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À moins d’un recadrage de l’étude, j’entrevois plutôt des lacunes importantes à un tel projet, puisque le BCC dit vouloir s’intéresser seulement à la concurrence entre les principaux détaillants québécois et canadiens. C’est une erreur selon moi. Si le BCC ne s’attaque pas à évaluer l’impact des prix des intrants qui nous proviennent d’ailleurs dans le monde et qui ont un impact majeur sur le prix des aliments, nous ne risquons pas d’apprendre grand-chose de nouveau.

Entre nous, croyez-vous vraiment que les conseils d’administration ou les directions des grands groupes de détaillants canadiens tels Empire (Sobeys et IGA), Loblaw (Provigo et Loblaws) et Metro useraient de stratagèmes quelconques pour s’entendre sur des prix au détail et ainsi affecter la concurrence entre les enseignes? Lorsqu’il y a eu de tels scandales de collusion, ça s’est passé à l’échelle locale, un peu comme le cartel de l’essence ici en Estrie. Non pas sur le plan national. Aucune enseigne ne voudrait risquer d’être accusée de telles pratiques, sinon des têtes tomberaient dans les conseils d’administration. Je suis de ceux qui croient que les codes d’éthique et de gouvernance des conseils d’administration de ces entreprises sont solides et tout à fait à jour.

Si on ne s’attaque pas à analyser l’ensemble des éléments liés aux chaînes d’approvisionnement, à partir du bœuf Angus qui broute dans son champ du Texas jusqu’à la barquette de filet mignon à l’épicerie de Sherbrooke, on ne trouvera rien qui puisse nous expliquer vraiment de telles hausses de prix. Il faut vraiment aller plus loin pour comprendre.

La chaîne d’approvisionnement, qui part des intrants qui sont utilisés pour nourrir le bœuf ou faire pousser le brocoli, la relation entre les grands producteurs mondiaux et les intégrateurs multinationaux de même que les sources d’approvisionnement en intrants sont autant d’éléments qui ont un impact sur le prix de détail.

Quelques facteurs à tenir compte dans une étude

Le taux de change

Avec un taux moyen de 1,37 $ canadien pour un dollar américain, les grossistes et détaillants canadiens doivent vivre avec la réalité que depuis trois ans, le seul taux de change a fait augmenter les prix d’au moins 15 %. Quand on apprend que notre voisin américain est à l’origine de près de 61,4 % de la valeur des importations de produits agricoles et agroalimentaires du Canada et qu’au Québec, environ 46 % des produits alimentaires consommés sont importés des États-Unis, il n’est pas surprenant que l’on paie plus cher. Avec le dollar canadien toujours en forte baisse par rapport à celui des États-Unis, ça frise l’évidence. Toute la chaîne d’approvisionnement se trouve affectée par cette situation.

Les engrais

Dans le cas des légumes, fruits, grains et fourrage, l’augmentation astronomique des prix des engrais engendre une hausse des prix des aliments. Depuis 2021, les prix de la plupart des engrais de synthèse ont doublé. Pas surprenant donc que la National Corn Growers Association prévoyait en 2021 que ses membres allaient dépenser 80 % de plus en engrais synthétiques en 2022 par rapport à l’année 2021. Cette hausse représente des coûts additionnels moyens de 128 000 $ par exploitation! Voilà un aspect crucial qui influence le prix des aliments. Juste au Nouveau-Brunswick, la ferme Michaud, un producteur de patates et de maïs, a vu le prix de ses engrais passer de 700 $ à 1400 $ la tonne entre 2021 et 2022. Rien ici donc pour faire baisser les prix.

La transformation

Dans le cas de la viande chez nous au Québec, il faut aussi se regarder dans le miroir. Quand on gratte un peu, on constate que nous avons perdu presque tous nos petits abattoirs sur une période de moins de dix ans, et ce, sans vraiment qu’un gouvernement ne s’en préoccupe outre mesure. Déjà en 2015, deux multinationales, l’américaine Cargill et la canadienne JBS, abattaient plus de 95 % de nos bovins québécois. Cette situation a fait en sorte que même aujourd’hui, nos animaux de boucherie doivent parcourir de plus grandes distances pour être abattus. Avec les prix de l’essence qui ont aussi explosé dans les trois dernières années, pas surprenant que les prix augmentent. Cette situation de quasi-monopole a aussi eu un impact majeur sur les petits producteurs locaux qui ne peuvent plus faire abattre localement, ce qui les force, plus souvent qu’autrement, à abandonner leur production locale et réorienter leurs entreprises vers d’autres productions non animales. Il en résulte un déficit de viande locale et du même coup, une plus grande dépendance aux grands intégrateurs mondiaux.

Les seuls exemples présentés ici devraient faire réfléchir le BCC afin que son analyse aille plus loin, qu’il implique aussi d’autres pays – surtout les États-Unis et le Mexique puisque nous sommes très intégrés à eux – et ainsi arriver à des conclusions et des recommandations pertinentes.

Le problème des aliments dont les prix augmentent sans cesse est principalement relié à ce qui se passe en amont, au tout début de la chaîne d’approvisionnement bien plus qu’au seul grossiste ou au détaillant ayant pignon sur rue ici chez nous.

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