François Cousineau : Mémoires en piano solo

Pour la première fois de sa carrière, François Cousineau enregistre un album seul au piano.

Soixante ans de carrière. Quatre-vingts de vie. C’est le temps qu’a pris François Cousineau pour composer ses Mémoires, un premier album sans autres instruments ni voix que le piano.


«Depuis le début de ma carrière, on m’a toujours donné des musiciens. Et sur scène, c’est merveilleux, car il y a des échanges. J’ai joué avec 2, 12, 28 musiciens et parfois avec tout un orchestre symphonique. Aussi, sur mes albums précédents, j’ai toujours eu un violon, un alto, une contrebasse ou un accordéon.

«Mais là, quand j’ai dit à ma fille que j’avais accumulé, au fil des ans, plusieurs pièces et que j’avais de nouvelles idées, elle m’a lancé un défi : celui d’en faire un album de piano solo», explique le compositeur qui a écrit plus de 200 pièces pour des artistes tels que Clémence DesRochers, Céline Dion, Robert Charlebois, Jean-Pierre Ferland, Pauline Julien, Ginette Reno, Diane Dufresne, pour n’en nommer que quelques-uns.

«C’est comme pour n’importe quoi : quand tu travailles fort et bien, tu as toujours de beaux résultats et de belles trouvailles au bout du compte.»

Une réalité éternelle

Parmi les onze titres de Mémoires se trouve Vingt printemps, une des premières pièces que François Cousineau a composées, à 20 ans. «Souvenirs d’insouciance, de joie, de liberté.» 

Ailleurs, le temps n’existe pas est la toute dernière pièce qu’il a signée, en septembre dernier. 

«À 23 h, avant de me coucher, je me suis mis à jouer au piano. J’ai trouvé une mélodie qui me touchait et que, je suis certain, ma mère aurait aimée. 

«Je suis allé me coucher et à 3 h, je me suis relevé pour la rejouer. Cette pièce est le résultat de ma dernière année de travail, mais elle est née en une nuit.»

À propos de cette dernière pièce, le pianiste écrit dans le livret du disque : «La physique moderne a découvert qu’il n’existe pas de différence entre le passé et le futur dans les lois fondamentales qui décrivent les mécanismes de l’univers. Ainsi, l’écoulement du temps ne serait qu’une illusion due à notre expérience empirique du monde, car au niveau élémentaire, tous les temps coexistent. Si maintenant est tout aussi subjectif que ici, j’aime à penser que la mort aussi est un mirage, que notre réalité profonde est immobile, éternelle.»

L’album s’ouvre avec Nocturne. «À l’époque, Chopin composait un nocturne parce qu’il s’ennuyait de sa blonde qui était à 60 kilomètres. Moi, j’ai composé mon Nocturne en pensant à l’humanité. Je suis très déçu de l’humanité. On est dans une période affreuse où les désastres s’additionnent. Les changements climatiques, la guerre en Ukraine, les mensonges...

«Je pense qu’on s’en va vers un énorme chaos. L’humain va souffrir, car on dirait qu’il ne comprend pas. Quand on est rendu que le mensonge est de mise et que la vérité et nos institutions n’ont plus de valeur, ça va mal. Cette pièce est très triste.»

La pièce Chant d’adieu est écrite comme un requiem. «C’est une grande mélodie jouée le plus simplement possible. On sent que mes cours de musique classique avec Sœur Paul-Omer ne sont pas bien loin.»

Sœur Paul-Omer est la seule professeure de piano que le musicien a eu, de 7 à 12 ans, alors qu’il vivait rue Denault à Sherbrooke. 

«J’ai fait partie de l’Harmonie de Sherbrooke avec Sylvio Lacharité qui dirigeait», se souvient celui qui a vu le pont Jacques-Cartier se faire construire avant de retourner vivre à Montréal, là où il était né en 1942.

FRANÇOIS COUSINEAU : <em>MÉMOIRES</em> - INSTRUMENTAL 

« La vie sans musique serait une erreur »

Peut-il imaginer une vie sans piano? «J’aurais été très malheureux. La musique parle directement à mes cordes sensibles en dedans de moi, et ce, depuis que je suis tout petit.»

«Quand j’avais 3 ans, ma mère faisait jouer notre 78 tours de Blanche-Neige et les sept nains. Quand la chanson Heigh Ho! jouait, j’étais de bonne humeur et je tapais du pied. À la mort de Blanche-Neige, je pleurais. Oups, elle revenait, je partais à rire. Je suis une éponge.

«Quand je vais voir un concert, je prends mes jumelles et je regarde les musiciens. 

«Je ne suis pas dans la salle : je suis le musicien que je regarde. Je joue avec lui, je respire en même temps que lui. Je ne suis pas auditeur : je suis dans la musique comme si je l’interprétais.»

À 80 ans, loin de faire ses adieux, l’homme en pleine santé a encore plusieurs projets en tête. Après l’avoir écrite en musique, il songe à écrire sa biographie avec des mots. Et il aimerait bien monter sur scène pour présenter un mélange de ses mémoires en notes et en anecdotes. 

Et il ne manque pas de matière! Il a à peu près fait le tour du monde. A joué avec plusieurs grands artistes. A serré la main de deux présidents américains, celle de Ronald Reagan à Québec en 1985 et, quelques années plus tard, celle de Bill Clinton, alors que le pianiste, qui était à l’époque président de la SOCAN, était reçu à la Maison-Blanche.

«Des anecdotes, j’en ai tellement. Ce que j’aime de la musique, c’est que ça reste. 

«J’ai été chanceux dans ma vie. J’ai la santé et, surtout, la joie de vivre.»

Son père voulait qu’il soit avocat. Le pianiste a été membre du Barreau du Québec pendant de nombreuses années. Sa mère souhaitait qu’il devienne musicien. 

La renommée du compositeur et pianiste n’est plus à faire. Il rêvait d’être architecte. Lorsqu’il n’est pas au piano, il est aujourd’hui l’architecte paysagiste de sa propriété aux abords du lac Memphrémagog.

Mémoires paraît presque vingt ans après le dernier album du pianiste. Il est offert sur toutes les plateformes numériques depuis le 11 novembre.