Chronique|

Éduquer par la publicité

 Chaque jour, plusieurs fois par heure, de tous bords tous côtés, la publicité finit toujours par se faufiler malgré nos efforts pour l’éviter.

CHRONIQUE / Chaque jour, plusieurs fois par heure, de tous bords tous côtés, la publicité finit toujours par se faufiler malgré nos efforts pour l’éviter. Bien qu’aujourd’hui, les gens enregistrent leurs émissions de télévision et que l’option de sauter les annonces est de mise, la publicité est quand même omniprésente dans nos vies. Qu’on le veuille ou non, si l’on est moindrement connecté à la civilisation, on se retrouve inévitablement témoins d’un éventail de valeurs véhiculées par les campagnes publicitaires. Pourquoi ne pas en profiter pour éduquer au lieu de laisser le marketing des entreprises tenter de nous aveugler par le mensonge?


C’est en écoutant l’annonce télévisuelle du Seltos 2023 de KIA que je me suis mise à réfléchir davantage sur cet enjeu de société. D’abord, je tiens à préciser que je n’ai rien contre le fabricant de voitures, la Soul que nous possédons répond parfaitement à tous nos besoins, avec l’espace pour le fauteuil roulant inclus. Ce n’est pas non plus la porte-parole. En effet, Mélissa Désormeaux-Poulin semble être une agréable personne et une actrice irréprochable que j’ai particulièrement aimé dans l’émission «Survivre à ses enfants» diffusée sur les ondes d’Ici Radio-Canada en juin 2021.

Mais.



Pourquoi le publicitaire a choisi d’utiliser le mensonge pour vendre le produit? L’annonce s’ouvre sur une belle image d’une maison qu’on imagine être située en pleine campagne. Le chant des oiseaux et les arbres habillés aux couleurs automnales nous plongent d’entrée de jeu dans l’ambiance relaxante des balades en voiture. Puis, la porte-parole sort de sa KIA en servant une première menterie à celle qui l’attendait: «Je suis désolée, je suis en retard, mais ce n’est pas de ma faute».

Une phrase très souvent prononcée et qui est, je l’espère, généralement véridique (surtout si on doit traverser le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine pour arriver à sa destination). Mais cette fois-ci, la prémisse est fausse. On comprend dans le segment suivant que le mensonge a été bien prémédité. La porte-parole explique son retard à celle que l’on devine être une amie. Alors qu’elle affirme que sa ponctualité défaillante est due à la cuisson du gâteau qu’elle a elle-même cuisiné, on nous montre l’actrice qui quitte une pâtisserie avec une boîte de gâteau à la main. Deuxième mensonge.

La publicité enchaîne sur le trajet rempli de détours qui semblent désirés, mais qui aboutit sur une traverse de bœufs sur la route, tout en entendant la conductrice évoquer le trafic des grandes villes pour justifier son retard. Troisième mensonge.

Juste avant de serrer son amie dans ses bras en disant «Mais je suis là!», la porte-parole sert un quatrième mensonge en affirmant qu’elle s’est perdue malgré que nous, téléspectateurs, voyons le GPS intégré dans l’affichage «tête-haute» placé sur le pare-brise juste sous les yeux de la conductrice.



Quatre menteries en trente secondes, balancées sans scrupule à une amie. Il me semble que le message véhiculé dans cette publicité n’aide en rien les gens à parler de leur santé mentale lorsqu’ils en ressentent le besoin. C’est ce qui m’a frappée. Dans la vraie vie, la conductrice en retard aurait avantage à dire la vérité: elle avait besoin de se retrouver, se ressourcer, avant d’arriver. Et qui sait si le dialogue qui s’en serait suivi n’aboutirait pas à apaiser l’une par la confidence et l’autre par l’honnêteté dans l’amitié.

Bon, je sais, ce n’est pas la fin du monde. Et ce n’est pas la pire publicité qui existe non plus. Mais ça m’agace que dans la réalité certains se réfugient abondamment dans le déni ou les «pieux mensonges» pour contourner la vérité. C’est peut-être cette banalisation du mensonge qui gruge peu à peu notre société et qui, à mon avis, nous fait foncer droit dans un mur.

La publicité pourrait adopter un genre de code d’éthique pour propager les bonnes valeurs au lieu de conforter les mauvaises. On n’a qu’à penser à toutes ces annonces où les enfants sont mal élevés et les parents (évidemment) dépassés par les événements. C’est un peu comme si on approuvait les comportements répréhensibles pour vendre un quelconque produit.

Bien sûr, il y a eu du progrès du côté des annonces de bières qui traditionnellement utilisait le corps des femmes pour capter l’attention des hommes.

Mais.

N’avons-nous juste pas transféré la femme-objet en homme-objet? Rappelez-vous la publicité des Assurances Desjardins, une femme oubliait l’eau de son bain parce qu’elle était obnubilée devant son téléviseur par un beau plongeur en speedo. Sans parler des nombreuses publicités où l’homme est un tata niaiseux alors que la femme conduit des remorqueuses, dirige une entreprise ou est tout simplement plus intelligente.



Dernièrement, on a pu voir un changement positif dans l’ensemble des publicités: celui de montrer davantage de minorités visibles, comme les personnes noires et les conjoints de même sexe.

Mais.

On pourrait voir davantage de personnes handicapées dans un contexte autre que celui des jeux paralympiques. Les sportifs en situation de handicap sont très inspirants, mais on pourrait mieux représenter le 16% de la population en enseignant par le biais des publicités que les personnes handicapées sont aussi des personnes comme tout le monde. Elles continuent de vivre, de consommer et de profiter de la vie.

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Artiste peintre, conférencière, auteure… et quadruple amputée, Marie-Sol St-Onge partage sa façon de voir les choses qui l’entourent. Un angle de vue différent, mais toujours teinté d’humour et de positivisme.