévole et président du comité des loisirs de Lawrenceville, indique que l’organisme qui a vu le jour en 2018 est en constante mouvance depuis sa création.

En 2018, «le maire du village avait proposé à un organisme qui s’appelle Le Vent dans les Arts de faire une petite salle de spectacles», dit-il. Un espace a été aménagé dans une usine aux locaux vacants de la rue Dandenault. L’organisme s’est ensuite retiré et des citoyens ont repris le flambeau.

«On s’est retrouvés avec une salle vide sans équipement. J’ai apporté des micros et des pieds de micros de chez nous. Il y avait trois projecteurs qui venaient du poulailler d’un ami, qui avaient été utilisés avec une lumière rouge pour réchauffer les poules en hiver», se souvient Jocelyn Poitras.

Deux lampes de salon offertes en cadeau, des lampions sur les tables... Il n’en fallait pas plus pour tenir un premier spectacle de jazz.

La salle de 54 places aux allures de petit bistrot est vite devenue populaire. Un petit budget a permis à l’équipe d’acheter de l’équipement professionnel, les spectacles se vendant rapidement.

«Après un an d’action, la salle était pleine à presque tous les évènements. On avait beaucoup de projets dans l’air. On attirait des artistes de la région qu’on ne connaissait pas. On faisait des soirées micro ouvert, on a découvert des gens qu’on a pu engager après. On accueillait des évènements privés, l’école et le camp de jour utilisaient les locaux. On faisait aussi de la location aux artistes pour les répétitions, avec un réinvestissement dans les spectacles. C’est devenu prometteur très vite», dit-il.

L’Usine à Spectacles s’est rapidement intégrée un peu partout dans la communauté d’un peu moins de 700 habitants, indique M. Poitras.

«Il y a un petit écosystème qui s’est bâti. Il y a le BMR, qui est un gros vendeur de billets et où on achète certains équipements. Il y a le magasin général avec qui on a un partenariat.»

«À l’apogée du projet, on était neuf bénévoles. Il y avait une énergie et une implication exceptionnelles. Mais la pandémie est venue écraser ça. Là, on est quatre, il faut se rebâtir.»

Double coupure

L’élan du départ a été stoppé par la fermeture obligatoire de toutes les salles de spectacles en 2020.

«Ça a coupé notre programmation en deux, carrément. On donnait deux à trois spectacles par mois, plus des partys, des projections de films... L’école utilisait aussi le local. Puis, plus rien. Pendant la pandémie, j’ai été formé en webdiffusion. On a pu faire quelques spectacles en webdiffusion et, quand on avait le droit, il y avait un public réduit. C’était presque rentable, parce qu’on pouvait aller chercher de l’argent ailleurs que par les entrées.»

Le retour à la normale permet à l’Usine à Spectacles de reprendre ses activités. Toutefois, Jocelyn Poitras croit que, «pour tout ce qui concerne les spectacles-découverte, ça reprend très tranquillement. Avant la pandémie, il y avait une curiosité qui est moins forte maintenant. Et les gens plus âgés sont un peu craintifs de revenir. Présentement, on offre un à deux spectacles par mois».

Le reste du bâtiment où est installée la salle de spectacles est aussi appelé à être repris par l’entreprise d’équipements forestiers qui l’occupe présentement, avec un mois de préavis. L’organisme ne sait pas quand il devra quitter les lieux.

En parallèle, tout juste avant la pandémie, la municipalité a fait l’acquisition de l’église, située à quelques pas, en promettant au comité des loisirs qu’elle pourrait servir de salle de spectacles. Or, celle-ci a besoin de travaux majeurs comme la restructuration du plancher.

«Il n’est pas assez solide pour que 100 personnes dansent en même temps», dit M. Poitras. Selon lui, il faudra au minimum 18 mois avant de pouvoir intégrer le bâtiment.

«Soit le projet va être sur la glace, ou on devra fonctionner de façon nomade dans les salles disponibles. Pour nous, tant qu’on a l’usage des locaux ici, on continue. L’idéal, ça aurait été que l’église soit prête. Là, on semble devant quelques mois pris entre deux chaises», ajoute-t-il.

Petit diffuseur, grands défis

Outre les locaux à aménager et la sortie de pandémie, une salle de spectacles de petite envergure fait toujours face à une certaine part de risque.

« Contrairement à d’autres salles dans la région, on n’a pas de subvention pour diffuser. On court le risque au complet. À Saint-Camille ou au Centre d’art de Richmond, il y a un certain nombre de spectacles subventionnés. Ici, on n’est pas rendu à cette étape-là, et il faudra voir si c’est la volonté du milieu.»

«Vu que c’est une entité reliée au comité des loisirs qui appartient à toute la communauté, est-ce que les citoyens de Lawrenceville voudront un petit diffuseur avec ce que ça implique, comme l’embauche d’un coordonnateur? Il faut d’abord connaitre leur volonté pour faire un projet qui leur ressemble», croit Jocelyn Poitras.

Avec l’installation dans l’église qui permettra de tripler l’auditoire, selon lui, il est tout de même pertinent de se poser la question.

«Notre défi premier est la reconstruction de l’auditoire. Il faut inciter les gens plus âgés à revenir et créer des évènements pour les plus jeunes qui en ont besoin aussi.»

Pour Jocelyn Poitras, l’avenir est prometteur malgré les défis. «Je n’ai pas peur pour la rentabilité : on va passer de 54 à 120 places», dit-il.

Pour le moment, la formation 5539 Blues Avenue clôturera l’année 2022 le 3 décembre.